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Chute de la liberté de la presse au Cambodge selon RSF démentie par le gouvernement

Le Cambodge chute à la 161e place du classement RSF 2025 sur la liberté de la presse. Le gouvernement rejette ce classement et affirme que les journalistes se sentent libres et en sécurité.

RSF signale une dégradation de la liberté de la presse au Cambodge

Reporters sans frontières (RSF) a classé le Cambodge à la 161e place sur 180 pays dans l’édition 2025 de son Indice mondial de la liberté de la presse, marquant une nouvelle baisse par rapport à la 151e place obtenue en 2024. Cette chute reflète, selon le rapport, une détérioration du paysage médiatique dans le pays. Le rapport a été publié le 2 mai, à la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse.

La dégradation de la situation se manifeste notamment par la mort tragique d’un journaliste couvrant une affaire liée à la forêt à Siem Reap, et par l’arrestation du journaliste primé Mech Dara à la suite d’une publication sur les réseaux sociaux. Il a toutefois été libéré sous caution en octobre dernier.

La fermeture de Voice of Democracy (VOD), l’un des derniers médias indépendants encore en activité au Cambodge, en 2023, a également eu un impact majeur sur le paysage médiatique du pays.

Le ministère de l’Information rejette le classement

Face aux conclusions de RSF, le porte-parole du ministère de l’Information, Tep Ansarith, a déclaré que le rapport avait été produit à partir de contributions de plusieurs associations de médias, et qu’il s’agissait selon lui d’un document « à visée politique » qui ne reflète pas la réalité sur le terrain au Cambodge.

Journée de la liberté de la presse : un appel à protéger les médias indépendants

Pendant ce temps, des dizaines d’associations de médias et d’ONG ont célébré au Cambodge la Journée mondiale de la liberté de la presse le 2 mai à Phnom Penh, un jour avant la date officielle du 3 mai. Le thème retenu était : « Protéger les médias indépendants du Cambodge ».

À cette occasion, 17 groupes de presse locaux et régionaux, des défenseurs de la liberté des médias et des organisations civiles internationales ont publié une déclaration commune exprimant leur « profonde inquiétude » face à la montée des restrictions et des menaces pesant sur les médias indépendants.

La déclaration évoque une multitude de défis auxquels sont confrontés les journalistes et les organes de presse indépendants, notamment le harcèlement judiciaire, les intimidations, les arrestations, les révocations de licences de médias et la censure, imposés par le gouvernement et par des « acteurs puissants ».

« Nous appelons les Cambodgiens à se joindre à nous pour exiger la fin de ces restrictions », indique la déclaration, qui exhorte le gouvernement à garantir un environnement libre et sécurisé – en ligne et hors ligne – permettant aux journalistes et aux médias d’exercer leur travail sans contrainte ni peur.

L’ONU et le CCHR dénoncent des atteintes continues à la liberté d’expression

Les Nations Unies et le Cambodian Center for Human Rights (CCHR) ont également publié un rapport annuel affirmant que la liberté de la presse et la liberté d’expression restaient « attaquées » au Cambodge.

Lors de l’événement consacré à la liberté de la presse, l’ambassadeur de France au Cambodge, Jacques Pellet, a déclaré que la France considérait la liberté d’expression et de la presse comme une priorité de sa politique, ajoutant que le contexte cambodgien nécessitait « une prudence renouvelée ».

Il a cité le rapport de l’Association des journalistes cambodgiens (CamboJA) publié en 2024, qui recense plus de 40 cas de harcèlement, de détention et d’autres poursuites judiciaires. Ce rapport indique que le harcèlement judiciaire est le plus fréquent : cinq journalistes ont été placés en détention provisoire, et un a été tué alors qu’il couvrait un crime environnemental. Le nombre total de cas recensés a augmenté de 28 % par rapport à 2023.

Au début de 2025, trois journalistes ont été arrêtés pour incitation, et un journaliste d’investigation environnementale britannique a été interdit de retour au Cambodge.

