Plus de 2000 morts après le séisme en Birmanie : pourquoi ce bilan n’est pas fiable ?
Un dernier bilan fourni par la junte militaire fait état de plus de 2056 morts et 3900 blessés. En raison du conflit qui perturbe le pays depuis plus de trois ans, les chiffres pourraient être bien plus importants.
Plus de 48 heures après le drame, les premiers bilans chiffrés livrés par la junte birmane sont sujets à caution. Ce vendredi 28 mars, un séisme de magnitude 7,7 a fait trembler la Birmanie. Les secousses ont été ressenties jusqu’en Thaïlande, en Chine, au Cambodge, au Bangladesh et en Inde. Ce lundi, les autorités birmanes font état de plus de 2056 morts et 3900 blessés. Un lourd bilan, qui est encore temporaire, et risque de s’aggraver. D’autant plus avec la réplique qui a frappé le pays ce dimanche.
Il est en effet difficile d’établir avec précision le nombre de victimes du séisme en Birmanie. Déjà, parce que les recherches sont toujours en cours et que «l’accès à certaines zones sinistrées reste très compliqué», explique Lauriane Simony, maîtresse de conférences en civilisation britannique, spécialiste de la décolonisation en Birmanie, à l’université CY Cergy Paris. Surtout, les informations sont difficilement relayées, «les communications avec certaines villes ayant été coupées», comme à Sagaing, l’épicentre du séisme, en raison de routes et ponts inaccessibles, poursuit Lauriane Simony.
Un manque d’informations fiables en raison du conflit
Le manque de communication est également lié au conflit en cours à travers le pays depuis plus de trois ans. En février 2021, après le coup d’État contre le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi, une guerre civile a été déclenchée. Le centre du pays, où a eu lieu le séisme, est actuellement sous contrôle de la junte militaire. Mais de nombreux combats entre l’armée et les opposants ont lieu depuis plusieurs mois, notamment dans la zone près de Sagaing et Mandalay. Un désordre qui a conduit au déplacement de plus de 3,5 millions de personnes vulnérables, selon les Nations unies. Le contrôle de la junte militaire perturbe donc aussi l’intervention de l’aide humanitaire, «notamment en poursuivant les coupures internet régulières ou en imposant des couvre-feux», précise Lauriane Simony.
Pire, «la junte poursuit les bombardements aériens de certaines zones sous contrôle des forces de résistance ayant été touchées par le séisme», explique la maîtresse de conférences. Sept rebelles birmans ont en effet été tués dans une frappe de la junte qui s’est produite quelques heures après le séisme ce vendredi, a confié dimanche à l’AFP le représentant d’un groupe ethnique armé de l’État Shan (nord-est).
Un système de santé très fragilisé
Aussi, le système de santé a été largement bouleversé ces dernières années. D’après les agences humanitaires, les hôpitaux sont actuellement sous-équipés. La prise en charge des milliers de victimes à travers le pays est donc ingérable pour le personnel médical. Ce qui a conduit ce vendredi le chef de la junte, Min Aung Hlaing, à lancer un rare appel à l’aide internationale, déclarant au passage l’état de catastrophe naturelle dans six villes et régions du pays. Par ailleurs, selon le site d’information indépendant Myanmar Now, les crématoriums de la ville étaient saturés dimanche soir, avec plus de 500 corps incinérés durant le week-end.
Au-delà de ces éléments de contexte qui laissent imaginer à quel point la situation est critique, il reste difficile pour les journalistes de constater l’ampleur réelle de la catastrophe et le manque de gestion politique et sanitaire du drame, leur accès au pays étant interdit depuis le début du conflit. Seuls les médias locaux et quelques reporters des agences de presse parviennent à fournir des informations directement sur place.
Selon une estimation réalisée par le United States Geological Survey, le bilan humain définitif pourrait dépasser le seuil des 10.000 victimes. Au vu de l’intensité du séisme, certains spécialistes imaginent qu’il pourrait être encore plus conséquent. « Nous sommes dans des ordres de grandeur comparables à ceux du séisme de Kahramanmaraş qui a touché la Turquie en février 2023», a indiqué Nathalie Feuillet, professeur de géophysique à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) au Figaro . Un drame qui avait coûté la vie à près 55.000 personnes.
Par Emma Ferrand – Le Figaro – 31 mars 2025
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