« La Chine joue un double jeu en Birmanie »
La Chine a d’importants intérêts économiques et stratégiques en Birmanie et tente d’avancer ses pions dans ce pays en guerre depuis des années.
La Chine, principal partenaire commercial de la Birmanie, partage une frontière de plus de 2000 km avec son voisin. Pékin « veut de la stabilité à sa frontière », relève dans Géopolitis Antoine Védeilhé, journaliste et réalisateur, auteur de plusieurs reportages en Birmanie. « La Chine a besoin de continuer à commercer. La Birmanie est sur le tracé des fameuses Nouvelles routes de la soie, chères au président chinois Xi Jinping. Et donc, la Chine a besoin d’un régime stable et d’un régime en place qui lui est favorable pour continuer ses affaires dans la région. »
Certains intérêts et investissements chinois se retrouvent désormais au cœur de zones de combats entre la junte birmane et les factions rebelles. C’est le cas aussi de nombreuses ressources naturelles comme le nickel, le cuivre, le jade, le rubis et surtout les terres rares dont la Birmanie est le troisième producteur mondial, après la Chine et les Etats-Unis.
Route stratégique
La Birmanie est un point de passage crucial pour Pékin, dont l’objectif est de diminuer sa dépendance au détroit de Malacca, couloir stratégique pour le commerce maritime mondial et les hydrocarbures.
Le corridor économique Chine-Birmanie prévoit notamment de relier Kunming, la capitale de la province du Yunnan, au port en eaux profondes de Kyaukpyu – également point de départ d’oléo- et gazoducs indispensables à la sécurité d’approvisionnement énergétique de la Chine. Ce couloir permettrait à la Chine de gagner un accès direct à l’océan Indien.
La Chine, principal partenaire commercial de la Birmanie, partage une frontière de plus de 2000 km avec son voisin. Pékin « veut de la stabilité à sa frontière », relève dans Géopolitis Antoine Védeilhé, journaliste et réalisateur, auteur de plusieurs reportages en Birmanie. « La Chine a besoin de continuer à commercer. La Birmanie est sur le tracé des fameuses Nouvelles routes de la soie, chères au président chinois Xi Jinping. Et donc, la Chine a besoin d’un régime stable et d’un régime en place qui lui est favorable pour continuer ses affaires dans la région. »
Certains intérêts et investissements chinois se retrouvent désormais au cœur de zones de combats entre la junte birmane et les factions rebelles. C’est le cas aussi de nombreuses ressources naturelles comme le nickel, le cuivre, le jade, le rubis et surtout les terres rares dont la Birmanie est le troisième producteur mondial, après la Chine et les Etats-Unis.
La Chine est un soutien important pour la junte birmane. C’est leur deuxième fournisseur d’armes, avec des ventes pour 267 millions de dollars d’équipements militaires depuis le coup d’Etat de 2021. « La Chine joue très clairement un double jeu », relève Antoine Védeilhé. « D’un côté, c’est un allié fidèle des militaires au pouvoir en Birmanie. La Chine procure à la junte des armes lourdes, des avions qui lui permettent de mener sa guerre contre les groupes rebelles. Et dans le même temps, la Chine a armé certains groupes ethniques qui combattent la junte le long de la frontière chinoise. »
Un voisin déstabilisé
La Birmanie connaît des insurrections armées depuis de nombreuses années, mais le conflit a pris une nouvelle dimension depuis le putsch de 2021. Le 1er février de cette année-là, l’armée renverse le gouvernement civil et arrête sa dirigeante de facto, la Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, alors que son parti venait de remporter les élections.
Des centaines de milliers de Birmans sortent dans les rues pour réclamer sa libération et une Birmanie démocratique. Face à la violence de la répression, certains manifestants décident de se tourner vers la lutte armée et forment au cours des mois des groupes de combat contre la junte. En plus de ces milices rebelles créées à la suite du putsch, la Birmanie compte plusieurs groupes armés liés à différentes ethnies, actifs de longue date dans le pays. Certains de ces groupes coopèrent et se coordonnent dans leurs combats contre la junte qui contrôlerait moins de 30% du territoire birman, dont les trois plus grandes villes du pays.
Intérêts chinois
« Au mois de janvier, la Chine a organisé, sur son sol à Kunming dans la province du Yunnan, des pourparlers de paix entre la junte et certains groupes armés ethniques. Donc, d’un côté, elle livre aux deux parties de quoi se faire la guerre et de l’autre, elle les réunit autour de la table pour faire la paix. Mais c’est assez logique finalement, si on connait la Chine et les intérêts chinois dans la région », souligne Antoine Védeilhé. Le conflit menace de mener à une « balkanisation » de la Birmanie, selon le journaliste, « avec un pays complètement fracturé et dirigé par différents groupes armés ». Un scénario que les autorités chinoises veulent éviter.
Par Elsa Anghinolfi & Natalie Bougeard – Radio Télévision Suisse – 17 mai 2025
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