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Hun Sen, homme fort du Cambodge depuis trente-huit ans, se retire au profit de son fils

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Mais le dirigeant sortant a clairement fait savoir qu’il avait l’intention d’exercer une influence, écartant ainsi l’idée que le pays puisse changer d’orientation.

Le premier ministre cambodgien Hun Sen, 70 ans, a annoncé sa démission mercredi 26 juillet et passer la main à son fils aîné, Hun Manet, après trente-huit ans au pouvoir. « Je voudrais demander à la population de faire preuve de compréhension en annonçant que je ne resterai pas premier ministre », a-t-il déclaré lors d’une allocution diffusée à la télévision d’Etat, ajoutant que son fils prendrait la tête du nouveau gouvernement dans la soirée du 22 août. « Je demande aux gens de soutenir Hun Manet, qui sera le nouveau premier ministre », a-t-il déclaré.

Dimanche, dans un scrutin sans suspense en l’absence de toute opposition crédible, le Parti du peuple cambodgien (PPC) de Hun Sen a revendiqué un « raz de marée », raflant 82 % des voix et préparant le terrain pour son fils, dans une succession à la nord-coréenne selon ses critiques. La participation de 84,6 % a montré « la maturité politique » du Cambodge, selon le gouvernement, mais les puissances occidentales, dont les Etats-Unis et l’Union européenne, ont qualifié ce scrutin de « ni libre ni équitable ».

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a déploré mercredi le contexte « restrictif » ayant entouré les élections législatives dans le pays, dénonçant les menaces et les intimidations dont ont été victimes notamment l’opposition. « Les parties d’opposition, les activistes, les représentants des médias et d’autres ont été confrontés à de nombreuses restrictions et représailles qui semblent avoir eu pour but de minimiser la campagne politique et d’entraver l’exercice des libertés fondamentales essentielles à la tenue d’élections libres et pleinement participatives », a déclaré M. Türk dans un communiqué.

A l’approche des élections, la liberté d’expression avait, en effet, été largement étouffée avec la fermeture d’un des derniers médias indépendants, la lourde condamnation en mars du principal opposant, Kem Sokha, pour trahison, et la modification de la loi électorale pour exclure de facto les opposants en exil des élections futures. Le Parti de la bougie, seul rival crédible du premier ministre, a été exclu de la course quelques semaines avant le vote pour ne s’être pas enregistré correctement auprès de la commission électorale.

Le PPC devrait donc conserver 120 des 125 sièges de l’Assemblée nationale, 5 sièges allant au petit parti royaliste autrefois au pouvoir Funcinpec, peu critique d’Hun Sen.

Toujours l’intention d’exercer une influence

« Dépourvu du pouvoir et de l’autorité qu’a son père, Manet n’aura qu’une liberté de manœuvre limitée » au sein du système en place, prédit Sebastian Strangio, auteur d’un ouvrage sur le Cambodge sous Hun Sen. Il ne faut pas attendre d’impact immédiat sur le pays, estime-t-il.

Cela fait un an et demi qu’Hun Sen parle de transmettre le pouvoir à son fils, qui a joué un rôle de premier plan dans la campagne pour le vote de dimanche. Mais le dirigeant sortant a clairement fait savoir qu’il avait l’intention d’exercer une influence, même après son départ, écartant ainsi l’idée que le pays puisse changer d’orientation.

Hun Sen exercera désormais les fonctions de président du Sénat, numéro 2 dans le protocole après le roi, Norodom Sihamoni, qu’il remplacera comme chef de l’Etat, lorsque celui-ci sera à l’étranger. Sous le règne de M. Hun, le Cambodge a opéré un rapprochement notable avec la Chine, dont le président Xi l’a félicité, et promis de renforcer encore les liens.

Un site militaire financé par Pékin et soupçonné par Washington d’abriter une base navale secrète chinoise sera bientôt inauguré. Mais l’afflux d’argent chinois s’est accompagné d’affaires épineuses, comme l’arrivée de nombreux casinos et d’opérations d’escroquerie en ligne dont le personnel est victime de traite d’êtres humains dans des conditions épouvantables.

Un mandat marqué par la destruction de l’environnement et une corruption endémique

Les détracteurs d’Hun Sen affirment que son mandat a également été marqué par la destruction de l’environnement et une corruption endémique. Arrivé au pouvoir en 1985, Hun Sen est accusé d’avoir fait reculer les libertés fondamentales et utilisé le système judiciaire pour museler ses adversaires, jetés par dizaines en prison au cours de ses mandats.

A la veille des élections, Sam Rainsy, figure de l’opposition cambodgienne en exil en France, a été condamné à une inéligibilité de vingt-cinq ans pour avoir appelé les électeurs à déposer dans les urnes des bulletins non valides. En mars, Kem Sokha, chef de file du Parti de la bougie, a été condamné à vingt-sept ans de prison et assigné à résidence pour trahison.

Le Cambodge est classé 150e sur 180, de la liste de l’indice de perception de la corruption de l’organisation non gouvernementale Transparency International. En Asie, seules la Birmanie et la Corée du Nord sont moins bien classées.

Le Monde avec Agence France Presse – 26 juillet 2023

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