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Le Cambodgien Ma Chettra dénonce la déforestation

Menacé de poursuites, Ma Chettra persiste à dénoncer les crimes environnementaux dans un sanctuaire protégé du nord du Cambodge.

Un militant écologiste cambodgien dans le viseur des autorités

Malgré des menaces de poursuites judiciaires, l’activiste environnemental Ma Chettra poursuit ses efforts pour alerter sur la déforestation illégale dans une zone protégée de la province de Preah Vihear, au nord du Cambodge. Les pressions se sont accrues après son entretien avec Radio Free Asia, durant lequel il a évoqué une patrouille communautaire ayant permis de collecter des preuves de crimes forestiers au sein du sanctuaire de faune de Preah Roka.

Dans un communiqué publié le 10 mai, le Département de l’environnement de Preah Vihear a accusé Chettra et son groupe de mener des « activités illégales dans une zone protégée sans autorisation » et de « diffuser de fausses informations destinées à inciter et troubler l’ordre public à des fins politiques au profit d’individus vivant à l’étranger ». Le département a également annoncé son intention de prendre des mesures légales contre les personnes et groupes impliqués, appelant les médias à ne pas relayer ce qu’il qualifie de « fausses informations ».

« Je ne me tairai pas tant que les crimes forestiers continuent »

Interrogé par CamboJA News, Chettra a fermement défendu l’authenticité de ses accusations : « Les informations que j’ai partagées reflètent la vérité sur le terrain. » Il affirme que s’il venait à être poursuivi, cela démontrerait le manque d’intérêt des autorités pour la protection des ressources naturelles.

« J’espère que le chef du gouvernement examinera cette affaire avec sérieux. Comme je l’ai déjà dit, les faits que j’ai révélés sont vrais », a-t-il insisté. Âgé de 34 ans, Chettra milite pour l’environnement depuis 2014, notamment dans la vallée d’Areng, dans les Monts Cardamomes.

Il a appelé les autorités à enquêter sur les soupçons de corruption au niveau local, qu’il estime être au cœur de la poursuite des destructions forestières : « Le problème principal, c’est la corruption. Je soupçonne certains fonctionnaires de connivence avec les trafiquants de bois », a-t-il déclaré.

Une patrouille communautaire documente plus de 300 délits forestiers

Du 5 au 7 mai 2025, Chettra a pris part à une patrouille de trois jours dans le sanctuaire de Preah Roka, aux côtés de membres de la communauté indigène Kuy de Prame. Le rapport qu’ils ont publié documente 334 cas de délits forestiers, incluant l’abattage de petits et grands arbres, la découverte de camps de bûcherons, de tronçonneuses, et de grumes coupées allant de 25 à 178 centimètres de diamètre.

Kak Phearithmasy, un habitant Kuy ayant participé à la patrouille, s’est dit déçu de la réaction des autorités : « Je pense que les responsables environnementaux nient les faits pour ne pas nuire à la réputation de leurs supérieurs. Révéler une déforestation massive ternit aussi l’image de la nation. » Il soutient pleinement le rapport produit par la communauté et affirme que les preuves recueillies sont claires.

Des experts appellent à des enquêtes impartiales

Ok Serei Sopheak, analyste en bonne gouvernance, a exhorté le gouvernement à enquêter sérieusement avant de tirer des conclusions : « À l’ère numérique, vérifier si des photos sont récentes ou anciennes n’est pas difficile. Si les images sont vieilles, leur auteur doit être tenu responsable. Mais si elles sont récentes, une enquête impartiale s’impose. »

Sur sa page Facebook, il a mis en garde contre toute tentative de museler la presse : « Interdire aux médias de couvrir cette affaire avant la fin d’une enquête approfondie est une forme d’intimidation, qui ne fera que renforcer les soupçons du public. »

San Mala, responsable du plaidoyer au sein de l’ONG Partnership for Environment, partage cet avis : « Au lieu de publier des communiqués pour nier la réalité, les autorités devraient rencontrer les activistes et les communautés locales qui ont mis au jour ces crimes forestiers. »

Il déplore que les défenseurs de l’environnement ne puissent exercer pleinement leurs droits et libertés, certains étant même exposés à des arrestations. En 2024, dix activistes écologistes ont été condamnés au Cambodge, leur militantisme ayant été jugé criminel par les tribunaux.

Les autorités demandent des précisions, mais gardent le silence sur les poursuites

Mouen Sophet, directeur du Département de l’environnement de Preah Vihear, a réclamé les coordonnées précises (points UTM) correspondant aux 334 cas signalés par la communauté, afin de pouvoir les vérifier. « J’ai besoin des points UTM pour valider ces informations. Nous devons comprendre la procédure », a-t-il déclaré. Il n’a toutefois pas souhaité répondre sur les poursuites envisagées contre Ma Chettra : « Attendez nos conclusions », a-t-il simplement dit.

De son côté, le porte-parole du ministère de l’Environnement, Kvay Atitya, a renvoyé aux déclarations officielles du ministre Eang Sophalleth, lequel aurait demandé aux directeurs provinciaux de renforcer l’application des lois et de redoubler d’efforts pour prévenir les crimes environnementaux dans les zones protégées.

Le porte-parole du gouvernement, Pen Bona, a refusé de commenter, redirigeant les journalistes vers le ministère de l’Environnement.

Par Khuon Narim – CamboJA News / Lepetitjournal.com – 16 mai 2025

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