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La résistance birmane s’organise depuis la frontière thaïlandaise

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Deux mois après le coup d’Etat en Birmanie, la répression meurtrière de la junte contre la population a fait fuir des milliers de personnes aux frontières thaïlandaises, d’où la résistance s’organise sous protection des minorités ethniques. Reportage côté thaïlandais.

Malgré un bilan de plus de 600 morts, dont une cinquantaine d’enfants, et des milliers de personnes arrêtées, la mobilisation pro démocratie ne faiblit pas. Des dizaines de milliers de travailleurs sont en grève et des secteurs entiers de l’économie paralysés. Mais les foules sont moins nombreuses à manifester par peur des représailles.

De la peinture rouge a été déversée dans des rues en hommage aux manifestantes et manifestants décédés. Des chaussures ont été également déposées pour symboliser chaque personne absente.

Ce ne sont plus des manifestations aujourd’hui, c’est un champ de bataille.Saw-Jay, jeune politicien et directeur d’une ONG birmane

Pour survivre et continuer le combat, des leaders du mouvement de désobéissance civile ont fui vers la frontière thaïlandaise, où les protègent des milices rebelles des minorités ethniques. C’est là que la résistance s’organise.

Saw-Jay, jeune politicien et directeur d’une ONG birmane, fait partie des exilés. Il a franchi illégalement la frontière après avoir été menacé par la police. “Je ne voulais pas quitter mon pays, parce qu’on a besoin de gens sur le terrain, mais les militaires ont commencé par s’attaquer aux députés du Parlement, de la Ligue pour la démocratie, puis petit à petit, ils se sont rapprochés de nous, la prochaine génération de leaders. Ce ne sont plus des manifestations aujourd’hui, c’est un champ de bataille”.

Alors, depuis la zone frontalière de la Thaïlande, lui et plusieurs milliers de ses compatriotes tentent de résister à distance, en organisant le mouvement grâce à une meilleure connexion internet, en récoltant des fonds et en cherchant des moyens de les transférer malgré la fermeture des banques.

Protection des minorités ethniques

Malgré un manque de ressources en nourriture, eau et électricité, les minorités ethniques, comme celle des Karen, ont accueilli les nombreux députés, fonctionnaires, soldats et policiers déserteurs, à qui ils offrent un abri et des moyens de communication.

Mais la présence de membres du gouvernement autoproclamé, le CRPH, menace la sécurité des villageois et villageoises. Depuis plus d’une semaine, de violents affrontements ont repris dans ces territoires. Des frappes aériennes, les premières depuis 20 ans, ont fait au moins une quinzaine de morts et provoqué la fuite de 10’000 personnes vers la Thaïlande.

La brutalité de l’armée en plein jour et sous l’œil des caméras aurait fait changer d’opinion de nombreuses personnes birmanes sur les problèmes des minorités ethniques, estime Hsaeng Noung, membre du réseau d’action des femmes Shan. “Je pense que la majorité des Birmans ne se rendaient pas compte à quel point ces minorités sont maltraitées, avec les assassinats, le viol comme arme de guerre, les villages brûlés, les habitants déplacés, le travail forcé.”

Le projet d’une société plus égalitaire

Les réseaux sociaux sont, eux, inondés d’appels à l’unité entre la résistance des grandes villes et les différentes factions ethniques. Avant de s’engager fermement, ces dernières veulent des garanties sur un nouveau pacte national qui offrirait plus d’autonomie à leur province et de contrôle sur les ressources naturelles.

La chercheuse Nay Oo Mutraw estime que, sous l’impulsion de la jeunesse, le changement est possible. “La société birmane pratique l’oppression, la discrimination et le racisme depuis l’indépendance en 1948, comme contre les Rohingyas. La jeunesse rejette tout cela. Nous voulons être libres dans nos pensées, nos actes, nos vies. La jeune génération redéfinit courageusement quel genre de société nous pourrions, nous devrions être.”

Derrière la résistance aux militaires se construit ainsi le projet d’une nouvelle société birmane, plus diverse et égalitaire. Ainsi, les Birmanes et Birmans appellent déjà leur mouvement “la révolution du printemps”.

Par Carol Isoux & Mouna Hussain – Radio Télévision Suisse – 10 avril 2021

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