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“Rendez-vous avec Pol Pot” de Rithy Panh : un film de trop sur les Khmers Rouges ?

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Inspiré du livre de la journaliste américaine Elizabeth Becker “When the War Was Over, Cambodia and the Khmer Rouge Revolution”, le dernier long métrage de Rithy Panh intitulé “Rendez-vous avec Pol Pot” sera présenté lors du 77e Festival de Cannes – le prestigieux festival international du film qui se tiendra en France en mai 2024. Son film fera partie des films présentés dans la sélection officielle Cannes Premiere du festival.

Le film raconte l’histoire de trois journalistes français invités par les Khmers rouges pour mener des entretiens exclusifs avec Pol Pot.

“1978. Depuis trois ans, le Cambodge, devenu Kampuchéa démocratique, est sous le joug de Pol Pot et ses Khmers rouges”, peut-on lire dans le synopsis du film. “Le pays est économiquement exsangue, et près de deux millions de Cambodgiens ont péri dans un génocide encore tu. Trois Français ont accepté l’invitation du régime et espèrent obtenir un entretien exclusif avec Pol Pot : une journaliste familière du pays, un reporter photographe et un intellectuel sympathisant de l’idéologie révolutionnaire. Mais la réalité qu’ils perçoivent sous la propagande et le traitement qu’on leur réserve va peu à peu faire basculer les certitudes de chacun.”

De nombreuses personnes sur les réseaux sociaux ont applaudi la sélection de la dernière œuvre du cinéaste cambodgien qui a été honoré à de multiples reprises sur la scène internationale.  

Mais certains ne sont pas du tout satisfaits.

Pour eux, le sujet de ce film – la période des Khmers rouges – contribue à donner une image négative du pays et à détourner les touristes. Le choix de sélectionner ce film ferait partie d’une “stratégie visant à nuire au Cambodge” dont, finalement, Rithy Panh serait “complice”.  

On peut comprendre l’agacement de certains de voir le Cambodge si souvent réduit, dans les médias internationaux, au génocide et évoquant peu le Cambodge d’aujourd’hui, qui est à des années-lumière du “Cambodge année zéro” de 1975-1979.

Pourtant, si l’œuvre cinématographique de Rithy Panh – qui ne se limite d’ailleurs pas à des films sur les Khmers rouges – est saluée dans le monde entier, c’est en raison de sa portée universelle.

Le cinéaste n’a cessé d’interroger les bourreaux, les victimes, les historiens pour comprendre les mécanismes de la “machine à tuer khmère rouge” (titre de son documentaire de 2003 sur la prison khmère rouge S-21), et ses motivations humaines, administratives, policières avec l’ambition humaniste d’empêcher le retour d’un tel régime, où qu’il soit dans le monde.   

Chacun ici doit être fier de cette voix cambodgienne qui, à travers cette œuvre où jamais la vengeance n’est évoquée, même si la colère bouillonne, parfois, nourrie d’une douleur infinie ; s’impose non seulement comme un maître du cinéma mais aussi comme une autorité morale. Comment dès lors pourrait-il nuire en quoi que ce soit au Cambodge et à son image ?

Oui, sur la scène internationale, d’autres voix et d’autres histoires doivent être entendues pour que le Cambodge d’aujourd’hui soit raconté sous toutes ses facettes. Mais laissons ceux qui créent nourrir l’âme du monde à leur manière. Le travail d’un cinéaste ne consiste en aucun cas à faire de la promotion touristique. Que ceux qui en ont la charge le fassent correctement.

Parler trop souvent des Khmers rouges nuirait au tourisme ? Ce point de vue peut être envisagé. Rappelons toutefois que Tuol Sleng, Choeung Ek et la tombe de Pol Pot font partie de l’offre touristique répertoriée dans tous les guides de voyage à travers le monde. C’est ce qu’on appelle le tourisme de mémoire, promu par les autorités, et qui offre aux voyageurs la possibilité de mieux comprendre le pays.

Rithy Panh

Né en 1964 à Phnom Penh, Rithy Panh a consacré la plus grande partie de sa carrière aux questions du deuil et du traumatisme en relation avec les crimes commis par les Khmers rouges entre 1975 et 1979. L’université de Yale estime que ce régime a été responsable de la mort de plus de 1,7 million de Cambodgiens, soit plus de 20% de la population du pays, entre 1975 et 1979, alors que les Khmers rouges tentaient d’imposer, par l’utilisation aveugle de la force, une société agraire socialiste.

En mars 2014, l’Image manquante de Rithy Panh a été le premier film cambodgien nominé pour un Oscar. Le film documentaire avait remporté le prix « Un certain regard » à Cannes en 2013. 

Lepetitjournal.com avec Cambodianess – 11 mai 2024

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