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Le cas birman continue de diviser l’Asean

Ce mardi 18 janvier, les ministres des Affaires étrangères de l’Asean auraient dû se réunir pour discuter notamment de la crise politique birmane.

Mais le Cambodge, qui est à la tête de la présidence tournante de cette organisation d’Asie du sud-est, a annulé l’événement en évoquant l’impossible déplacement de certains ministres à cause du Covid-19. C’est du moins la raison officielle.

Pour Saifuddin Abdullah, certaines interrogations semblent plus faciles à répondre que d’autres. Le ministre des Affaires étrangères de Malaisie s’est cependant prêté au jeu des questions et des réponses en conviant la presse à Kuala Lumpur, une semaine après la rencontre controversée du dirigeant cambodgien avec la junte birmane, entrevue considérée par beaucoup comme légitimant le coup d’état des militaires birmans. Lorsqu’on lui demande alors s’il pense que cette rencontre a accompli quelque chose, sa réponse fuse, c’est « non ». La position de son pays vis-à-vis de la junte n’a pas changé, assure-t-il : « Nous continuons de penser qu’il ne faut pas que la junte soit représentée politiquement dans l’Asean, à moins que de réels progrès de sa part soient notés concernant les critères que nous avons élaboré l’année dernière. » 

Mais lorsqu’on lui demande pourquoi la rencontre physique des Ministres de l’Asean ne s’est pas transformée en réunion en ligne comme c’est souvent le cas depuis la pandémie, une certaine gêne se fait sentir : «Écoutez, je ne vais pas pouvoir vous répondre à la place du dirigeant cambodgien, commence-t-il. Il nous a dit que c’était ainsi car beaucoup de ministres ne pourraient pas se déplacer, que la réunion était annulée. C’est en tout cas la raison qu’il a invoqué sur WhatsApp aux ministres de l’Asean. » 

Si la devise choisie par l’Organisation en 1967 proclame « une vision, une identité, une communauté », cette promesse d’unité semble ainsi de plus en plus difficile à réaliser depuis la crise politique birmane, et tout particulièrement depuis le début de la présidence tournante du Cambodge, poste dont les prérogatives, définies dans la Charte de l’organisation, demeurent floues et donc aisément malléables, notait le chercheur David Hutt dans un édito publié en début d’année sur le site The Diplomat

Beaucoup de questions en suspens

À quelques jours du premier anniversaire du coup d’État de la junte birmane, l’annulation de cette réunion laisse ainsi beaucoup de questions en suspens. Sur la position du dirigeant cambodgien Hun Sen vis-à-vis de la junte d’abord, que le ministre des Affaires étrangères malaisien analyse ainsi : « La Malaisie estime qu’il a le droit d’aller en Birmanie en tant que dirigeant du Cambodge, mais nous pensons aussi qu’étant donnée la présidence actuelle de l’Asean assumée par le Cambodge, il aurait pu consulter les autres dirigeants, solliciter leur avis sur ce qu’il devrait faire s’il veut se rendre en Birmanie. »

Sur ce point là, Singapour est également explicite dans un communiqué de son Premier ministre où ce dernier enjoint le Cambodge à « engager toutes les parties concernées en Birmanie », comprendre pas seulement la junte militaire, comme l’a fait le dirigeant cambodgien lors de sa visite, mais aussi la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi. 

Autre point qui nécessiterait au moins quelques discussions entre les membres de l’Asean, le choix fait par le Premier ministre du Cambodge, Hun Sen, de nommer son propre ministre des Affaires étrangères comme envoyé spécial de l’Asean en Birmanie. Sur ce point-là, le ministre des Affaires étrangères malaisien a fort peu à dire, et pour cause : « Normalement, on discute de ce genre de chose lors des réunions ( … ) aujourd’hui, après l’annulation, on espère qu’une nouvelle date, sera donnée très prochainement. » 

Un bloc divisé

En attendant cette rencontre au sommet, la question birmane semble ainsi de plus en plus diviser le bloc avec notamment l’Indonésie, la Malaisie et Singapour qui campent sur leur position de mettre à distance la junte. Mais alors que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est demeure pris dans un dilemme entre boycott et acceptation du régime militaire birman, certains pensent que le problème est ailleurs, car historiquement le seul isolement n’a jamais entravé les velléités de la junte birmane, notait par exemple le spécialiste de la Birmanie Bertil Lintner dans un édito paru dans le média indépendant birman The Irrawaddy où il assurait dès son titre, « ni les sanctions ni l’engagement n’influenceront l’armée birmane. » 

Par Gabrielle Maréchaux – Radio France Internationale – 18 janvier 2022

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