Cambodge : trois sites de mémoire du génocide des Khmers rouges inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco
L’ancienne prison M-13, le musée du génocide de Tuol Sleng – ancien centre S-21 – et le centre d’exécution de Choeung Ek, tous situés autour de Phnom Penh, ont été inscrits ce vendredi 11 juillet au patrimoine mondial de l’Unesco.
Trois sites de mémoire du génocide perpétré par les Khmers rouges au Cambodge ont rejoint la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, vendredi 11 juillet. Il s’agit de l’ex-prison S-21 – qui abrite aujourd’hui le musée Tuol Sleng, le plus grand consacré aux atrocités commises sous Pol Pot – où le régime a pratiqué la torture entre 1975 et 1979, le mémorial de Choeung Ek, surnommé « les champs de la mort », et l’ancienne prison M-13. Les deux premiers sont situés à Phnom Penh, le troisième dans la province de Kampong Chhnang, au nord-ouest de la capitale.
« L’inscription sur la liste du patrimoine mondial des sites mémoriaux cambodgiens, passant de centres de répression à des lieux de paix et de réflexion, n’est pas seulement une reconnaissance d’un site, mais aussi d’une histoire douloureuse et surtout de l’extraordinaire résilience des peuples cambodgiens », a réagi le Premier ministre Hun Manet dans une vidéo enregistrée retransmise à la télévision publique TVK.
Liés par l’horreur, par l’histoire et par l’impératif de mémoire, ces trois lieux témoignent de l’un des génocides les plus marquants du XXe siècle. En moins de quatre ans, plus d’un quart de la population cambodgienne a été affamé, torturé ou massacré par le régime khmer derrière lequel se trouvait l’organisation communiste de l’Angkar Loeu, « l’organisation suprême ».
Ayant décidé de lancer une politique de purification sociale brutale, celle-ci impose alors progressivement l’élimination de la famille, l’abolition de l’argent et de la religion – près de 60 000 moines bouddhistes seront exécutés –, et bouleverse jusqu’au langage et aux rapports sociaux et humains. Pol Pot, chef du régime des Khmers rouges, veut ramener la millénaire civilisation khmère à « l’année zéro » où il n’y a plus de place pour l’individu. Il veut retourner à « la pureté originelle du grain de riz ».
En 2018, la justice internationale reconnait le génocide
En 2018, un tribunal international parrainé par l’ONU a reconnu la qualification de « génocide » pour des actes perpétrés par le régime khmer entre 1975 et 1979. Une décision attendue depuis près de 40 ans. À cette occasion, Khieu Samphan, chef de l’État du Kampuchea démocratique, est reconnu coupable de « génocide contre les Vietnamiens », tout comme Nuon Chea, l’idéologue du régime décrit comme le bras droit de Pol Pot, également reconnu coupable de génocide contre la communauté musulmane cham.
Aujourd’hui encore, les traces du régime khmer sont visibles dans chacun de ces trois sites. Isolée dans la jungle, l’ex-prison M-13 fut le premier centre d’expérimentation de la torture. S-21, également connu sous le nom de prison de Tuol Sleng, en plein cœur de Phnom Penh, était une ancienne école transformée en centre de détention, d’interrogatoire et d’extermination. Plus de 18 000 personnes y ont été emprisonnées avant d’être exécutées. À une vingtaine de kilomètres de là enfin, à Choeung Ek, les victimes étaient conduites sur un ancien verger devenu champ d’exécution, où reposent toujours des milliers d’ossements humains.
Renforcer le travail de mémoire
Ces lieux sont aujourd’hui des musées, mais aussi des espaces de recueillement. Ils remplissent un rôle éducatif essentiel pour les jeunes générations et ont contribué à établir les responsabilités lors des procès des anciens dignitaires du régime.
Le Cambodge espère qu’un classement au patrimoine mondial de l’Unesco permettra de renforcer le travail de mémoire, de soutenir la quête de justice, et d’assurer la transmission de cette histoire, pour qu’elle ne sombre jamais dans l’oubli – et surtout, pour qu’elle ne se répète jamais.
Radio France Internationale – 12 juillet 2025
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