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Métamphétamine, yaba, opium : la Birmanie inonde ses voisins de drogues bon marché

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Le trafic de drogue s’accélère au Myanmar, plaque tournante de substances allant de l’opium au yaba, mélange de méthamphétamine et de caféine, auquel des millions de personnes sont accrocs.

La junte militaire en Birmanie affronte depuis sa montée au pouvoir des groupes rebelles déterminés à renverser le régime en place. Depuis le début de l’offensive 1027, conduite par une coalition de rebelles (The Three Brotherhood Alliance), la junte a perdu du terrain sans que ses alliés, au premier rang desquels la Chine, n’interviennent en sa faveur.

Mais la perte de contrôle facilite un peu plus une activité à laquelle se livrent chacun des adversaires : le trafic de drogues, particulièrement de méthamphétamine, qui inonde à prix réduits les voisins asiatiques.

Le “Triangle d’Or” sur le devant de la scène

La prise de pouvoir de la junte en 2021 a déstabilisé le pays, tout en permettant un renforcement des cartels, particulièrement ceux vendant de la méthamphétamine. Comme le notait un responsable de l’ONU interrogé par Voice of America en 2022, les groupes conduisant le trafic peuvent être opposés comme alliés à la junte, les groupes rebelles profitant de l’occasion pour engranger des revenus.

L’épicentre de la production de cette drogue est justement le nord de l’État Shan, où l’offensive 1027 a porté de durs coups à la junte : Laukkaing, ville donnant son nom à un district de l’État près de la frontière chinoise, a ainsi été capturée par la Three Brotherhood Alliance en janvier 2024.

Cette région de l’Est du Myanmar constitue un des trois angles du “Triangle d’Or” aux côtés du nord de la Thaïlande et de l’Ouest du Laos, un nom qui désigne une zone du monde historiquement particulièrement investie dans la production de drogue. On trouve même aujourd’hui en Thaïlande un musée de l’opium qui retrace l’histoire du trafic dans la région.

L’attention de l’appareil judiciaire s’est redirigée de la lutte contre le crime à la lutte contre l’opposition contre le régime“, souligne Adrian Rovel, un analyste spécialisé dans les questions de sécurité interrogé par Nikkei Asia.

Le manque de contrôle du territoire par le régime facilite également le déplacement des drogues : la Birmanie partage 1 643 kilomètres de frontières avec l’Inde ou 2416 kilomètres avec la Thaïlande. New Delhi compterait dépenser 3,7 milliards de dollars dans la construction de fortifications à la frontière pour endiguer les trafics, mais aussi l’afflux de réfugiés fuyant le conflit, rapporte ainsi Reuters.

Un effondrement des prix du yaba

La conséquence de la perte de contrôle est un flot de méthamphétamine bon marché qui inonde les pays voisins d’Asie du Sud-Est, du Bangladesh au Vietnam, mais qui atteint également des pays aussi lointains que l’Australie et l’Arabie saoudite. En 2022, la police saoudienne a ainsi mis la main sur quelque 47 millions de pilules de méthamphétamine en une seule saisie.

Le Bangladesh voisin est particulièrement touché : le pays est un grand consommateur de yaba, une drogue mélangeant caféine et méthamphétamine, avec environ 8 millions d’addicts selon l’Association for Prevention of Drug Abuse citée par Nikkei Asia. Le yaba permet aux travailleurs de renforcer leurs performances et peut influencer une personne pendant 12 heures.

Mais le problème est surtout son prix : selon un ancien consommateur interrogé par Nikkei Asia, le prix d’une pilule correspond à celui d’une bouteille d’eau, et les tarifs se sont effondrés avec la hausse de la production rendant la drogue incroyablement accessible.

Le constat est similaire au Laos, où Jeremy Douglas, un responsable de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), explique à Al Jazeera que le yaba est “moins cher qu’une bière ou du riz frit”, suite à une division du prix par trois ou quatre ces cinq dernières années.

L’ascension du Myanmar en tant que plaque tournante de la drogue en Asie remonte cependant à plusieurs années, même si la récente dégradation des capacités militaires de la junte facilite un peu plus le trafic. En 2019, l’UNODC estimait que le trafic de méthamphétamine en Asie-Pacifique représentait déjà un marché de 61,4 milliards de dollars.

Selon l’UNODC, le pays est depuis devenu le premier producteur d’opium en 2023 avec une hausse de 36 % de la production, qui a atteint 1 080 tonnes. Le facteur principal derrière cette montée dans le classement reste cependant l’effondrement de la production afghane suite à la montée au pouvoir des Talibans, qui prohibent la culture de la drogue.

Par Benjamin Laurent – Géo Magazine – 3 avril 2024

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