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Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 – chapitre 7

Avril 1975. Les soldats nord-vietnamiens marchent sur les eaux. Rien ni personne ne semble être en mesure de stopper leur avancée fulgurante. En l’espace d’un mois, ils se sont rendus maîtres de Hauts plateaux, puis de Hue et de Da Nang, soit deux des quatre régions militaires du Sud-Vietnam, dont la survie paraît désormais sérieusement menacée.

Le Petit Journal vous propose lors de cette série intitulée « Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 » de revivre la chute de Saïgon, le 30 avril 1975, date qui marque la fin de la guerre du Vietnam. Le premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième chapitres reviennent sur ces années charnières dans l’Histoire des guerres d’Indochine.

Le doute n’est désormais plus permis. Pour les hommes de Hanoï, cette offensive prend des allures d’estocade finale. A Saïgon, certains veulent encore croire que les nordistes cherchent à établir une nouvelle ligne de front pour pouvoir négocier en position de force et que la République du Vietnam va pouvoir survivre en étant amputée de la moitié de son territoire.

Mais c’est mal connaître ces conquérants qui déferlent depuis le nord. Endurant, frugal, tenace, courageux, discipliné, le soldat nord-vietnamien se déplace sans sa famille. Il a entre treize et trente-cinq ans. Dire qu’il se contente de peu ne serait pas tout à fait exact : il a l’habitude du peu. Sa ration quotidienne ? Six ou sept cent grammes de riz, des biscuits à base de fèves, parfois un peu de poisson séché. Mais surtout, c’est un combattant de la liberté doublé d’un ardent patriote, pour qui la Cause justifie tous les sacrifices, y compris le plus grand.

A Washington, le Président Ford commence à s’inquiéter de la tournure que prennent les évènements. Aussi envoie-t-il le Général Weygand en mission à Saïgon pour tenter d’y voir plus clair. Lorsque ce dernier débarque à l’aéroport de Tan Son Nhut, le Président Thieu a pris soin de faire confectionner de nouvelles banderoles rédigées en anglais qui proclament que la population du Sud-Vietnam est prête à se battre. si on l’aide.

C’est justement là que le bât blesse car toute nouvelle aide américaine doit avoir la bénédiction du Congrès et il ne faut pas compter là-dessus. C’est en tout cas ce que Weygand répond à ses interlocuteurs, au risque de leur asséner une douche froide. 

« Au Sud-Vietnam, la crédibilité des Etats-Unis en tant qu’alliés est en jeu », tempère-t-il néanmoins.

Quelques jours plus tard, le Vice-Président américain, Nelson Rockefeller, aura quant à lui cette formule laconique, à propos de la situation au Vietnam : « Je crois qu’il est vraiment trop tard pour faire quoi que ce soit ».

A Nha Trang, où le commandement sud-vietnamien a trouvé refuge après l’effondrement de la deuxième région militaire, la situation est calme. Mais brusquement, le matin du 1er avril, le Général Pham Van Phu, qui dirige en principe les opérations, donne l’ordre d’évacuer et il s’embarque lui-même dans le premier hélicoptère venu. Aussitôt, la nouvelle de ce départ précipité se répand comme une traînée de poudre, soulevant un vent de panique, notamment du côté des soldats, qui pillent les magasins ou, arme à la main, attaquent des passants auxquels ils extorquent vivres, argent et bijoux. Le port se transforme en une véritable cour des miracles et on assiste à de véritables scènes de panique, dignes de celles qui se sont produites quelques jours plus tôt à Da Nang.

Il n’y a pourtant pas d’unités nord-vietnamiennes autour de Nha Trang, en ce 1er avril. Le commandement nord-vietnamien a en fait choisi de contourner la ville et donné l’ordre aux divisions 316 et 320 de foncer sur le port de Cam Ranh, qui est une importante base stratégique, située à seulement 260 kilomètres de Saïgon.

Inquiétude à Saïgon

A Saïgon justement, l’attentisme se transforme petit à petit en inquiétude. Dans ses bureaux, le chef de l’antenne de la CIA, Thomas Polgar, ordonne que l’on détruise fichiers et dossiers. Quelques jours plus tôt, il a expédié sa femme à Bangkok.
De longues files d’attente commencent aussi à se former devant le bâtiment de la Banque du Vietnam : les Saïgonnais veulent des devises, et si possible de l’or. On ne sait jamais.

Quant aux vols à destination de l’Europe ou des Etats-Unis, ils sont pleins. Plus une place, non plus, pour Bangkok, Singapour, Hong Kong ou Taïpei.

Retranché dans son ambassade, Graham Martin refuse d’envisager une évacuation massive des Américains encore présents au Sud-Vietnam. Outre qu’il juge la mesure prématurée, il ne veut en aucun cas créer un mouvement de panique. Il peut compter sur le soutien des grandes firmes américaines implantées dans le pays – IBM, Mobil Oil, Exxon, Caltex. – qui annoncent qu’elles ne bougent pas (mais qui ont, pour la plupart d’entre elles, fait évacuer femmes et enfants fin mars.).

Il faut dire, à la décharge de Martin, qu’en agissant comme il le fait, il s’aligne sur la position de Gérard Ford, qui veut croire ou faire croire que le Sud-Vietnam peut être sauvé et qui essaie de persuader le Congrès de voter une aide militaire de près de 700 millions de dollars à Saïgon, tout en posant ouvertement la question d’un déploiement de forces militaires pour procéder à des évacuations. le cas échéant.

