Vietnam : World Press Photo doute de l’identité de l’auteur du cliché de la «petite fille au napalm»
Le concours World Press Photo a annoncé vendredi qu’il ne considérait plus le photographe américano-vietnamien Nick Ut comme l’auteur de « La petite fille au napalm », l’un des clichés les plus emblématiques de l’histoire, après la diffusion d’un documentaire qui a semé le doute.
Une petite fille vietnamienne gravement brûlée court nue sur une route après un bombardement au napalm à Trang Bang, dans le sud du pays, en 1972. Ce célèbre cliché en noir et blanc avait contribué à changer la perception mondiale de la guerre du Vietnam et demeure plus de 50 ans plus tard un symbole de ses horreurs.
Le photographe américano-vietnamien de l’agence de presse américaine Associated Press (AP), Huynh Cong Ut, plus connu sous le nom de Nick Ut, avait reçu un prix Pulitzer et un prix World Press Photo, en 1973, pour cette image emblématique.
Mais en janvier, un documentaire intitulé The Stringer a attribué la photo à un journaliste pigiste vietnamien, Nguyen Thanh Nghe, interviewé dans le film. Dans ce film, Carl Robinson, à l’époque éditeur photo à Saïgon pour AP, assure avoir menti et modifié la légende de l’image sur ordre de son rédacteur en chef, Horst Faas. « Nick Ut m’a accompagné sur le terrain. Mais ce n’est pas lui qui a pris cette photo… C’est moi », affirme Nguyen Thanh Nghe.
Le documentaire « a suscité une profonde réflexion au sein de World Press Photo », a indiqué le concours dans un communiqué vendredi 16 mai. À l’issue de sa propre enquête menée entre janvier et mai, World Press Photo a décidé de « suspendre l’attribution de « The Terror of War » (« La petite fille au napalm ») à Nick Ut ». « D’après l’analyse du lieu, de la distance et de l’appareil photo utilisé ce jour-là, les photographes Nguyen Thanh Nghe ou Huynh Cong Phuc étaient peut-être mieux placés que Nick Ut pour prendre la photo », a expliqué le concours.
AP a annoncé début mai qu’elle continuerait de créditer Nick Ut pour la photo, tout en concédant que sa propre enquête avait soulevé « des questions importantes, auxquelles nous ne pourrons peut-être jamais répondre ». Dans son rapport de 97 pages, elle en avait conclu qu’« il n’y a pas de preuve définitive, selon (ses) standards, pour modifier le crédit de cette photo de 53 ans ».
« L’analyse visuelle approfondie d’AP, des entretiens avec les témoins et l’examen de toutes les photos disponibles prises le 8 juin 1972 montrent qu’il est possible qu’Ut ait pris cette photo. Aucun de ces éléments ne prouve que quelqu’un d’autre l’a fait », indiquait un communiqué de l’agence de presse.
Preuve impossible
« Il n’y a aucune preuve que Nguyen [Thanh Nghe] a pris la photo », avait estimé l’agence américaine dans son rapport, tout en disant « rester ouverte à la possibilité que Ut n’a pas pris cette photo ». « Nous avons constaté qu’il est impossible de prouver exactement ce qui s’est passé ce jour-là, sur la route ou au bureau, il y a plus de 50 ans », a résumé AP dans un communiqué vendredi.
Dans un message publié sur Facebook en février, Nick Ut a insisté sur le fait que l’image était bien la sienne.
World Press Photo a insisté sur le fait que l’authenticité de la photo n’était absolument pas remise en cause, ni le prix décerné. « Il est important de préciser que la photo elle-même est incontestée et qu’elle représente sans aucun doute un moment historique réel qui continue de résonner au Vietnam, aux États-Unis et dans le monde entier », a déclaré Joumana El Zein Khoury, directrice exécutive du concours. Quant à l’identité de l’auteur de la photo, elle ne sera peut-être jamais établie avec certitude, selon le World Press Photo.
« La petite fille au napalm », Kim Phuc Phan Thi, a survécu à ses blessures et a ensuite quitté son pays pour le Canada, dont elle a acquis la nationalité.
Radio France Internationale – 17 mai 2025
Articles similaires / Related posts:
- Cinquante ans après, Nick Ut, l’auteur de la photo « Napalm Girl », raconte l’horreur de la guerre du Vietnam Nick Ut retrace dans le « Washington Post » cette journée du 8 juin 1972 où il a assisté impuissant au bombardement au napalm d’un village près de Saïgon. Un drame qui a provoqué sa rencontre avec Kim Phuc, la petite fille avec laquelle il n’a jamais perdu contact....
- Hommages après la mort du photographe Tim Page, célèbre pour sa couverture de la guerre du Vietnam D’anciens confrères de Tim Page, légendaire photographe de la guerre du Vietnam, ont salué la carrière d’un « mentor » et d’un « talent extraordinaire » après sa disparition mercredi en Australie à l’âge de 78 ans, des suites d’un cancer....
- Marc Riboud, Vietnam 1966-1976 : l’exposition photo au musée Guimet Le musée Guimet commémore les 50 ans de la fin de la guerre du Vietnam avec une exposition photo. Découvrez le Vietnam à travers l’objectif de Marc Riboud, du 5 mars au 12 mai 2025....
- Qui a pris la célèbre photo de la « petite fille au napalm » ? Controverse autour de l’identité du photographe La célèbre photographie de la guerre du Vietnam, attribuée au photographe Nick Ut, aurait été prise par le journaliste pigiste vietnamien, Nguyen Thanh Nghe, selon un documentaire. L’agence Associated press a démenti...
- Paris : une décennie du Vietnam (1966-1976) à travers l’objectif de Marc Riboud Une exposition exceptionnelle au cœur de Paris intitulée « Marc Riboud – Photographies du Vietnam 1966-1976 », plonge les visiteurs dans une décennie marquée par la guerre et la résilience humaine au Vietnam....