Face au cancer, le Cambodge renforce ses contrôles alimentaires aux frontières
Le Cambodge lance un plan national anticancer et durcit ses contrôles sur les aliments importés, soupçonnés d’aggraver la crise sanitaire.
Un Cambodgien meurt du cancer toutes les 40 minutes
Le Premier ministre Hun Manet a récemment tiré la sonnette d’alarme : toutes les 40 minutes, un Cambodgien succombe au cancer, soit environ 38 décès par jour. Cette réalité dramatique a été révélée lors du lancement du Plan national de lutte contre le cancer 2025-2030, soulignant la progression rapide de cette maladie dans le pays.
Le chef du gouvernement a ordonné un renforcement immédiat des contrôles sur les viandes et légumes importés et a appelé à une meilleure éducation de la population sur la prévention. Selon le ministre de la Santé, Chheang Ra, le Cambodge enregistre chaque année environ 20.000 nouveaux cas de cancer et 14.000 décès. Près de 75 % des patientes atteintes d’un cancer du col de l’utérus consultent à un stade avancé, réduisant considérablement leurs chances de survie.
Les maladies non transmissibles (MNT), telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires ou le diabète, représentent 64 % de la mortalité au Cambodge. Une personne sur quatre meurt avant l’âge de 70 ans.
Des aliments contaminés dans le viseur des autorités
Ouch Vuthy, président de la Virtuous Medical Association, alerte sur les risques pour la santé liés à la consommation de produits contaminés : légumes, poissons, viandes et fruits importés sans inspection rigoureuse, mais aussi l’usage quotidien de plastique pour emballer les aliments.
« Les légumes, poissons et viandes congelées contenant des produits chimiques affectent la santé. Le cancer est une maladie non transmissible. Pour se protéger, il faut changer nos habitudes et être très attentif à l’origine des aliments », a-t-il déclaré à CamboJA News.
Il plaide pour un durcissement des lois encadrant les importations alimentaires, en particulier les viandes congelées, et appelle les citoyens à plus de vigilance.
Le Cambodge importe davantage de légumes que de viande
Khim Finan, porte-parole du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, affirme que des mesures sont déjà en place pour protéger la santé publique, en coopération avec la Direction générale des douanes et accises (GDCE) et le ministère du Commerce (MoC).
Il reconnaît que le Cambodge importe beaucoup plus de légumes que de viandes, principalement depuis les pays voisins. En 2020, la consommation quotidienne de légumes s’élevait à 573 tonnes, dont 400 produites localement. Le reste provient du Vietnam, de Thaïlande et de Chine.
Substances toxiques dans les fruits importés
En février, le Conseil des ministres a exigé du MoC un renforcement immédiat de ses capacités d’analyse pour détecter le Basic Yellow 2 (ou Auramine O) et le Cadmium, deux produits chimiques retrouvés dans des durians importés de Thaïlande et du Vietnam.
Ces substances sont classées cancérigènes par l’Organisation mondiale de la santé. La Chine a récemment refusé l’entrée sur son territoire de plusieurs cargaisons contaminées, obligeant la Thaïlande à enterrer plus de 67 tonnes de durians.
Pen Sovicheat, porte-parole du MoC, a indiqué que son ministère a émis des avertissements, renforcé les prélèvements d’échantillons sur les marchés et rappelé l’importance des lois sur la sécurité alimentaire et la protection du consommateur. Il assure que seuls quelques commerçants corrompus sont impliqués, la majorité des entreprises enregistrées respectant la législation.
En 2024, plus de 230 tonnes de viande congelée non conforme ont été saisies et détruites par la Direction générale de la protection des consommateurs.
Un appel à une application rigoureuse des lois
Srun Pav, président de l’Association des éleveurs du Cambodge, estime que la rigueur dans l’application de la loi est indispensable, notamment aux nombreux postes-frontières secondaires. « Il existe des failles dans les contrôles. Il faut renforcer la surveillance pour protéger les vies humaines », a-t-il déclaré.
Im Sopheak, agriculteur à Battambang, juge les contrôles nécessaires mais insiste sur leur efficacité réelle. « Nos produits locaux ont probablement moins de produits chimiques que ceux importés », affirme-t-il.
De son côté, Kun Nhim, directeur général des douanes, rappelle que son administration travaille avec le MoC pour restreindre les importations dangereuses. Il affirme que certaines cargaisons de viande avariée ont été brûlées et que les contrôles aux frontières thaïlandaises sont renforcés. Des discussions sont en cours concernant les durians en provenance du Vietnam.
Développer la production locale pour réduire les risques
Heng Chengly, président de l’Association Bek An Lung Durian, déplore les importations massives de durians traités chimiquement. Il appelle à des contrôles plus stricts pour protéger la santé publique et soutenir les producteurs locaux.
« Certains postes-frontières sont bien surveillés. Mais ailleurs, il faut des mesures plus fermes. Cela impacte non seulement la santé, mais aussi l’économie des agriculteurs cambodgiens », a-t-il averti.
La loi sur la sécurité alimentaire, adoptée en 2022, impose des sanctions sévères pour la vente de produits dangereux ou mal étiquetés. Elle régule l’ensemble de la chaîne, de l’emballage à la vente, en passant par le transport.
Les attentes de la population
Khen Davy, résidente de Phnom Penh, exprime son inquiétude face à l’origine incertaine de certains produits sur les marchés. Elle souhaite des mesures plus fortes et un soutien au développement agricole local.
« Beaucoup de gens le demandent, mais on ne sait pas si les ministères agiront vraiment. Avec une meilleure gestion, on peut réduire le problème », dit-elle. Elle appelle à favoriser la production locale pour limiter les importations et mieux répondre aux besoins des citoyens.
Par Sovann Sreypich – CamboJA News / Lepetitjournal.com – 22 mai 2025
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