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Birmanie : le retrait de Total n’affectera pas automatiquement les revenus perçus par la junte

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Le géant de l’énergie français TotalEnergies, premier partenaire et opérateur du champ de gaz le plus important en Birmanie, a annoncé se retirer du pays dans les six prochains mois. Dans la foulée, le grand groupe pétrolier américain Chevron a fait part d’une décision similaire, suivie également par le gros fournisseur d’énergie australien Woodside.

Depuis le coup d’État du 1er février 2021, la société civile birmane et de nombreuses ONG internationales réclament que ces grandes entreprises cessent leurs paiements issus de leurs exploitations, car ce sont ces revenus qui financent principalement le régime militaire.

Les annonces de retrait de Total, suivi de Chevron, sont importantes car elles auront un signal fort qui marque à quel point la situation des droits humains en Birmanie est dégradée.

Mais, comme le souligne Bénédicte Jeannerot, directrice de Human Rights Watch en France, cela pousse aussi les États à appliquer des sanctions sur les revenus du gaz dans le pays. Pourquoi ? Parce que ce départ ne mettra pas automatiquement fin aux revenus perçus par la junte : « Le gaz rapporte un milliard de dollars par an à la junte et c’est la principale source de revenus des militaires. Le départ de Total et de Chevron ne mettra pas fin à ces paiements, puisqu’il est fort probable que leurs opérations sont reprises par d’autres opérateurs. Et donc pour couper ces revenus et empêcher ce milliard de dollars de tomber directement dans la poche de la junte, il est plus nécessaire que jamais que les gouvernements prennent des sanctions qui stoppent ces revenus et qui ciblent directement les paiements issus de l’exploitation du gaz en Birmanie ».

Durant les six prochains mois, le géant français continuera probablement à effectuer des paiements mensuels à la junte. Ben Arman, conseiller politique et juridique en Birmanie, explique que TotalEnergies a plusieurs solutions en main : « TotalEnergies peut créer un précédent, en ordonnant, par exemple, que les revenus soient déversés sur des comptes protégés. Le groupe pourrait dire : notre contrat signé avec le gouvernement birman nous permet de faire cela. Bien entendu, le régime en place pourrait le contester, en faisant appel à un arbitrage international. Sauf que le régime aurait approuvé qu’il est légitime et donc qu’il a le droit de percevoir ces revenus. Sauf que cela paraît difficile à faire pour le moment. Ensuite, il s’agit de voir comment gérer la suite. Un autre opérateur déjà fonctionnel – PTT – la compagnie publique thaïlandaise, pourrait prendre la suite des opérations. La société civile birmane appelle Total Energie à ne pas faire appel à un nouvel opérateur qui continuerait à effectuer les paiements à la junte ».

La balle est dans le camp des décideurs politiques

Mais Ben Arman voit aussi cette annonce comme un tournant possible, voire une opportunité à l’échelle internationale : « L’aspect positif de cette annonce, c’est la reconnaissance globale de la responsabilité qu’ont les grandes entreprises. Elles ont contribué, d’une certaine manière, au massacre qui se déroule en Birmanie. Et maintenant, c’est fini. Par ailleurs, dans les quelques jours qui ont suivi les annonces de TotalEnergies et de Chevron, le département du Trésor des États-Unis a mis en place des mesures qui qualifient ces paiements de revenus de blanchiment d’argent. On peut donc s’attendre à ce que les banques agissent et restreignent l’accès à ces fonds par la junte militaire ».

C’est désormais au niveau international que les choses doivent avancer, selon Bénédicte Jeannerot, car pour le moment la junte profite de l’inaction des différents gouvernements : « C’est cela, en fait, qui fait que la junte continue sa répression sans être aucunement gênée. Tant que les revenus continuent de tomber, il n’y a aucune raison qu’elle cesse sa répression brutale contre la société civile birmane, dans les différentes zones ethniques de Birmanie. Et donc, c’est cela, maintenant, qui est très important. Il faut que la junte paie le coût, voit le coût de sa répression. Et pour cela, il faut taper au porte-monnaie, c’est-à-dire, sur les revenus du gaz. Il y a aussi d’autres types de secteurs qui sont très importants. Puisque le gaz fournit à la junte les principaux revenus, c’est là qu’il faut taper… »

Bénédicte Jeannerot explique qu’il s’agit d’envoyer un message fort à la junte et aujourd’hui – dit-elle – la balle est dans le camp des décideurs politiques.

Par Clea Broadhurst – Radio France Internationale – 30 janvier 2022

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