Augmentation du nombre de médias en ligne au Cambodge
Alors que le ministère de l’Information cambodgien a présenté l’augmentation du nombre de médias en ligne comme le reflet d’une liberté de la presse croissante, les professionnels des médias ne sont pas d’accord, affirmant que la qualité compte plus que la quantité.
Le ministère de l’Information a annoncé que le nombre d’organes de presse en ligne au Cambodge avait augmenté d’un peu plus de 17 % entre 2020 et 2021, Il considére que cette augmentation consacre l’approche du gouvernement en matière de liberté d’expression, mais les groupes de journalistes affirment que les libertés de la presse au Cambodge ont continué à décliner.
Selon le décompte du ministère de l’Information, 2021 a vu la création de 118 sites ; ce qui porte leur nombre total à 706 sites d’information et 81 chaînes de télévision en ligne, dont 23 avaient des éditeurs étrangers et 74 des femmes. Ce chiffre est à comparer aux 669 médias en ligne enregistrés en 2020.
Toutefois, le ministère de l’information a indiqué que l’année dernière, seuls 447 journaux et 193 magazines avaient été enregistrés, contre 450 et 196 respectivement en 2020.
Le nombre de stations de radio à Phnom Penh est resté le même : 83 stations FM et une station AM, tandis que 137 autres stations de radio existent dans les provinces.
Le ministère a ajouté qu’il y avait 51 associations de médias enregistrées et 26 agences de presse étrangères, contre 24 en 2020.
Pour le gouvernement l’augmentation du nombre des médias est un gage de liberté
Pho Sovann, directeur général du département général de l’information et de la radiodiffusion au ministère de l’information, a déclaré que l’accès à Internet et les auditoires cliblés étaient les raisons de l’augmentation du nombre de médias.
Selon M. Sovann, cela reflète la politique du gouvernement en matière de liberté d’expression et le fait que les médias qui suivent les directives du ministère de l’information et se conforment à la procédure d’enregistrement et aux règlements sont autorisés à fonctionner.
« Malgré l’augmentation du nombre de journalistes, la qualité reste limitée, car une quarantaine de journalistes sont formés chaque année par le département des médias et de la communication de l’Université royale de Phnom Penh, tandis que d’autres n’ont pas reçu de formation officielle de journaliste », a-t-il déclaré.
M. Sovann a prévenu que le ministère de l’Information surveille les médias enregistrés et non enregistrés à la recherche de ce qu’il appelle un contenu contraire à l’éthique qui, s’il est découvert, donnera lieu à des excuses publiques et à une correction si le média est enregistré. Les médias non enregistrés, a-t-il dit, feront l’objet de mesures de la part des autorités.
« Le principal défi des médias est l’inégalité ou le non-respect de l’éthique dans les contenus qu’ils diffusent mettant en avant leurs propres sentiments et leurs mauvaises intentions pour accuser les autorités sans fournir de preuves ou de sources, de sorte que ces journalistes ont été accusés d’incitation », a déclaré M. Sovann à propos des rapports critiquant le gouvernement.
L’évaluation de Sovann est en contradiction avec la réalité au Cambodge, où les journalistes indépendants sont régulièrement emprisonnés, battus et harcelés juridiquement par le gouvernement. Il est rare que les médias pro-gouvernementaux tels que Fresh News présentent des excuses ou des corrections après avoir publié des informations manifestement fausses, comme on l’a vu récemment dans le cadre de la grève de NagaWorld.
Le rapport de l’Alliance des journalistes cambodgiens (CamboJA)
L’Association de l’Alliance des journalistes cambodgiens (CamboJA) a publié un rapport détaillant les abus, le harcèlement et la violence auxquels les journalistes continuent d’être confrontés au Cambodge, souvent de la part du gouvernement lui-même.
« De janvier à septembre 2021, 46 cas de harcèlement contre 78 journalistes (5 femmes) ont été enregistrés », selon le rapport d’octobre 2021 de CamboJA, qui détaille 30 arrestations, neuf incidents d’actions en justice, 15 chefs d’accusation de violence ou de harcèlement contre des journalistes, ainsi que la révocation de sept licences de médias – en grande partie en réponse à des reportages critiques envers le gouvernement.
Nop Vy, directeur de CamboJA, a déclaré que de nombreuses institutions médiatiques avaient été créées, mais que pour mesurer les changements en matière de liberté d’expression, il fallait évaluer la qualité du travail et l’indépendance des médias.
« C’est formidable de voir une augmentation du nombre d’institutions d’information, mais cette croissance ne peut pas encore prouver la liberté d’expression au Cambodge, à moins que la sûreté et la sécurité des journalistes ne soient assurées pour qu’ils puissent faire des reportages indépendants et justes« , a déclaré Vy.
D’autre part, tant que ces organisations médiatiques ne tendront qu’à soutenir uniquement le parti au pouvoir, si elles ne sont pas indépendantes, cela ne prouvera pas une amélioration de la liberté d’expression.
« Cela dépend de la manière dont les journalistes et les organes d’information remplissent leur rôle plutôt que de la simple augmentation du nombre de journalistes ou d’organes d’information », a-t-il ajouté.
« Si les plateformes médiatiques ne peuvent pas remplir leur rôle en écrivant, rapportant et diffusant des informations de manière indépendante et éthique, alors le simple fait de créer un grand nombre [de site] ne peut pas refléter la liberté d’expression », a-t-il déclaré.
Sothoeuth Ith, directeur des médias au Centre Cambodgien des Médias Indépendants (CCIM), a déclaré que l’augmentation du nombre de médias n’était qu’un reflet partiel de la liberté d’expression, qui montre que davantage de personnes s’intéressent à l’actualité.
« Il est plus vital de renforcer la qualité des journalistes et des médias« , a-t-il déclaré. « Si la quantité augmente mais que leur performance ne peut pas répondre aux demandes sociales ou qu’ils n’osent pas rapporter une vérité complète, alors ce n’est qu’une augmentation des chiffres qui est comme un jardin plein de fleurs, pour la décoration. Il serait plus profitable qu’il s’agisse de médias indépendants« , a-t-il déclaré.
Il a observé qu’il n’y a pas beaucoup d’instituts médiatiques capables de rendre compte de la corruption et de la politique de manière indépendante et sans crainte.
Il a déclaré :
Nous rencontrons fréquemment des autorités locales qui violent nos droits et nous empêchent de prendre des photos, des vidéos et d’interviewer des gens.
« Nous essuyons toujours un refus de la part des ministères concernés lorsque nous faisons des reportages négatifs à leur sujet. Ils n’acceptent pas leurs fautes, au lieu de cela ils répondent que ce sont des infox, mais plus tard ils essaient de trouver des solutions à ce que nous avons rapporté ».
Il a appelé les instituts de presse et les journalistes à remplir leur rôle en respectant un code de conduite indépendant. Si les médias sont indépendants, ils seront utiles. S’ils ne font que rapporter ce que d’autres organes d’information ont déjà rapporté, comme des accidents de la route et des conflits familiaux, ils seront moins utiles à la société.
Par Sam Popich – Cambodianess.com / Lepetitjournal.com – 16 janvier 2022
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