Le Cambodge a 90 jours pour éviter la taxe douanière américaine
Les États-Unis accordent un délai de 90 jours au Cambodge avant d’imposer une taxe de 49 %. Un sursis critique pour son secteur textile, pilier économique menacé par la guerre commerciale.
Alors que le président américain Donald Trump intensifie la guerre commerciale avec la Chine, son administration a annoncé mercredi un sursis de 90 jours sur les droits de douane « réciproques » pour le Cambodge et 90 autres pays. Ce délai intervient alors qu’une taxe générale de 10 % sur toutes les importations américaines reste en vigueur.
Ce répit offre une courte fenêtre pour négocier cette taxe de 49 % — la plus élevée de la région — avant son application sur les exportations cambodgiennes vers leur principal marché. Toutefois, les syndicats du secteur de l’habillement, pilier de l’économie cambodgienne, craignent que les négociations n’aboutissent pas à une réduction suffisante du taux, avec de lourdes conséquences à la clé.
Un secteur textile vital sous pression
Selon Ath Thorn, vice-président de la Coalition des syndicats démocratiques des travailleurs de l’habillement du Cambodge (C.CAWDU), les propriétaires d’usines comme les ouvriers s’inquiètent depuis l’annonce initiale de la taxe, et que le sursis actuel n’a en rien dissipé cette incertitude.
Les vêtements, chaussures et articles de voyage représentent plus de la moitié des importations américaines en provenance du Cambodge. Ce secteur stratégique génère 45 % des revenus d’exportation du pays et emploie plus de 900 000 personnes. L’an dernier, le Cambodge a exporté pour 9,9 milliards de dollars de biens vers les États-Unis, soit près de 38 % de ses exportations totales.
Depuis 1999, les deux pays sont liés par un accord sur le commerce textile, destiné à offrir aux entreprises américaines un accès à une main-d’œuvre bon marché tout en renforçant les protections des travailleurs cambodgiens.
Une taxe de 49 % toujours d’actualité
Malgré le délai, Ath Thorn s’inquiéte que la taxe de 49 % reste prévue. « Si le gouvernement parvient à un accord d’ici trois mois, ce sera une bonne chose. Sinon, les conséquences pourraient être graves : les usines pourraient réduire leurs exportations, fermer ou se délocaliser vers des pays comme l’Inde, l’Égypte ou l’Indonésie ».
Yang Sophorn, présidente de l’Alliance indépendante des syndicats cambodgiens (CATU), partage ces inquiétudes, tout en gardant espoir qu’un accord soit trouvé durant cette trêve, afin d’atténuer, voire d’éviter, l’impact sur ce secteur clé.
La riposte du Cambodge et l’attente de Washington
Deux jours seulement après l’annonce de la taxe par Donald Trump, le Premier ministre Hun Manet a drastiquement réduit les droits d’importation sur 19 produits américains, passant de 35 % à 5 %. Il a publié une lettre adressée à son homologue américain sur Facebook, confirmant que son gouvernement attend désormais le feu vert pour envoyer une délégation à Washington.
Interrogé sur la position de l’administration américaine concernant cette réduction tarifaire en signe de bonne volonté, un porte-parole de l’ambassade des États-Unis à Phnom Penh a redirigé les journalistes vers la Maison Blanche.
Accusations de transbordement et incertitudes stratégiques
Malgré le sursis, l’administration Trump garde une position critique vis-à-vis des exportations cambodgiennes, accusant le pays de servir de plaque tournante au transbordement de marchandises chinoises pour contourner les droits de douane américains.
Stephen Higgins, associé directeur de Mekong Strategic Capital, une société d’investissement basée à Phnom Penh, estime que cette perception découle de précédents cas de réexportation de panneaux solaires chinois vers les États-Unis via le Cambodge. « Cela n’a pas aidé le pays », a-t-il reconnu.
Selon lui, le sursis de 90 jours pourrait provoquer une ruée sur les commandes américaines, tandis que le gouvernement cambodgien tente de négocier un accord équitable. Il met aussi en garde contre un possible redéploiement des exportations chinoises vers d’autres marchés, ce qui risquerait de marginaliser davantage le Cambodge.
Quant à une relocalisation des fabricants, Higgins estime que les entreprises hésitent à prendre des décisions sans connaître la position américaine après la fin du sursis. « Comment planifier une relocalisation quand on ne sait pas ce que feront les États-Unis ? » a-t-il déclaré.
« Le monde des affaires aime la certitude et la prévisibilité, deux notions que cette administration semble ignorer. »
Le gouvernement cambodgien reste prudent
Dans un communiqué publié jeudi, le ministère du Commerce a mentionné le report de la taxe et indiqué que les États-Unis avaient répondu « positivement » à la demande officielle du Cambodge d’ouvrir des négociations.
Contacté par Camboja News, le porte-parole du gouvernement cambodgien, Pen Bona, a confirmé le sursis de 90 jours concernant la taxe de 49 %, mais a refusé de commenter les accusations américaines de transbordement ni les effets potentiels sur le secteur de l’habillement.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Chum Sounry, n’a pas répondu aux sollicitations.
Par Coby Hobbs & Khuon Narim – Camboja News / Lepetitjournal.com – 11 avril 2025
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