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Accord inédit, produits chinois réexpédiés taxés… ce que nous apprend le deal entre le Vietnam et les Etats-Unis sur les droits de douane

Le Vietnam et les Etats-Unis s’entendent et enterrent la hache de guerre tarifaire. Une rare victoire pour Donald Trump sur le front commercial. À valeur d’exemple ?

Le Vietnam est-il devenu le modèle d’accord que Donald Trump recherche pour les États-Unis avec ses partenaires commerciaux ? Mercredi, le bouillant président américain a annoncé triomphalement s’être entendu avec l’économie asiatique la plus dynamique du moment. « Le Vietnam fera quelque chose qu’il n’avait jamais fait auparavant, donner aux États-Unis un ACCÈS TOTAL à ses marchés pour commercer », a-t-il claironné sur son réseau Truth Social.

En échange de la levée des barrières tarifaires, les produits made in Vietnam seront frappés de « seulement » 20 % de droits de douane (contre 46 % prévus à l’origine) à l’entrée du marché américain. Précision importante : les produits made in China réexportés depuis le Vietnam subiront, eux, un droit de douane de 40 %. Reste à définir ce qu’est un produit d’origine « chinoise », et comment le contrôler de manière satisfaisante pour Washington.

Le Vietnam, un des rares pays à avoir signé un accord avec les Etats-Unis

L’enjeu de cet accord était de taille pour plusieurs raisons. En quelques années, le déficit commercial américain avec le Vietnam est devenu abyssal : il est passé entre 2020 et 2024 de 70 à 123 milliards de dollars, soit le double des déficits actuels avec le Japon (-68 milliards en 2024) et la Corée du Sud (-66 milliards). Un rythme de progression insupportable pour Donald Trump, qui a fait de cet indicateur sa bête noire. Mais cette victoire est aussi importante par son caractère… inédit. Le 2 avril, appelé « jour de la Libération », le locataire de la Maison Blanche avait annoncé une volée de droits de douane exorbitants ; mais il escomptait que la réaction à ce choc serait une série d’accords express, signés par des nations abasourdies.

« 90 accords en 90 jours ! », promettait son médiatique conseiller économique Peter Navarro. Las ! Aujourd’hui, à quelques jours de la fin de la « pause » avant l’application de ses droits de douane (prévu le 9 juillet), le bilan est chiche : seule la Grande-Bretagne s’est entendue avec les Etats-Unis, dans le cadre d’un accord à la portée très limitée. Union européenne, Canada, Corée du Sud, Thaïlande et les autres traînent tous des pieds. Même le Japon, pourtant d’ordinaire docile, a refusé les conditions américaines. Dans un tel paysage, un accord avec le Vietnam est (très) bon à prendre.

« Gare à l’effet « chacun pour soi » »

Mais c’est surtout dans ses détails que l’accord entre les Etats-Unis et le Vietnam est intéressant, car il préfigure sans doute la suite des négociations. Le montant des droits de douane, par exemple. Nombre de marques américaines qui ont délocalisé leur production au Vietnam étaient affectées négativement par la politique tarifaire agressive de Donald Trump. Dans son dernier rapport annuel, Nike par exemple révèle que 50 % de ses chaussures et 28 % de son habillement sont produits au Vietnam. 20 % de droits de douane semblent un taux absorbable pour des marques de ce type, dont les titres ont grimpé en Bourse à l’annonce de l’accord. Reste que ce montant, plus largement, « est le double des 10 % qu’on pensait être le standard des accords commerciaux. Cette escalade n’est pas relevée par les marchés, mais elle place la barre haute pour les accords futurs », avertit Chris Poh, économiste Asie-Pacifique de BNP Paribas dans une note.

Par ailleurs, l’imposition de droits de douane de 40 % sur les produits chinois réexpédiés depuis le Vietnam lève le voile sur la stratégie Trump envers la Chine. Depuis le Covid-19, la plupart des industriels ne mettent plus leurs œufs dans le même panier chinois et ont adopté une stratégie « China plus 1 ». Le Vietnam, la Malaisie, et la Thaïlande sont devenus des bases complémentaires pour eux. Or l’administration Trump les engage à couper tout lien avec la Chine, dans une sorte de revirement qu’on pourrait titrer « 1 minus China ». « L’accord Vietnam-Etats-Unis semble un bon accord. La question des droits de douane de 40 % sur les frais de réexportation devra être précisée, car elle concerne d’importants flux. Et quid des taux appliqués à d’autres pays comme la Thaïlande, l’Indonésie ou les Philippines, qui sont les principaux concurrents du Vietnam sur le marché américain », s’interroge Jean-Charles Belliol, conseiller du commerce extérieur français à Hanoï. « Gare à l’effet « chacun pour soi ». Les pays d’Asie présentent des similitudes dans leurs secteurs manufacturiers, et se surveilleront. Par exemple, la Malaisie devra veiller à ce que le taux tarifaire qu’elle obtiendra ne défavorisera pas ses exportations par rapport à celles de la Thaïlande ou celles d’autres pays concurrents », prévient Chris Poh.

Par Régis Arnaud – Challenges – 4 juillet 2025

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