La junte birmane, aux abois, enchaîne défaites et défections : des espions rejoignent les insurgés
En Birmanie, la junte, sous pression, fait le ménage dans ses rangs, alors que les insurgés ne cessent de gagner du terrain. Des soldats-espions aident les rebelles pro-démocratie à réaliser des gains cruciaux. La colère grandit dans un pays durement frappé par la répression et la crise économique.
La junte birmane, sous pression, fait le ménage dans ses rangs : Un nouveau ministre de la Défense a été nommé, alors que les insurgés ne cessent de gagner du terrain dans le pays depuis un an, souligne le journal birman Irrawaddy et Radio Free Asia, financée par les Etats-Unis. Le ministre sortant fait les frais, aussi, d’une campagne de conscription des jeunes, très impopulaire, souligne la BBC, alors que l’armée enchaîne les défaites et les défections, dans ses rangs. La junte ne contrôle plus qu’un cinquième du territoire birman, près de quatre ans après sa prise de pouvoir par un coup d’Etat. La junte, blessée, est d’autant plus dangereuse, indique la BBC, et elle tient toujours les principales villes du pays.
« Des espions au sein de l’armée aident les rebelles pro-démocratie à réaliser des gains cruciaux », comme le révèle une enquête de BBC Eye. Ces soldats espions sont connus sous le nom de « Pastèques », un nom utilisé par les insurgés : « verts à l’extérieur, paraissant fidèles à l’armée. Mais à l’intérieur, ils sont rouges et travaillent pour le soulèvement pro-démocratique », explique BBC Eye Investigation. Ces soldats-espions sont des éléments vitaux, souligne la BBC, pour connaître les positions et les mouvements de l’armée, pour que les insurgés sachent où frapper et quels points de contrôle éviter. Ces espions sont cruciaux, aussi, dans une guerre psychologique, explique un chef rebelle au média public britannique. Alors que des milliers de Birmans ont été tués, plus de 20 000 personnes arrêtées depuis le retour de la junte, en 2021, c’est ce régime sanglant qui a poussé un officier birman a aidé les insurgés. « Nous sommes censés protéger les civils, mais maintenant nous tuons notre peuple. Ce n’est plus une armée, c’est une force qui terrorise les gens », se désole un officier birman devenu espion pour le compte des rebelles. « J’ai vu les services de renseignement militaire torturer et tuer des innocents. Je suis en colère. Ma colère est plus grande que ma peur », confie-t-il encore à BBC Eye Investigation. Ces espions « pastèque » comprennent des soldats de rang inférieur et des officiers de haut rang, affirme, à la BBC, un chef rebelle qui recrute notamment par les réseaux sociaux.
La colère grandit dans les rangs de l’armée et au sein de la population, de la jeunesse en particulier, tant la situation économique est catastrophique en Birmanie, en plus du déni de démocratie. L’Etat Rakhine, dans l’Ouest, déjà l’un des Etats les plus pauvres de Birmanie, est « au bord d’une catastrophe sans précédent », met en garde l’ONU : plus de 2 millions de Birmans sont menacés de famine, rapporte le Guardian et la revue The Diplomat, consacrée à l’actualité en Asie et dans le Pacifique. Il d’autant plus inadmissible, alors, pour le journal Irrawaddy, de voir de l’aide humanitaire détournée par la junte : des sacs étiquetés du PAM, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, ont été retrouvés sur une base militaire, dans le canton de Maungdaw, dans l’État de Rakhine, une fois que les rebelles ont repris ce site, dénonce également le journal Arakan Bay News. A cause des combats, des bombardements menés par la junte, notamment avec des avions russes et chinois, mais aussi des catastrophes climatiques comme les ravages causés par le typhon Yagi en septembre dernier, le nombre de déplacés internes pourrait augmenter de 30 % pour atteindre le nombre de 4,5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants forcés de quitter leur foyer, l’an prochain, estime l’ONU, citée par Nikkei Asia, quotidien japonais. Un tiers de la population de ce pays d’Asie du Sud-Est aura besoin d’aide humanitaire. L’ONU en appelle à la communauté internationale : un milliard de dollars nécessaire mais l’aide peine à venir, notent Nikkei Asia et Radio Free Asia.
Espoir de démocratie : L’objectif du chef rebelle pro-démocratie Daeva est de prendre Rangoun, la plus grande ville de Birmanie, où il vivait avant de prendre les armes, indique BBC Eye Investigation. « Plus facile à dire qu’à faire », reconnaît Daeva depuis un coin secret de la jungle. Mais Daeva a la démocratie dans le sang, depuis trois générations ; chacune est passée en prison, raconte la BBC. Autour d’un feu de camp dans un coin secret de la jungle birmane, les insurgés, comme Daeva, continuent d’espérer en chantant : « Nous avons vécu dans la peur pendant des générations, et maintenant c’est à nous de nous battre. Nous marchons vers des jours radieux, ce sera notre victoire ». Une longue marche, certes, mais aujourd’hui, conclut BBC Eye Investigation, Daeva rapproché son unité rebelle de Rangoun.
Par Catherine Duthu – Radio France Culture – 20 décembre 2024
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