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Séisme en Birmanie : selon les experts, les conditions sont réunies pour un bilan dramatique

Au lendemain du séisme qui a frappé le Sud-Est asiatique, et notamment la Birmanie, le bilan est loin d’être définitif. Les experts estiment que les victimes se compteront par dizaines de milliers.

Les experts, en se basant notamment sur des modélisations de catastrophes, estiment que le bilan du plus fort séisme à avoir frappé la Birmanie depuis des décennies, vendredi 28 mars, pourrait atteindre des dizaines de milliers de morts. « Il faut s’attendre à un grand nombre de victimes et des dégâts importants, et la zone de la catastrophe est probablement étendue », a affirmé l’Institut géologique américain (USGS), qui a localisé ce séisme peu profond de magnitude 7,7 avec un épicentre près de la ville birmane de Mandalay, où vivent plus d’un million de personnes.

Entre 10 000 et 100 000 victimes probables

Le dernier bilan annoncé par la junte au pouvoir en Birmanie samedi évoque plus de 1 600 morts, et plus de 3 400 blessés. Mais l’analyse faite par l’USGS estime qu’il existe une probabilité de 35 % que le bilan des victimes se situe dans une fourchette de 10 000 à 100 000 personnes.

Le bilan pourrait être d’autant plus lourd qu’une « grave pénurie » de fournitures médicales impacte l’assistance déployée. Cette pénurie concerne notamment les « kits de traumatologie », les poches de sang, les produits anesthésiques, certains médicaments essentiels et des tentes pour les secouristes, a énuméré le Bureau de la coordination humanitaire des Nations unies (OCHA) dans un communiqué faisant le point sur l’« ampleur de la catastrophe ».

Routes endommagées

« Les routes endommagées et les débris entravent l’accès à l’aide humanitaire et compliquent l’évaluation des besoins », alors que « des milliers de personnes passent la nuit dans les rues ou à l’air libre à cause des dégâts ou des destructions, ou par peur d’autres secousses », alerte encore l’OCHA.

L’USGS précise également que le coût financier de cette catastrophe pourrait atteindre des dizaines de milliards de dollars, avertissant que cela pourrait dépasser le PIB du pays. Bill McGuire, professeur en géophysique et risques climatiques à l’University College London (UCL), a déclaré qu’il s’agissait « probablement du plus grand séisme touchant la Birmanie en trois quarts de siècle ». Une réplique de magnitude 6,7 s’est produite quelques minutes après la première, et Bill McGuire avertit que « d’autres répliques sont à prévoir ».

Chevauchement des plaques tectoniques

Pour expliquer ce séisme, Rebecca Bell, experte en tectonique à l’Imperial College London, évoque un mouvement de chevauchement latéral de la faille de Sagaing. C’est là que la plaque tectonique indienne, à l’ouest, rencontre la plaque de Sunda qui forme une grande partie de l’Asie du Sud-Est – une faille semblable en taille et en mouvement à la faille de San Andreas en Californie.

« La faille de Sagaing est très longue, 1,200 km, et très droite, » explique Mme Bell. « La nature rectiligne fait que les séismes peuvent subvenir sur de vastes zones – et plus la zone de la faille qui glisse est grande, plus le séisme est important. » Les tremblements de terre dans de tels cas peuvent être « particulièrement destructeurs », ajoute Rebecca Bell, expliquant que, lorsque le séisme a lieu à faible profondeur, son énergie sismique se dissipe lorsqu’elle atteint les zones peuplées au-dessus. Cela provoque « beaucoup de secousses à la surface, » ajoute-t-elle.

Boom de la construction en Birmanie

La Birmanie est régulièrement touchée par de puissants séismes. Il y a en eu plus de 14 d’une magnitude de 6 ou plus au cours du dernier siècle, notamment un de magnitude 6,8 déjà près de Mandalay en 1956, dénombre Brian Baptie, sismologue à l’Institut géologique de Londres (BGS).

Ian Watkinson, du département des sciences de la Terre à Royal Holloway, Université de Londres, explique que le « boom de la construction de bâtiments élevés en béton armé » a changé la donne ces dernières décennies. En Birmanie, déchiré par des années de conflit, le niveau d’application des normes de construction anti-sismiques est faible.

« Lors de tous les séismes précédents de magnitude 7 ou plus le long de la faille de Sagaing, la Birmanie était relativement peu développée, avec principalement des bâtiments bas à charpente en bois et des monuments religieux en briques », a déclaré Ian Watkinson. « Celui (de vendredi) est le premier test des infrastructures modernes de Birmanie face à un séisme de grande magnitude et peu profond à proximité de ses principales villes ».

Brian Baptie estime qu’au moins 2,8 millions de Birmans se trouvaient dans des zones durement touchées, où la plupart vivaient dans des bâtiments « construits en bois et en maçonnerie de briques non renforcées », et donc vulnérables aux secousses sismiques.

« Le mantra habituel est que + les séismes ne tuent pas, l’effondrement des infrastructures tue + », rappelle Ilan Kelman, expert en réduction des catastrophes à l’Université College London. « Les gouvernements sont responsables des réglementations en matière de planification et de normes de construction. Cette catastrophe met en lumière ce que les gouvernements de Birmanie n’ont pas réussi à faire bien avant le séisme, et qui aurait sauvé des vies pendant les secousses ».

À Bangkok, des techniques de construction problématiques

De fortes secousses ont également été ressenties dans les pays voisins, notamment en Thaïlande, où un gratte-ciel en construction de 30 étages a été réduit en un tas de béton poussiéreux, emprisonnant des dizaines de travailleurs dans les décombres. Christian Malaga-Chuquitaype, de l’Imperial College de Londres, explique que la nature du sol à Bangkok a contribué à ce que la ville, pourtant située à environ 1,000 km de l’épicentre, soit également touchée. « Même si Bangkok est éloignée des failles actives, son sol meuble amplifie les secousses », déclare-t-il.

Pour lui, les techniques de construction à Bangkok favorisant des « dalles plates » – où les sols sont soutenus uniquement par des colonnes sans utiliser de poutres renforcées, comme une table uniquement soutenue par des pieds – constituent un « design problématique ». Selon cet expert, une première analyse vidéo de l’immeuble effondré suggère que cette technique de construction avait été utilisée dans ce cas précis. Cette technique « se comporte mal pendant les séismes, s’écroulant souvent de manière cassante et soudaine (presque explosive) », explique-t-il.

Roberto Gentile, de l’Université College London, expert en modélisation des risques de catastrophes, juge que « l’effondrement spectaculaire » de la tour de Bangkok implique que « d’autres bâtiments élevés de la ville pourraient nécessiter une évaluation approfondie ».

Le Télégramme – 29 mars 2025

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