White building le 22 décembre 2021 dans les salles, un film cambodgien dépaysant et fascinant
Le Cambodge est certes un petit pays de 16 millions d’habitants mais il offre régulièrement des films qui interpellent sur une société en mouvement.
Le réalisateur Kavich Neang propose un premier film prenant pour cadre un immeuble historique de la capitale Phnom Penh, héritage d’une période de tous les possibles mais bien lointaine face aux enjeux capitalistes d’aujourd’hui. Le film suit une galerie de personnages confrontés à la réalité d’un monde qui ne fait pas de quartier. Entre les sacrifiés et lees exclus, le tableau du Cambodge d’aujourd’hui fait peine à voir.
Un film juché dans le réel
Phnom Penh fut autrefois le cadre d’un développement urbain fulgurant initié par le roi Sihanouk. Des quartiers entiers furent érigés dans un plan d’urbanisme global ambitieux inspiré de l’architecture brutaliste du Corbusier et visant à moderniser la cité. Mais c’était avant le cauchemar des Khmers rouges à l’origine d’un drame humain qui a vidé la ville de sa population et de sa jeunesse.
A la fin de cette période sanglante aux millions de morts, une population abattue est venue reprendre possession des habitations, dont cet immeuble blanc autrefois résidence d’état destinée aux fonctionnaires du ministère de la Culture. C’est dans ce lieu presque insalubre et plus guère blanc que vivent des habitants attachés à ce lieu de mémoire que des promoteurs veulent raser pour ériger un nouvel ensemble plus luxueux et remplacer des habitants démunis par une nouvelle génération d’habitants plus aisés.
Le réalisateur suit Samnang, jeune habitant du white building de vingt ans, héritier de cette génération meurtrie qui a réinvesti ce lieu pendant les années 80 pour panser les blessures du passé. Le réalisateur montre la vie quotidienne d’un véritable ghetto urbain où les habitants se connaissent et ne font plus attention aux fuites d’eau qui dégoulinent le long de murs noirs de crasse. Les promoteurs proposent un dédommagement aux habitants pour les faire partir, jusqu’à créer une dissension querelleuse entre les habitants, certains sont tentés d’accepter tandis que d’autres persistent à refuser, au risque de se faire expulser sans compensations comme ceci semble avoir déjà eu lieu dans des immeubles voisins.
Mais la jeunesse a des rêves et Samnang rêve de devenir danseur professionnel, jusqu’à se demande si quitter les lieux ne serait pas préférable pour lui. Kavich Neang ausculte une vraie micro-société à l’ambiance de village à l’intérieur de la métropole, avec ses habitudes et son voisinage omniprésent et bruyant. Le film devient une étude de la société cambodgienne à hauteur d’hommes et de femmes, avec ses solidarités, ses dissensions et son avenir incertain. Le film se découpe en 3 chapitres pour montrer un passé très lointain pour les plus jeunes et bien présent pour les ainés, et l’impossibilité de se battre à armes égales contre les puissances financières du présent.
White building ne manque pas d’images fascinantes pour suivre une société cambodgienne otage des forces de l’argent et encore tiraillée entre traditions familiales et aspirations des plus jeunes. Difficile de ne pas être séduit par un film aux ambitions si vastes.
Synopsis: Samnang, 20 ans, doit faire face à la démolition de la maison qu’il a toujours habitée à Phnom Penh, le » White Building « , et aux pressions de la famille, des amis et des voisins qui surgissent et se croisent alors que sonne la démolition du bâtiment.
Par Stanislas Claude – Publikart.net – 22 décembre 2021
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