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Birmanie : « Les injonctions occidentales n’ont aucun effet car elles humilient les militaires », pense une spécialiste

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Au lendemain de la journée de répression la plus meurtrière depuis le coup d’Etat la réprobation internationale redouble, mais ça n’a toujours aucun effet sur les militaires birmans

  • Presque deux mois après le coup d’Etat, plus d’une centaine de personnes sont mortes lors de la journée la plus meurtrière depuis le début de la crise.
  • Les chancelleries occidentales ont une nouvelle fois condamné, mais ces prises de position sont sans effets sur la junte.
  • La spécialiste de l’Asie Sophie Boisseau du Rocher, interrogée par 20 Minutes, explique que seuls les proches voisins de la Birmanie peuvent avoir une influence dans le jeu politique intérieur du pays.

Rien n’y fait. Depuis presque deux mois après le coup d’Etat, la tension ne retombe pas en Birmanie. Pire : face aux protestations toujours aussi nombreuses, la répression est plus forte encore. Samedi plus d’une centaine de personnes manifestants pour la démocratie sont tombées sous les balles des militaires. La journée la plus meurtrière depuis le 1er février. Ce n’est pourtant pas faute de voir la communauté internationale se mobiliser bruyamment :  l’Union européenne a notamment décrété des sanctions contre le régime birman cette semaine. Sans aucun effet. 20 Minutes a interrogé Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse au centre Asie de l’Ifri pour comprendre l’attitude de la junte vis-à-vis de l’extérieur.

La communauté internationale n’a pas de prise depuis le début de la crise sur la junte militaire, des protestations supplémentaires ne semblent pas devoir changer grand-chose, non ?

Je crains que ça n’ait pas plus d’effets, effectivement. J’ai quand même été frappée par le discours du général Min Aung Hlaing pour la parade militaire d’anniversaire contre l’occupation japonaise : il a parlé de terroristes qui attentaient à la tranquillité de l’Etat. C’est très intéressant car ce qu’il veut en fait dire, indirectement, c’est qu’ils intentent à la tranquillité des militaires. Ce que les militaires demandent c’est : « Laissez-nous faire ce qu’on veut. » Et le discours n’était pas tant à l’égard des Birmans que des chancelleries occidentales. Cet indice-là, plus le fait que mardi, au lendemain de l’annonce des sanctions européennes, le porte-parole n’a abordé la question qu’à la fin de la conférence de presse, au bout de 2h15, ça veut bien dire que le régime n’est pas sensible au message. On reste ici dans une forme d’autisme qui devient particulièrement préoccupante quand on voit la situation du pays, en plein chaos.

Cette indifférence n’est pas une première dans l’histoire birmane, pourquoi la junte est-elle aussi imperméable aux protestations internationales ?

Un Birman m’a dit un jour deux choses : d’abord que la junte était sourde, qu’elle n’entendait pas les messages. Ensuite qu’elle est atteinte d’un complexe obsidional, c’est-à-dire la peur de l’encerclement. Le pouvoir birman ne regarde pas l’extérieur. Y compris les Chinois, ça ne s’adresse pas qu’aux Occidentaux. Je crois que les seuls partenaires qu’ils considèrent véritablement, ce sont les pays de l’Asean, leurs voisins immédiats. La Birmanie fait partie de cette association des nations de l’Asie su Sud-Est et ce sont les seuls qui peuvent véritablement essayer d’avoir un impact sur la situation, notamment l’Indonésie.

Précisément, quelle est la réaction de ces pays voisins ?

Ils font un travail absolument admirable mais ils le font très discrètement. Tout simplement parce que la junte ne doit pas être acculée. Si un compromis doit être trouvé, il le sera certainement derrière les rideaux. C’est d’ailleurs pourquoi les injonctions occidentales n’ont aucun effet : elles humilient directement les militaires. L’Indonésie, avec qui il y a une vraie relation de confiance de longue date, à la fois avec les autorités civiles et militaires, a pour objectif d’amener les militaires a un compromis avec le gouvernement provisoire formé par le Comité des élus du scrutin législatif de novembre dernier, renversés par le coup d’Etat. L’Indonésie sert d’interface entre les différents acteurs politiques et on l’oublie trop facilement.

Peut-on aller jusqu’à dire que l’attitude des pays occidentaux est contre-productive ?

J’aurai tendance à le penser. L’effet des protestations et des sanctions est absolument nulle et elles sont probablement contre productives. Ce que je crois, et je m’inscris là complètement dans la logique de l’administration Biden aux Etats-Unis, c’est que l’enjeu dans les trente prochaines années sera la rivalité entre les autocraties et les démocraties. Il faut impérativement que les pays occidentaux (Etats-Unis, Union européenne, Japon) réfléchissent à une stratégie adaptée à ces cas de figure. Car on ne force pas un âne qui n’a pas soif à boire.

Par Rachel Garrat-Valcarcel – 20minutes.fr – 28 mars 2021

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