Le Vietnam face aux tariffs de Trump
Tandis que Donald Trump rejoue sa guerre commerciale façon Apocalypse Now, infligeant au Vietnam un tarif douanier record de 46 %, Ho Chi Minh-Ville répond par un klaxon de scooter et un sourire de commerçant : « Même pas mal. » Loin de freiner, l’économie vietnamienne fonce, portée par une croissance insolente et une redoutable faculté d’adaptation.
« Saigon. Shit ! » La réplique culte qui ouvre Apocalypse Now ne doit pas faire partie des références de Donald Trump. Et pourtant, c’est bien le message lancé par la capitale économique du Vietnam au lendemain du Liberation Day – celui de Trump –, ce jour funeste où le président des Etats-Unis infligeait à la planète ses droits de douanes grotesques – 46 % pour le Vietnam, quasiment le record du monde ! « Même pas mal », semblent lui répondre les milliers de scooters dans les rues de Ho Chi Minh-Ville, message glané au hasard d’un passage dans la métropole indochinoise, où il est facile de filer la métaphore avec le flot ininterrompu des deux-roues.
De même qu’un scooter saïgonnais ne stoppe jamais devant un passage clouté, rien ne semble arrêter l’économie vietnamienne : encore 7 % de croissance au premier trimestre 2025, dynamisée précisément par l’envolée des exportations vers les Etats-Unis, multipliées par trois depuis 2018, date de la première salve de tariffs imposée par Trump à la Chine…
Une véritable faculté d’adaptation
Car tel le trafic ininterrompu des scooters dans les rues, le Vietnam s’adapte aux courants du commerce mondial avec l’agilité et la ductilité du ban de sardines. Quand la Chine rétorque deux jours après le feu trumpien par un coup de menton exactement du même ordre que les droits de 34 % imposés par Washington, ici, le Parti communiste, au pouvoir depuis un demi-siècle, non sans avoir connu en 1986 sa perestroïka (Doi Moi, autrement dit « changer pour faire du neuf »), opte pour une autre stratégie : vendredi 4 avril, son secrétaire général sera le premier leader mondial à téléphoner au grand timonier républicain, l’assurera de sa « volonté de continuer à renforcer la coopération bilatérale » et lui proposera de réduire à 0 % les droits des importations américaines au Vietnam en contrepartie « d’un taux similaire appliqué aux marchandises vietnamiennes vendues aux Etats-Unis »… Il suffisait d’y penser. Et d’inviter par la même occasion Trump et son épouse dans la Péninsule. Lequel a qualifié le coup de téléphone de « très productif » sur son réseau Truth Social, et « a respectueusement demandé au secrétaire général de transmettre ses chaleureuses salutations au peuple vietnamien ».
Luong Nguyen An Dien, le rédacteur en chef du site d’informations Zing, en est sûr : « A Ho Chi Minh-Ville, le rêve américain perdure. » Les deux peuples sont comme tous ces couples qui sortent le soir, là encore sur leurs scooters, et qui vont festoyer dans le secteur 1 de Saigon. Après tout, le Vietnam ne se classe-t-il pas parmi les dix premiers pays en termes d’étudiants aux Etats-Unis ? Et une paire de Nike sur deux chaussées par un Américain n’est-elle pas produite ici ? Les divagations de Trump n’y changeront rien.
Par Vincent Beaufils – Challenges – 10 avril 2025