Guerre commerciale : le Vietnam limite les dégâts avec les États-Unis
Le Vietnam est le premier pays asiatique à signer un accord commercial avec les États-Unis pour éviter les lourdes sanctions tarifaires annoncées le 2 avril dernier par Washington à l’égard du monde entier. L’accord est fortement asymétrique au détriment du Vietnam mais Hanoï parvient à réduire à 20% (contre 46%) les droits sur les exportations vietnamiennes. Cet accord crée un précédent et une contrainte pour les autres pays d’Asie en train de négocier avec la Maison Blanche. Il impacte aussi l’Union européenne.
Le gouvernement vietnamien était sous très forte pression depuis le 2 avril dernier pour éviter de subir une augmentation de 46% des droits de douane sur les exportations du pays vers les États-Unis, un seuil qui était l’un des plus élevés d’Asie.
La dépendance du pays aux exportations en général, et aux ventes sur le marché américain en particulier, est extrêmement forte, avec un seuil d’exportations vers les États-Unis/PIB de 25% en 2024, contre seulement 3% pour la Chine. Les négociateurs vietnamiens ne pouvaient pas se permettre d’échouer.
L’accord obtenu par Hanoï est clairement asymétrique puisque les exportateurs américains pourront vendre à droit zéro sur le marché vietnamien tandis que les exportateurs vietnamiens acquitteront une taxe de 20%, deux fois supérieure aux 10% que les États-Unis appliquent déjà au monde entier. C’est clairement une aubaine pour certains secteurs de l’économie américaine, en particulier l’agriculture, l’agroalimentaire et l’automobile, jusqu’à présent très taxés à l’entrée sur le marché vietnamien.
Effet ricochet sur le reste de l’Asie
Une clause de l’accord entre les deux pays concerne potentiellement l’ensemble des chaînes de valeur asiatiques. Il s’agit de la taxation à 40% des produits transitant par le territoire vietnamien avant d’être exportés vers les ̢États̢-Unis. On sait que le Vietnam joue, comme la Chine, un rôle de « tête de pont » des exportations asiatiques en concentrant de nombreuses chaînes d’assemblages finales à partir de composants importés du reste de l’Asie. La clause prévue dans l’accord ̢̢va poser la question du calcul de la règle d’origine. A partir de quel seuil de transformation locale pourra-t-on considérer que les exportations vietnamiennes ont bien une origine Vietnam et ne constituent pas des produits en transit ? Les seuils une fois définis par produit ou par secteur, comment ces règles seront-elles appliquées et contrôlées ?
Cette question est très importante pour bon nombre d’investisseurs chinois qui ont implanté des usines d’assemblage au Vietnam avec l’objectif de contourner les restrictions imposées par Washington aux produits chinois. Ces derniers entrent actuellement directement aux États-Unis avec des droits de douane de 30% depuis l’accord US-Chine signé en mai. D’autres grands investisseurs sont également concernés, notamment les Coréens et les Japonais. Si ces pays n’obtiennent pas d’accord bilatéral avec les États-Unis (le Japon semble en difficulté), ils risquent de voir leurs exportations transitant par le Vietnam vers le marché américain taxées au taux prohibitif de 40%.
Un autre effet ricochet concerne la concurrence au sein de l’Asean. Les Philippines par exemple sont menacés de droits réciproques limités à 17% pour leurs exportations vers les États-Unis. C’était un avantage comparatif par rapport aux taux beaucoup plus élevés auxquels faisaient face le Vietnam, la Thaïlande ou le Cambodge. Les 20% obtenus par Hanoï réduisent très fortement l’écart avec Manille, et il devient impératif pour les négociateurs philippins d’obtenir un « deal » qui leur redonnerait un avantage comparatif dans la localisation des investissements étrangers au sein de l’Asean.
L’Union européenne sera-t-elle le dindon de la farce ?
L’accord obtenu par Washington en trois mois de négociations pose la question de l’avenir de l’accord de libre-échange UE-Vietnam. La Commission européenne avait mis huit ans à négocier cet accord, qui est mis en œuvre depuis 2020, mais avec des réductions de droits de douane progressives jusqu’en 2030 pour les produits entrant au Vietnam. Les exportateurs européens vont donc se trouver dans une position concurrentielle défavorable sur le marché vietnamien vis-à-vis de leurs concurrents américains, alors même que l’accord UE-Vietnam a surtout profité aux exportations vietnamiennes, avec un excédent commercial bilatéral au profit du Vietnam qui a progressé de 50% depuis 2020.
La Commission européenne va donc devoir prendre son bâton de pèlerin et exiger un alignement des conditions d’accès au marché vietnamien sur celles obtenues par Washington.
Par Hubert Testard – AsiaLyst – 4 juillet 2025
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