Shein va construire un immense entrepôt au Vietnam pour se prémunir contre les droits de douane américains, selon certaines sources
Le détaillant de mode en ligne Shein loue un immense entrepôt au Vietnam, ont déclaré à Reuters deux personnes proches du dossier. Il s’agit du premier entrepôt de l’entreprise dans le pays, une initiative qui pourrait réduire son exposition aux tensions commerciales imprévisibles entre les États-Unis et la Chine.
Shein, qui a été fondée en Chine et vend des produits tels que des shorts de cyclisme à 5 dollars et des robes d’été à 18 dollars, a accepté de louer près de 15 hectares de terrain industriel pour un entrepôt près de Ho Chi Minh-Ville, le centre commercial et économique du Vietnam, ont déclaré les deux sources, qui ont souhaité rester anonymes car cette information n’était pas publique.
Le détaillant en ligne, qui dépend presque entièrement de fournisseurs basés en Chine pour fabriquer des vêtements destinés aux États-Unis et à d’autres marchés, s’est retrouvé pris dans l’étau d’une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis qui menace de bouleverser les chaînes d’approvisionnement mondiales, malgré une récente accalmie.
L’une des sources et une troisième personne ont déclaré que Shein cherchait à louer davantage d’espace de stockage dans le sud du Vietnam, en plus du grand entrepôt – équivalent à environ 26 terrains de football – qui servirait à stocker les vêtements et les accessoires provenant des sous-traitants avant leur exportation.
Reuters n’a pas pu déterminer d’où proviendraient les produits stockés dans l’entrepôt loué.
Le détaillant avait déjà annoncé son intention de s’approvisionner en Turquie et au Brésil, et les fournisseurs de Shein dans sa base de production traditionnelle du sud de la Chine ont déclaré à Reuters qu’ils perdaient des commandes au profit du Vietnam, certains fabricants chinois ayant ouvert des usines dans ce pays.
Shein, qui cherche à être cotée à la bourse de Londres, n’a pas répondu aux questions de Reuters concernant la location de l’entrepôt. Elle avait précédemment nié vouloir délocaliser sa production hors de Chine.
La région autour de Hô Chi Minh-Ville abrite un aéroport international, le plus grand port du Vietnam pour les importations en provenance de Chine et un autre port qui traite la plupart des exportations maritimes à destination des États-Unis.
Sous la menace de sanctions douanières américaines, le Vietnam a décidé de sévir contre certaines importations en provenance de Chine qui, selon Washington, auraient été détournées illégalement via le Vietnam vers les États-Unis afin d’échapper à des droits de douane plus élevés.
Reuters n’a pas eu accès aux détails du contrat de location de l’entrepôt et n’a pas pu déterminer si Shein serait en mesure de revoir ses plans en cas d’apaisement des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, ce qui réduirait l’intérêt d’une diversification à l’étranger.
Toutefois, compte tenu de l’instabilité actuelle de la situation, les analystes estiment que Shein n’a d’autre choix que de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine.
« Il serait dangereux pour eux de ne pas se diversifier », a déclaré Manish Kapoor, PDG et fondateur de Growth Catalyst Group, une société spécialisée dans les solutions de chaîne d’approvisionnement pour le commerce électronique.
UNE ARMÉE DE FOURNISSEURS
Le géant de la mode a constitué en Chine une formidable armée de fournisseurs capables de produire des crop tops et d’autres articles de mode éphémère pour quelques yuans pièce afin de répondre à la demande de vêtements bon marché des consommateurs de la génération Z à travers le monde.
Shein a déclaré qu’elle étendait son réseau de sous-traitants en Chine et qu’elle investissait également 10 milliards de yuans (1,37 milliard de dollars) dans des projets industriels dans le sud du pays, notamment un centre logistique de 500 millions de dollars près de Guangzhou. La première phase de ce centre, actuellement en construction, s’étendra sur environ 49 hectares, soit la taille de la Cité du Vatican.
Shein est devenu un géant qui vend plus de 30 milliards de dollars de marchandises par an grâce à des prix bas et à des règles commerciales avantageuses, telles que l’exemption « de minimis » américaine qui permet l’entrée en franchise de droits de douane pour les importations à bas prix d’une valeur inférieure ou égale à 800 dollars.
L’administration Trump a supprimé cette exemption pour les produits chinois le 2 mai, exposant ainsi les colis de Shein à une taxe de 120 %, avant que l’accord conclu entre les États-Unis et Pékin en début de semaine ne réduise les droits de douane à 54 % sur les colis d’une valeur inférieure ou égale à 800 dollars, et à 30 % pour les envois commerciaux de faible valeur.
Le dégel entre les États-Unis et la Chine a suscité des inquiétudes dans les pays qui bénéficiaient de ces tensions, mais les droits de douane actuellement imposés par les États-Unis à Pékin permettent au Vietnam de rester compétitif, car les envois en provenance de ce pays voisin de la Chine continuent de bénéficier d’une exemption de droits de douane s’ils ont une valeur inférieure ou égale à 800 dollars.
Ce répit pourrait toutefois être de courte durée. M. Kapoor indique qu’il conseille à ses clients de ne pas compter sur les importations « de minimis » en drop shipping, quelle que soit leur provenance, comme élément central de leur stratégie logistique.
« Nous conseillons à nos clients de s’attendre à ce que cette exemption « de minimis » disparaisse complètement [d’ici peu] », a-t-il déclaré.
Les autres exportations du Vietnam vers les États-Unis sont soumises à un droit de douane de 10 % jusqu’en juillet, date à laquelle ce droit passera à 46 % si Hanoï ne parvient pas à trouver un accord avec la Maison Blanche.
Par Francesco Guarascio & Casey Hall – Reuters – 15 mai 2025