Il est une question, en revanche, à laquelle Ford a choisi de répondre en invoquant le principe de précaution, c’est celle des métis nés d’un père GI et des orphelins de guerre en cours d’adoption, aux Etats-Unis ou dans un pays tiers comme la France ou l’Australie. Dès le début du mois d’avril, leur évacuation est décidée : c’est l’opération Baby-lift, une opération qui va hélas débuter par un accident tragique. Le tout premier avion qui décolle de Tan Son Nhut le 4 avril s’écrase en effet dans une rizière après quelques minutes de vol. Près de 150 enfants trouvent la mort ce jour-là, ce qui ne va pas empêcher l’opération de se poursuivre jusqu’au 26 avril et de permettre ainsi l’exfiltration de près de 3.000 enfants, qui seront ensuit adoptés un peu partout dans le monde.

Phnom Penh …

Mais en ce mois d’avril, les regards sont également tournés vers le Cambodge, où les Khmers rouges, ces guérilleros maoïstes qui étaient en lutte contre le régime mis en place par les Américains, sont eux aussi aux portes de la capitale, tant et si bien que dès le 12 avril, Gérard Ford ordonne la fermeture de l’ambassade des Etats-Unis et l’évacuation des Américains. Celle-ci va se faire par rotations d’hélicoptères qui décollent depuis des porte-avions stationnés dans le golfe du Siam : c’est l’opération Eagle Pull (le retrait de l’aigle), qui dans l’ensemble, va bien se dérouler. En l’espace de deux heures, les hélicoptères réussissent en effet à évacuer 82 Américains, 159 Cambodgiens et quelques autres ressortissants de pays tiers.

Les militaires américains se déclarent pleinement satisfaits de l’opération Eagle Pull : du travail bien préparé et correctement exécuté qui constitue une excellente répétition pour – sait-on jamais ? – Saïgon.

Les Khmers rouges, eux, entrent en vainqueurs dans Phnom Penh le 17 avril et devancent ainsi les Nord-Vietnamiens.

Sauf qu’à Saïgon, Thieu reste persuadé que ce qui vient d’arriver au Cambodge va provoquer un sursaut américain. Mais le Président sud-vietnamien place aussi quelques espoirs dans ses propres troupes qui depuis le 9, très exactement, sont engagés dans un baroud d’honneur à Xuan Loc, au nord-ouest de la capitale.

Pendant 12 jours, la 18e division d’infanterie sud-vietnamienne va en effet tenter de s’opposer à l’avancée de trois divisions adverses. En vain. Le 21 avril, Xuan Loc tombe aux mais des soldats de Hanoï. Le dernier verrou a sauté.

Thieu démissionne

Le même jour, le Président Thieu, dont les Nord-Vietnamiens réclament la tête depuis plus de dix ans, annonce qu’il démissionne. Les Américains eux-mêmes, lui ont fait savoir, par l’entremise de Graham Martin, que son départ était préférable, au regard des circonstances.

Nguyen Van Thieu tire donc sa révérence après dix années passées à la tête de cette République du Vietnam, aujourd’hui moribonde. Il fait une dernière allocution télévisée au cours de laquelle il se montre particulièrement dur avec les Américains qui, estime-t-il, l’ont abandonné.

« Vous avez exigé que nous fassions ce que vous n’avez pas réussi à faire avec un demi-million de soldats bien équipés. Vous n’avez pas été vaincus par les communistes, mais vous n’avez pas gagné non plus. Et vous avez trouvé une porte de sortie honorable. Maintenant, alors que notre armée manque d’armes, de munitions, d’hélicoptères et de B-52, vous nous demandez de réaliser une chose impossible, remplir l’océan avec des pierres. C’est comme si vous nous donniez trois dollars pour prendre un billet d’avion de première classe. », lance-t-il, face à la caméra.

« Vous laissez nos combattants sous une grêle d’obus, acte inhumain d’un allié inhumain », assène-t-il quelques instants après.

Comme le veut la constitution, c’est le vice-Président Tran Van Huong, 72 ans, qui accède à la présidence.

Du côté de Hanoï, la réaction est laconique : « C’est le régime de Thieu sans Thieu. Un autre régime fantoche », déclarent Radio-Libération et Radio-Hanoï.

Veillée d’arme

Le Général Van Tien Dung, lui, est depuis quelques temps installé près de la frontière cambodgienne, à Loc Ninh, à une centaine de kilomètres au nord de Saïgon. Il y retrouve Pham Hung, membre très haut placé du comité central du parti communiste vietnamien, qui dirige la lutte dans le Sud depuis 1967, mais également le Général Tran Van Tra, qui va lancer l’assaut final sur Saïgon : le politique et le militaire, comme il se doit, le premier « coiffant » le second.

Mais de tous ceux qui dirigent la campagne en cours, c’est Le Duc Tho qui est le plus important. Le négociateur des Accords de Paris arrive à Loc Ninh, porteur d’une résolution adoptée par le politburo, à Hanoï, le 22 mars. « En avant pour la victoire finale », dit le texte.

Le 14 avril, ce même politburo va prendre une décision certes symbolique mais qui montre bien à quel point Hanoï croit en l’imminence de sa victoire : la campagne de libération de Saïgon va désormais, et pour la postérité, s’appeler « campagne Ho Chi Minh ».

Lepetitjournal.com – 3 mai 2025

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