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L’homme fort du Cambodge esquisse un plan de sortie

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Le premier ministre du Cambodge, Hun Sen, qui dirige le pays asiatique de 17 millions d’habitants depuis 36 ans, vient d’esquisser son plan de sortie politique, mais ne semble pas pressé de le voir se concrétiser.

Le politicien a annoncé officiellement dans les derniers jours qu’il souhaitait voir son fils aîné, Hun Manet, 44 ans, commandant des Forces armées cambodgiennes, lui succéder un jour, tout en prenant soin de préciser que ce scénario devrait se concrétiser par la voie électorale.

Il a défendu du même coup l’idée de créer une dynastie politique au Cambodge en relevant que l’ex-premier ministre japonais Shinzo Abe était le fils d’un ancien ministre des Affaires étrangères et le petit-fils d’un ex-premier ministre.

Le directeur de la division Asie de Human Rights Watch, Brad Adams, a prévenu jeudi que l’homme fort du Cambodge n’avait pas précisé à quel moment son fils se présenterait, se bornant à affirmer qu’il faudrait peut-être encore une décennie pour en arriver là, alors que les prochaines élections législatives sont prévues en 2023.

« Il a déjà dit qu’il entendait rester au pouvoir jusqu’à 90 ans, alors qu’il en a 69 », souligne l’analyste, qui fait peu de cas de l’attachement affiché du dirigeant cambodgien au processus électoral.

Le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), principal parti de l’opposition, avait été interdit par les tribunaux avant les précédentes élections en 2018, et le Parti du peuple cambodgien de Hun Sen avait remporté la totalité des 125 sièges en jeu.

Cette domination parlementaire lui a permis de faire adopter une série de lois extrêmement restrictives afin de consolider son emprise sur le pays.

Il est possible, note M. Adams, que le premier ministre craigne malgré tout pour sa sécurité après son départ du pouvoir et qu’il voie dans la nomination de son fils une façon de se protéger contre tout retournement politique brutal.

« Au Cambodge, la politique a toujours été un combat à mort », relève l’analyste en rappelant que Hun Sen avait fait ses premières armes dans les rangs des Khmers rouges avant de faire défection.

La population du pays spécule aussi sur la possibilité que le premier ministre souffre de problèmes de santé et se sente tenu de préparer préventivement sa sortie, ajoute M. Adams, qui s’alarme de l’impact des efforts déployés par le régime au cours des dernières années pour étouffer l’opposition politique et la société civile.

Prétexte pandémique

La lutte contre la pandémie de COVID-19 a notamment servi de prétexte au premier ministre pour déclarer l’état d’urgence et instaurer d’importantes restrictions qui lui confèrent un contrôle quasi complet sur les médias et légalisent la surveillance électronique de masse « par tous les moyens possibles ».

Un décret précisant que le trafic internet doit être filtré par un organisme étatique de régulation pouvant bloquer les connexions susceptibles de troubler la sécurité, l’ordre social ou encore « la culture » a été adopté.

De nombreuses personnes ayant publié en ligne des commentaires relatifs à la pandémie jugés trompeurs par le gouvernement ont été arrêtées et interrogées, dont une adolescente de 14 ans.

Des dizaines de militants liés au CNRP, le parti de l’opposition interdit, ont été visés par les forces de sécurité, ce qui a fait monter en flèche le nombre de prisonniers politiques dans le pays.

Le gouvernement a affiché son intention d’aller encore plus loin en matière de contrôle en déposant un projet de loi, toujours en discussion, sur le « maintien de l’ordre public » qui vise à favoriser l’émergence d’une « société plus civilisée ».

Selon Human Rights Watch, cette loi rendrait en principe l’itinérance illégale, imposerait des restrictions aux personnes souffrant de troubles de santé mentale, empêcherait les gens de « parler fort » et se propose de réguler la tenue vestimentaire des femmes de manière à assurer le respect « de la tradition et de la dignité nationale ».

« Ça fait peur », commente Brad Adams, qui voit dans le virage répressif du gouvernement cambodgien une manifestation de l’influence croissante de la Chine sur le pays.

Hun Sen, note-t-il, a pris ses distances avec l’Union européenne et les États-Unis en relevant que Pékin était prêt à compenser toute baisse d’aide financière pouvant découler de leurs sanctions.

Le gouvernement chinois offre, souligne l’analyste, un appui inconditionnel aux régimes qui acceptent de se conformer à ses impératifs géostratégiques et fait peu de cas des violations des droits de la personne, présentant lui-même sur la question un bilan largement décrié.

Le fait que le Cambodge doit assumer en 2022 la présidence tournante de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est risque fort de freiner les délibérations de l’organisation dans des dossiers épineux où Pékin joue un rôle important, par exemple en Birmanie, où une féroce répression est en cours.

« Hun Sen va défendre les intérêts de la Chine », dit M. Adams.

Par Marc Thibodeau – La Presse – 5 décembre 2021

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