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Chine – Vietnam : partenaires sous tension

Xi Jinping poursuit sa tournée en Asie du Sud-Est après deux jours au Vietnam, où pas moins de 45 accords ont été signés pour renforcer les relations économiques bilatérales. Cette visite survient dans un contexte marqué par les droits de douane américains affectant les deux pays.

Avec Emmanuel Véron, géographe, spécialiste de la Chine contemporaine, chercheur associé à l’école navale et à l’INALCO, membre de l’Institut Français de Recherche sur l’Asie de l’Est (IFRAE)

Jusqu’ici, le Vietnam, fidèle à sa diplomatie du bambou, tentait de maintenir un équilibre entre les deux géants. Hanoï et Pékin, à eux deux, pourront-ils contrer la menace économique des États-Unis ? À quelle alliance s’attendre ?

La posture complexe du Vietnam

Emmanuel Véron explique combien le Vietnam est en balance dans ses dépendances économiques vis-à-vis de la Chine et des États-Unis ; le coup de barre protectionniste opéré par la Maison-Blanche risque bien de mettre à mal son économie et c’est pourquoi il cherche d’autres options commerciales et diplomatiques. Le géographe explicite : « L’économie vietnamienne est particulièrement dynamique, en particulier depuis 4-5 ans, avec une industrialisation et une tertiarisation rapides, tout en conservant un secteur primaire important. Elle est très intégrée au marché chinois, mais elle exporte davantage vers les États-Unis : environ 31 milliards de dollars contre 30 milliards d’importations venant de Chine. […] Cette double dépendance crée un équilibre instable : d’un côté, des délocalisations industrielles venues de Chine vers le Vietnam à cause des salaires plus bas ; de l’autre, une dépendance croissante au marché nord-américain, ce qui rend le Vietnam vulnérable aux décisions politiques de Washington, notamment l’augmentation des droits de douane. »

C’est aussi en raison de ces dispositions américaines très agressives que le Vietnam se rapproche d’une Chine qui fait pourtant figure de voisin encombrant, notamment d’un point de vue géostratégique. Emmanuel Véron décrit la stratégie vietnamienne : « Malgré les liens historiques entre les partis communistes vietnamiens et chinois, malgré une intensification des relations économiques, les tensions géopolitiques ne disparaissent pas. Au contraire, elles s’intensifient. […] La militarisation par la Chine de la mer de Chine méridionale, l’artificialisation des îles, les violations du droit maritime international dans les eaux vietnamiennes nourrissent les crispations. […] Le Vietnam déroule le tapis rouge à Xi Jinping, mais envoie aussi un signal aux États-Unis, à l’Europe, au Japon, voire à Taïwan : il est prêt à diversifier ses alliances pour ne pas devenir trop dépendant de Pékin. C’est cette ligne de crête, cet équilibre délicat qu’on appelle la diplomatie du bambou. »

Du point de vue chinois : la stratégie du bon élève

Si l’économie chinoise est menacée par les dispositions américaines, elles n’en restent pas moins une opportunité sur la scène internationale pour renforcer sa posture et son rôle d’acteur stable et rationnel. Emmanuel Véron expose ce plan chinois : « La Chine reste un régime dominé par le Parti communiste, avec des structures étatiques très hiérarchisées, y compris dans l’économie. Mais en même temps, c’est aujourd’hui Pékin qui défend le commerce international à l’OMC, qui se présente comme une puissance stable, responsable, respectueuse des règles internationales. […] On est à fronts renversés : les États-Unis deviennent protectionnistes, brutaux, et la Chine tente de capitaliser sur cette image modérée. Ce retournement est à la fois stratégique et contraint, car la situation économique interne chinoise est fragile, et au sein même du Parti communiste, des débats existent sur la direction à prendre. […] Il ne faut pas y voir une panique, mais une réactivité forte face à des attaques frontales venues notamment de l’administration Trump. »

Ainsi ce renforcement de sa posture internationale vient-il avec un recentrage de ses intérêts économiques sur l’Asie : « La visite de Xi Jinping en Asie du Sud-Est est un signal fort. C’est rare qu’il sorte de Chine pour une tournée de 4 à 5 jours – Vietnam, Malaisie, Cambodge – et cela traduit une volonté claire de recentrer l’Asie sur la Chine, à tous les niveaux, notamment géoéconomiques. […] En développant ses liens avec les pays de la région, Pékin cherche aussi à contourner les droits de douane américains en utilisant l’Asie comme tremplin pour toucher le marché nord-américain. […] En parallèle, le commerce chinois tente de se désintégrer progressivement des dépendances vis-à-vis des marchés américain et européen. On assiste à une montée en puissance des échanges intra-asiatiques, y compris avec le Moyen-Orient, qui dessinent un recentrage géoéconomique sur l’Asie dans une logique post-occidentale. »

Par Guillaume Erner – Radio France Culture – 16 avril 2025

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