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En Birmanie, la Chine défend la junte… et ses intérêts

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Pékin continue à armer les militaires qui ont pris le pouvoir en 2021. Il parie sur un essoufflement de la résistance qui serait propice à ses investissements stratégiques sur place.

Une opération de communication parfaitement orchestrée. En mai dernier, plusieurs centaines de personnes participent, dans un vaste hall d’exposition situé au cœur de Naypyidaw, l’étrange capitale de la Birmanie (Myanmar) bâtie en pleine jungle, à une “Foire commerciale Myanmar – Chine”. “Nous avons reçu des propositions d’exportation vers la Chine, tout cela sera bénéfique à nos fermiers”, s’enthousiasme l’une des exposantes, Ma May Zaw Khine, productrice de café dans l’Etat Shan, auprès de l’agence Chine Nouvelle. L’objectif de la junte militaire, au pouvoir depuis le coup d’Etat de février 2021 ? Montrer au partenaire chinois et au reste du monde qu’il a su préserver l’environnement économique dans un pays à feu et à sang.

Pourtant, à moins de 100 kilomètres de la capitale, à l’est (Etat Kayah) comme à l’ouest (région de Magway), l’aviation birmane, sous prétexte de combattre des groupes de résistance, bombarde des villages, tuant de nombreux civils. Avions et munitions étant essentiellement fournis par la Russie et la Chine, pour des montants respectifs – selon un rapport des Nations unies – de 400 et 260 millions de dollars depuis 2021.

Double jeu de Pékin

Très présente, la deuxième puissance économique mondiale entretient des relations ambivalentes avec la Birmanie, avec laquelle elle partage 2 129 kilomètres de frontière. Et qui constitue une fantastique réserve de ressources naturelles (gaz, jade, cuivre, métaux rares, hydroélectricité…), mais surtout une artère vitale de ses nouvelles routes de la soie lui donnant accès à l’océan Indien.

Avant le coup d’Etat, malgré un sentiment antichinois assez partagé dans la population, la Chine entretenait d’honnêtes rapports avec le gouvernement démocratiquement élu d’Aung San Suu Kyi. En 2018, Pékin consacrait avec Naypyidaw la création d’un “couloir économique Chine Myanmar”, constitué, entre autres, de réseaux routiers et ferroviaires et d’un port en eau profonde. Ces projets d’infrastructures s’ajoutaient à un double pipeline de 770 kilomètres destiné à transporter du gaz et du pétrole de l’océan Indien à la frontière sino-birmane.

Après avoir accueilli froidement le putsch de 2021, Pékin a apporté un soutien ferme aux militaires. Mais si ce coup d’Etat a l’avantage pour la Chine d’éloigner la concurrence d’investisseurs occidentaux contraints, comme Total, de quitter le pays, il a aussi des effets indésirables. La réactivation de conflits ethniques et l’émergence de rébellions civiles armées dans tout le pays menacent les investissements chinois. Certains projets ont été suspendus, d’autres placés sous le contrôle des forces de sécurité.

La Chine, dans ce double jeu qu’elle pratique depuis longtemps avec les régimes birmans, peut cependant compter également sur plusieurs mouvements ethniques qui tout en combattant la junte dépendent aussi de Pékin pour son soutien logistique, y compris en armement. Trois de ces groupes ont annoncé qu’ils “prendraient des mesures efficaces contre ceux qui tentent d’endommager les investissements internationaux”. Pas sûr qu’ils fassent reculer les nouveaux mouvements de résistance qui, forts d’un large soutien populaire, ont déjà commis plusieurs sabotages, notamment contre le pipeline, et menacent de s’en prendre au chantier d’une voie ferrée si celui-ci est réactivé.

Des investissements qui compliquent le retour à la démocratie

Les Chinois, qui semblent parier sur l’affaiblissement de la contestation, poursuivent néanmoins leurs investissements dans des entreprises locales. Et des discussions sur la relance des grands travaux sont à l’œuvre. Quant au double pipeline, il est utilisé depuis février 2023 pour importer du pétrole russe.

Soucieux d’étendre leur influence dans l’océan Indien, le régime communiste aurait par ailleurs, selon un rapport de Chatham House, construit des installations militaires (dont des stations d’écoute) sur une île située dans le sud de la Birmanie, proche des îles Andaman et Nicobar, un territoire indien.

L’actuel soutien de Pékin aux militaires inquiète ceux qui espèrent un retour à la démocratisation du pays. “Les investissements chinois pourraient être décisifs dans les tentatives de la junte de légitimer son régime illégal et impopulaire”, commente la China Global Newsletter. Et de rétablir une “routine des affaires” censée être illustrée par la Foire de mai à Naypyidaw et ses exportateurs de café.

Par Thierry Falise – L’Express – 13 août 2023

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