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Au Vietnam, l’ultime lieu de vie, c’est la rue.

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Au Vietnam, la rue n’est pas un simple lieu de passage, qu’on emprunte pour aller d’un endroit à un autre. La rue est un lieu de vie à part entière. Mieux, c’est le lieu de vie par excellence. On est dans la rue comme chez soi, et chez soi comme dans la rue.

Dans la rue vietnamienne, on fait tout et n’importe quoi. Les motos et camions s’évitent dans un désordre complet et continu, avec des pics de passage entre six et sept heures trente du matin, puis encore entre dix-sept et vingt heures le soir. Pourtant, la circulation est loin d’être la véritable habitante des rues : elle passe et on n’en parle plus ! Elle est loin d’avoir la légitimité de tout ce qui forme le décor constant des rues, celui qui reste, revient, persévère : les gens des rues et les gens de la rue.

Le spectacle de la vie

Dès l’aube, une flopée de vendeurs en tout genre s’installent sur les trottoirs et bien souvent directement sur la chaussée lorsque le trottoir ne fait pas l’affaire. On s’installe comme chez soi, en prenant sa place habituelle, on s’étale. Les gens savent où aller chercher leur banh mi (sandwich) préféré, connaissent la vendeuse qui leur fera le meilleur prix sur ses fruits du dragon, et ça marchande dur. Les vendeuses de viande sont celles qui m’intriguent le plus, hachant, tripotant et étalant leurs morceaux de chair rouge et de gras en plein soleil, où ils attendront sagement le passage de l’acheteur. On ne fait pas dans le subtil, on n’essaie pas de « déviandifier » la viande : ici, les poulets rôtis conservent leur tête et leurs pattes et pendouillent mollement dans une vitrine ; là, on reconnaît distinctement la queue du chien disposée sur une table bancale. On ne nous cache pas le sang, les boyaux, les odeurs, les flaques de jus d’entrailles de poisson…

La rue, c’est passionnant. Pas simplement pour moi qui découvre pour la première fois une telle animation, tant de détails insolites… Non, les Vietnamiens aussi adorent cela. Il n’y a qu’à les voir, accroupis devant leurs portes grillées, où ils passent des heures à seulement regarder ce qu’il se passe dans la rue ! Il y a même des cafés où toutes les chaises sont orientées sur la rue, pour que chacun puisse la regarder à sa guise en sirotant son café au lait glacé ! On n’hésitera pas à vous regarder avec insistance alors que vous passez devant eux, comme une bête de foire… Ça ne gêne personne d’avoir un regard aussi appuyé, d’ailleurs : c’est l’animation du jour, on regarde le spectacle de la vie ! Du coup, moi non plus je ne me gêne pas pour les regarder avec insistance.

La maison, une extension de la rue

Il faut bien comprendre qu’au Vietnam, la rue s’étend jusque chez les gens. L’architecture des maisons est simple : la façade des maisons est très étroite (l’imposition étant directement liée à sa longueur) et les pièces se succèdent en profondeur à l’arrière, toutes étroites et les unes derrière les autres. En occupant presque tout l’espace de la façade, la porte d’entrée fait plutôt penser aux portes grandes ouvertes d’un garage. En passant devant les maisons vietnamiennes, on voit donc directement l’intérieur de leurs pièces principales, qui se ressemblent toutes : l’armoire à télé en bois sombre, la télé (sa taille varie), la photo des défunts de la famille et un sol carrelé. Ajoutez une maman installée à même le sol, un bambin qui se balade fesses nues, et vous avez un intérieur vietnamien typique, une extension de la rue.

Chez les Vietnamiens, rien n’est privé ou presque. Certes, les plus pauvres vivent nombreux dans un espace très limité, mais ce manque total d’intimité n’a rien à voir avec le niveau de vie de la famille. Un excès particulièrement flagrant de ce choix m’est apparu en me baladant tout près de chez moi : une maison s’y est élevée en l’espace de quelques semaines, et, signe indéniable de moyens financiers importants, les propriétaires avaient fait entourer leur maison d’un mur. On en ferait de même chez nous, pour  préserver notre intimité, n’est-ce pas ? Eh bien pas au Vietnam ! Ici, le mur n’était pas en ciment ni en pierre : il était en grande partie en verre, comme une grande fenêtre par laquelle les badauds pourront continuer à suivre le spectacle de la vie de cette famille !

La plupart des maisons vietnamiennes sont alignées le long des rues. Normal, me direz-vous, dans les villes. Ça l’est moins dans les campagnes, où je me serais plutôt attendue à trouver des maisons ou des commerces centraux, un centre de gravité quelconque… Mais ici aussi les maisons sont toutes sagement alignées le long de l’artère principale qui les traverse, comme si chaque maison devait faire face à l’autre et regarder dans la même direction. Au Vietnam, le centre de gravité, l’ultime lieu de vie, c’est la rue.

Par Béatrice Goddard – Lepetitjournal.com – 3 juin 2021

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