Avec le président To Lam, le Vietnam se dote d’un nouvel homme fort et mise sur la continuité
Le parti communiste vietnamien a désigné samedi 3 août son nouveau secrétaire général, To Lam. Cet ancien ministre de la Sécurité publique a exécuté la stratégie anticorruption déclenchée par son prédécesseur, Nguyen Phu Trong, et en a profité pour éliminer certains rivaux. Sa main de fer n’a pas épargné les défenseurs des droits humains.
L’homme le plus puissant du Vietnam s’appelle désormais To Lam. Il a été désigné samedi 3 août secrétaire général du Parti communiste (PCV) par le comité central, deux semaines après le décès de son prédécesseur Nguyen Phu Trong. Le secrétaire général du PCV est en effet le principal dirigeant du pays. Outre son rôle central au sein du parti unique, il préside l’Assemblée nationale et assume les fonctions de premier ministre.
To Lam était depuis mai président de la République mais son ascension s’est surtout déroulée dans les rangs de la police d’État, avec une forte tendance à la répression dénoncée par les défenseurs des droits humains. En 2016, il avait été nommé ministre de la Sécurité publique, poste qu’il occupait il y a encore trois mois.
Une purge surnommée « brasier ardent »
Son accession au pouvoir suprême n’a pas étonné les spécialistes. Sous couvert de lutte contre la corruption, To Lam, 67 ans, manœuvrait depuis des années pour écarter ses rivaux de la course à la succession de Nguyen Phu Trong, dont le mandat devait s’achever en 2026.
Il a mobilisé les moyens tout-puissants de l’ordre public dans ce qui a représenté la plus importante purge de l’histoire du Vietnam indépendant, visant deux présidents, des ministres, et des leaders économiques, entre autres. L’opération, surnommée « brasier ardent », a provoqué des bouleversements spectaculaires à l’échelle du pays, habitué à des tractations en coulisses donnant une image de stabilité appréciée des investisseurs étrangers.
« La continuité, non la rupture »
To Lam incarne une « continuité, et non une rupture » après Nguyen Phu Trong, selon Benoît de Tréglodé, directeur de recherches à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) à Paris. Même si son parcours diffère de celui de son aîné, idéologue conservateur allié de Pékin et qui avait fait ses classes dans la presse communiste.
Né en 1957 dans la province de Hung Yen, dans le Nord communiste, par opposition au Sud pro américain qui existait à l’époque, To Lam est un pur produit du ministère de la Sécurité publique, qu’il a intégré après des études à l’académie de police. Il en devint le chef en 2016, quelques années après avoir intégré le bureau politique du PCV, en 2011.
Ces dernières années, les dissidents ont fait l’objet d’une surveillance accrue. Les autorités ont été accusées d’avoir arrêté et détenu arbitrairement des journalistes, des écologistes ou des défenseurs des droits humains. « Comme ministre, il s’est montré répressif envers le mouvement démocratique », estime auprès de l’AFP le journaliste dissident Le Anh Hung.
Des milliers de personnes poursuivies
Au même moment, l’opération « brasier ardent » a traduit en justice des milliers de personnes pour fraude et corruption et révélé plusieurs scandales financiers d’ampleur qui choquèrent l’opinion. La campagne avait été conçue par Nguyen Phu Trong, mais To Lam l’a reprise à son compte, selon Zachary Abuza, professeur au National War College de Washington. Il a instrumentalisé les enquêtes et « systématiquement éliminé les rivaux du bureau politique qui étaient éligibles pour devenir secrétaire général » du PCV, explique-t-il.
L’intronisation de To Lam s’est déroulée samedi, une semaine après les obsèques nationales organisées pour son prédécesseur, Nguyen Phu Trong. Celui-ci est décédé le 19 juillet dans un hôpital de Hanoï à l’âge de 80 ans. Il a été enterré le 26 juillet au cimetière Mai Dich de la capitale vietnamienne, où reposent de nombreux dignitaires du pays. Son cercueil, orné du symbole de la longévité, a été descendu dans la tombe par dix soldats en uniforme blanc.
Nguyen Phu Trong dirigeait le parti communiste vietnamien depuis 2011. Il s’est imposé comme l’une des figures les plus importantes de l’histoire récente de ce pays de cent millions d’habitants. Ses treize ans de règne ont été marqués par une forte croissance des échanges commerciaux mais aussi par la vaste campagne anticorruption qui a ébranlé le parti, la police, l’armée et les milieux d’affaires.
Sur le plan diplomatique, le Vietnam a su nouer des relations bilatérales étroites avec les États-Unis tout en maintenant des liens forts avec la Russie. Ainsi, après avoir reçu Joe Biden à Hanoï en septembre 2023, les autorités ont accueilli Vladimir Poutine en visite d’État en juin 2024…
La Croix avec Agence France Presse – 3 août 2024
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