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En Birmanie, la Chine joue sur plusieurs fronts au risque de s’y perdre

Symbole de son influence en Birmanie, la Chine a annoncé un « cessez-le-feu » entre la junte birmane et l’Alliance de la fraternité, le vendredi 12 janvier. Principal fournisseur d’armes de la junte, Pékin semble néanmoins jouer sur plusieurs tableaux.

Comme depuis des années, Pékin continue d’arbitrer les conflits internes en Birmanie. Vendredi 12 janvier, la Chine annonçait un énième « cessez-le-feu » entre la junte birmane et l’Alliance de la fraternité, composée de la Ta’ang National Liberation Army (TNLA), l’Arakan Army (AA) et la Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA). Depuis l’opération 1027 – offensive armée lancée le 27 octobre 2023 par les trois groupes ethniques contre la junte –, l’État Shan, frontalier de la Chine (nord-est du pays), est en proie à de nombreux conflits.

En novembre 2023, un obus de l’armée birmane tombé de l’autre côté de la frontière avait fait plusieurs morts. Inquiet de la situation et de l’impact économique sur la province chinoise de Yunnan, Pékin a donc décidé d’intervenir en organisant « des négociations pacifiques ». Le porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning, indiquant alors que « les deux parties ont convenu d’un cessez-le-feu immédiat, d’un désengagement du personnel militaire et d’une résolution des différents ». Pour Emmanuel Véron, docteur en géographie et spécialiste de la Chine contemporaine, « ça fait des années que la Birmanie est un état satellite, voire un vassal de la Chine ». Une observation qui plante le décor de l’influence chinoise en Birmanie.

Une région transfrontalière sous tension

Alors que la Birmanie et la Chine sont soumises à des sanctions économiques imposées par la Communauté internationale, c’est au début des années 1990 que l’empire du Milieu développe de nombreuses infrastructures industrielles et énergétiques en Birmanie. Avec son projet de « nouvelles routes de la soie », Pékin fait de la Birmanie une zone géostratégique importante pour la Chine. Or, même si celle-ci soutient certains échanges illicites, elle s’inquiète de la montée en puissance des trafics de drogue et des gangs criminels chinois dans l’État Shan comme de la création, durant le Covid, de bureaux d’arnaque en ligne qui impactent directement la Chine. Malgré les demandes répétées de Pékin d’agir, la junte peine à les éradiquer.

L’alliance des groupes ethniques décide alors de surfer sur l’inefficacité des forces armées birmanes. Elle lance l’opération 1027 au nom de la lutte contre les bureaux d’arnaques et les trafiquants, qui se transforme très vite en conflit armé avec la junte birmane. Le jeudi 4 janvier 2024, la ville de Laukkai, capitale de la zone « auto-administrée » de Kokang, et terrain de jeu privilégié de la mafia chinoise et de la prostitution, tombe aux mains de la Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA).

« La Chine joue avec quasiment tous le monde »

Si la Chine est le principal fournisseur d’armes de la junte, elle semble aussi jouer sur tous les tableaux. L’objectif est simple : défendre au mieux ses intérêts. « La Chine joue avec quasiment tout le monde. C’est évident que c’est elle qui a fourni des armes et du matériel militaire aux groupes ethniques. Sans cette aide, jamais ils n’auraient pu se battre », explique Tin Tin Htar Myint, présidente de l’association Doh atu-Ensemble pour le Myanmar qui a quitté le pays depuis plus de vingt ans. Consciente du double jeu chinois, la junte birmane serait, selon elle, derrière les manifestations anti-Chine qui se sont déroulées à Rangoun en novembre dernier.

Pour Emmanuel Véron, « la position de la Chine va dans tous les cas évoluer en fonction des forces en présence », mais ce qui est sûr, c’est que « la junte et les différents groupes ethniques sont discrètement soutenus par différents partis ». Si l’influence de la Chine est avérée, elle reste néanmoins « très obscure, et on peut même se poser la question si la Chine est dépassée par la situation », s’interroge le spécialiste. La Chine, fragilisée économiquement et qui fait face à des problèmes au sein même du Parti communiste chinois, peut-elle faire le poids face à la complexité de la Birmanie.

Par Kilian Bigogne – La Croix – 18 janvier 2024

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