Colonisation de l’Indochine, à la conquête de nouveaux marchés
Entre 1858 et 1909, les Français prennent progressivement le contrôle de la péninsule indochinoise. À quoi ressemble la société coloniale qui se met en place ?
Avec
- Delphine Boissarie Historienne, professeur en classes préparatoires, spécialiste de l’histoire des entreprises européennes en Asie orientale XIXe-XXe siècle
- Jean-François Klein Professeur d’histoire des relations internationales à l’Académie militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan
C’est à travers la Chine que la France commence à s’intéresser à la péninsule indochinoise dans les années 1840. Le marché chinois, avec ses 400 millions de consommateurs potentiels, attire les entrepreneurs européens. Grâce à leurs implantations en Indochine, les Français espèrent atteindre la Chine par la voie continentale, dans une course avec le Royaume-Uni qui essaie d’y parvenir via la Birmanie.
Sous prétexte de protéger les missionnaires qui subissent des persécutions antichrétiennes, les Français s’implantent dans un premier temps dans le sud de la péninsule, autour du bassin du Mékong, en occupant militairement la Cochinchine et en négociant un protectorat avec le Cambodge en 1862. Par la suite, en 1883, une expédition militaire remonte vers le nord pour envahir l’Annam, puis le Tonkin, au prix de sanglants affrontements. La conquête de la péninsule indochinoise s’arrête en 1909 avec le rattachement des derniers territoires du Laos à la colonie française.
Contrairement à l’Algérie, l’Indochine n’a jamais été considérée par la France comme une colonie de peuplement, mais comme une colonie d’exploitation. Le nombre de Français installés ne dépasse pas les 40 000, soit 0,02 % d’une population totale de 20 millions d’Indochinois. La présence française se fait toutefois sentir au moyen d’infrastructures importantes qui reconfigurent l’économie du territoire. C’est le cas par exemple du chemin de fer du Yunnan, qui relie Hanoï à la Chine du Sud, édifié entre 1898 et 1909 dans un chantier coûteux en vies humaines et en capitaux.
Par Xavier Mauduit – Radio France Culture – 29 mars 2024
Pour en savoir plus
Delphine Boissarie est historienne, professeure en classes préparatoires économiques et commerciales au lycée Sainte-Geneviève à Versailles. Ses recherches portent sur l’histoire des entreprises européennes en Asie orientale au XIXe-XXe siècle, les réseaux du négoce et la gestion des ressources humaines en situation coloniale.
Sa thèse, soutenue en 2015 sous la direction de Christophe Bouneau à l’Université Bordeaux Montaigne, s’intitule « La maison bordelaise Denis Frères (1862-1954) : trajectoires d’un réseau commercial, social entre Bordeaux et l’Extrême-Orient ».
Jean-François Klein est professeur d’histoire des relations internationales à l’Académie militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan. Ses thèmes de recherches portent sur l’histoire de la colonisation en Asie du Sud-Est et en Chine.
Il a notamment publié :
- Rencontres impériales : l’Asie et la France. Le « moment Second Empire », coédition Hémisphères-Maisonneuve, 2023
- Pennequin, le « sorcier de la pacification », Madagascar-Indochine (1849-1916), coédition Hémisphères-Maisonneuve, 2021
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