Témoignages sur les difficultés croissantes du métier

Prak Chan Thul, membre du conseil d’administration de CamboJA, a déclaré que le chemin vers une presse libre au Cambodge est « sans aucun doute difficile à parcourir ».

« Nous, qui nous efforçons de fournir une information impartiale au public, nous retrouvons souvent à naviguer dans un réseau complexe de pressions », a-t-il confié, ajoutant que la viabilité financière restait un obstacle majeur, car elle « menace l’existence même des voix indépendantes cherchant à rendre le pouvoir responsable ».

Hang Samphors, cheffe de l’équipe du Cambodian Female Journalist Network (CFJ), a affirmé que les restrictions pesant sur les médias indépendants rendent la tâche difficile pour les femmes journalistes, qui risquent de « perdre » leur emploi, notamment en raison du manque de financements pour soutenir leur travail.

Meas Da, ancienne pigiste pour VOA Khmer, a déclaré qu’elle faisait face à de nombreuses difficultés depuis que VOA a suspendu ses opérations au Cambodge.

« Je pense que c’est trop tôt pour fermer les opérations de VOA, et il est difficile de trouver un emploi », a-t-elle expliqué. Elle a néanmoins affirmé sa détermination à poursuivre sa carrière dans le journalisme.

Un bilan officiel en complet décalage

Le 30 avril, le ministère de l’Information a publié un rapport officiel sur la situation de la liberté de la presse, décrivant celle-ci comme « très bonne » en 2025, sur la base d’une enquête menée auprès de 467 journalistes. Les données indiquent que 81,4 % des répondants ont évalué positivement la liberté de la presse, et plus de 86 % ont déclaré qu’ils jouissaient d’une « pleine liberté » et se sentaient « en sécurité » dans l’exercice de leur métier.

Lors d’une conférence de presse, le ministre de l’Information Neth Pheaktra a affirmé que la véritable situation de la liberté de la presse au Cambodge était évaluée par les Cambodgiens eux-mêmes, et « non par des étrangers prétendant parler en leur nom ».

« Je sais que certaines organisations étrangères publieront bientôt leurs évaluations et attribueront un classement au Cambodge. C’est leur droit, mais l’espace pour la liberté de la presse au Cambodge est clairement compris par les Cambodgiens et les journalistes du pays. »

« La vérité au Cambodge n’est pas celle de ceux qui sont assis à l’étranger et formulent des prédictions ou des estimations, ou qui écoutent les rapports de certaines personnes qui ont besoin de produire des rapports pour recevoir des financements. »

« Ce qui est évalué par certains groupes selon leurs propres partis pris ou opinions personnelles relève de leurs propres affaires », a conclu Pheaktra.

L’accès aux médias restreint et les poursuites judiciaires se multiplient

De son côté, Nop Vy, directeur exécutif de CamboJA, a regretté un net recul de la liberté de la presse au Cambodge, évoquant notamment la mort du journaliste à Siem Reap et l’arrestation de Mech Dara.

« Avons-nous aujourd’hui une diversité dans notre secteur médiatique, où différentes perspectives sont publiées, y compris celles du parti d’opposition et du gouvernement ? », a-t-il demandé, ajoutant que les Cambodgiens n’avaient plus accès à Radio Free Asia, au Cambodia Daily ou encore à Kamnotra, une base de données gérée par le Cambodian Center for Independent Media, tous ayant été bloqués.

Il a précisé que les restrictions envers la presse s’étaient accrues à la suite d’incidents politiques survenus lors des élections précédentes, et par l’usage répété des articles 494 et 495 du Code pénal pour poursuivre les journalistes pour « incitation ».

« Nos droits civiques et politiques ont régressé », a-t-il déclaré, soulignant que la suppression du financement de l’USAID vers l’Agence américaine pour les médias mondiaux avait affecté la diffusion de VOA et RFA.

 « Les médias indépendants ne servent pas des intérêts individuels. »

Par Khuon Narim – CamboJA / Lepetitjournal.com – 6 mai 2025

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