Koh Kood, l’île de la discorde entre la Thaïlande et le Cambodge
Koh Kood, également appelée Koh Kut, est une île thaïlandaise située dans le golfe de Thaïlande, dans la province de Trat, près de la frontière avec le Cambodge.
Quatrième plus grande île de Thaïlande avec une superficie de 105 km², elle est connue pour ses plages paradisiaques, ses eaux cristallines et sa nature préservée, en grande partie grâce à son isolement et à un tourisme encore limité.
Elle est également au centre d’un différend territorial entre la Thaïlande et le Cambodge, ravivant des tensions historiques entre les deux pays. Malgré l’absence de fondement juridique solide selon la Thaïlande, qui s’appuie sur un traité de 1907, le Cambodge persiste à revendiquer Koh Kood.
Contexte historique et origines du conflit
Le conflit autour de Koh Kood s’inscrit dans une longue histoire de litiges frontaliers entre la Thaïlande et le Cambodge, souvent hérités de l’époque coloniale. En 1907, un traité entre la France (qui administrait alors le Cambodge) et le Siam (ancien nom de la Thaïlande) a attribué Koh Kood à la Thaïlande, en échange de territoires comme Battambang et Siem Reap, rendus au Cambodge.
Ce traité, bien que clair sur le papier, a été contesté par le Cambodge moderne, qui revendique la moitié de l’île, arguant que les délimitations maritimes restent floues et que l’île est géographiquement proche de ses côtes.
Le différend est aggravé par la présence de vastes réserves de gaz naturel dans la zone maritime contestée, connue sous le nom de « Overlapping Claims Area » (OCA), couvrant environ 27 000 km². Cette région pourrait abriter jusqu’à 11 trillions de pieds cubes de gaz naturel, selon les autorités thaïlandaises. La demande énergétique croissante dans les deux pays a intensifié les pressions pour résoudre le différend et parvenir à un partage des ressources.
En 2001, les deux pays ont signé un protocole d’accord pour résoudre pacifiquement ces différends, mais les négociations sont au point mort depuis.
Tensions récentes et positions des deux pays
En février 2024, le ministre thaïlandais de la Défense, Sutin Klungsang, a exprimé un optimisme prudent quant à la reprise des négociations sur l’OCA, tout en évitant de commenter directement les revendications cambodgiennes sur Koh Kood
Plus récemment, en novembre 2024, le ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Parnpree Bahiddha-Nukara, a réaffirmé lors d’un débat au Sénat que Koh Kood restait « inaliénablement thaïlandaise », s’appuyant sur le traité de 1907. Il a toutefois reconnu la nécessité de discussions conjointes sur les frontières maritimes et le partage des ressources sous-marines.
Le Cambodge, de son côté, maintient ses revendications, et la présence d’une base navale chinoise à Ream, à moins de 100 km de Koh Kood, inquiète la Thaïlande. Certains observateurs, comme des contributeurs sur des blogs spécialisés, estiment que la Chine pourrait soutenir le Cambodge en cas d’escalade, voyant dans ce différend une opportunité pour étendre son influence en Asie du Sud-Est, notamment face aux États-Unis. Cependant, aucune preuve concrète ne corrobore pourl’instant une volonté réelle d’intervention militaire chinoise.
Risque d’escalade et perspectives
Le différend autour de Koh Kood rappelle d’autres conflits frontaliers entre les deux pays, comme celui du temple de Preah Vihear, qui a dégénéré en affrontements armés entre 2008 et 2011, causant des dizaines de morts.
En 2013, la Cour internationale de Justice (CIJ) a confirmé la souveraineté cambodgienne sur le temple, mais des tensions persistent. Concernant Koh Kood, aucun conflit armé n’a été signalé récemment, et les deux pays semblent privilégier la diplomatie.
Cependant, des voix sur des medias sociaux soulignent les préoccupations de la diaspora cambodgienne et les discussions sur l’énergie dans la région, suggérant que le sujet reste sensible. La Thaïlande craint que le Cambodge, avec le soutien potentiel de la Chine, ne pousse ses revendications, tandis que le Cambodge voit dans Koh Kood une opportunité économique et stratégique.
Impact sur Koh Kood et ses habitants
Koh Kood, qui compte environ 2 000 habitants vivant principalement de la pêche, de l’agriculture et d’un tourisme écologique, reste pour l’instant préservée des troubles. L’île s’est ouverte au tourisme dans les années 1990, après des décennies d’isolement dues aux tensions régionales. Aujourd’hui, elle attire les voyageurs en quête de calme, et d’activités comme le snorkeling ou la visite de cascades. Cependant, un conflit ouvert pourrait nuire à son développement touristique et à la vie de ses habitants.
Koh Kood demeure un symbole des tensions historiques et géopolitiques entre la Thaïlande et le Cambodge, alimentées par des enjeux économiques et des rivalités régionales. Si la situation est actuellement sous contrôle, le différend pourrait s’envenimer si les négociations sur l’OCA échouent ou si des puissances comme la Chine s’impliquent davantage. Pour l’instant, l’île reste un havre de paix, mais son avenir dépend de la capacité des deux nations à trouver un compromis durable.
Par Olivier Languepin – Thailande-fr.com – 18 avril 2025
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