Ravagée par la guerre civile, la Birmanie est devenue un narco-État
En Birmanie, la culture du pavot bat tous les records. Malgré une légère baisse, le pays conserve sa place de premier producteur mondial d’opium devant l’Afghanistan, où la production s’est effondrée suite au retour des talibans au pouvoir.
Depuis le coup d’État militaire, il y a plus de quatre ans, le pays est en proie à la guerre civile. L’ampleur de la production de drogue est étroitement liée à ce conflit armé qui oppose la junte birmane à une multitude de groupes ethniques armés, en particulier dans la région du Triangle d’or, où fleurissent culture de l’opium et trafic en tout genre.
La guerre s’éternise, entraînant avec elle un appauvrissement généralisé de la population, et des dizaines de milliers de déplacés. Plusieurs États birmans traditionnellement tournés vers la production d’opium depuis la période coloniale ont choisi de revenir à la culture du pavot, notamment dans le Triangle d’Or et son centre névralgique l’État Shan, pauvre et isolé, frontalier du Laos, de la Chine et de la Thaïlande, qui y consacre 88% de sa superficie.
L’ONUDC, l’agence onusienne contre la drogue et le crime, relève que malgré une légère baisse, la quantité d’opium produite l’an dernier avoisine les niveaux les plus élevés enregistrés, il y a plus de vingt ans. La production reste très inégale selon les régions : -10% dans l’État Kachin contre + 18% dans l’État Chin, frontalière avec l’Inde.
Malgré une baisse des prix – environ 304 dollars le kilo – la production de l’opium constitue l’une des plus importantes sources de revenus pour les belligérants et les mafias régionales.
Toujours selon l’ONUDC, les gains tirés de la production d’opium et d’héroïne sont estimés entre 522 millions et près d’un milliard et demi d’euros. Ces revenus permettent au régime militaire d’acheter des armes de plus en plus sophistiquées et aux groupes insurgés de résister et de financer leurs opérations contre la junte.
Selon les experts, des alliances existent depuis longtemps entre des officiers militaires birmans de haut rang, des groupes armés ethniques, des réseaux criminels locaux et le Sam Gor, une organisation criminelle transnationale, basée en Asie et qui regroupe les plus importants groupes mafieux de la région, dont les triades chinoises. Ce cartel qui gère la logistique, le raffinage et la distribution de la drogue génère jusqu’à huit milliards de dollars par an.
Effondrement économique, insécurité alimentaire, absence de services publics et grande instabilité ont poussé de nombreux agriculteurs et ménages à se reconvertir dans la culture du pavot, plus rentable que les cultures traditionnelles. La production d’opium leur permet d’arrondir leurs fins de mois et constitue un moyen de survie pour les milliers de déplacés internes qui ont perdu leur emploi.
Par Jelena Tomic – Radio France Internationale – 17 juillet 2025
Articles similaires / Related posts:
- Birmanie : la culture d’opium prospère à la faveur du chaos Dans un champ entouré de collines, des ouvriers agricoles en file indienne pratiquent une entaille sur chaque bulbe de fleur de pavot pour en libérer la résine d’opium....
- En Birmanie, les routiers sur la ligne de front malgré eux Pots-de-vin, fusillades et glissements de terrain: à bord de son camion transportant des fruits et des meubles, Ko Cho roule entre la frontière thaïlandaise et Rangoun, avec son courage comme boussole dans une Birmanie en guerre....
- Camp de déplacés en Birmanie : « Ma maison a tremblé » sous l’impact de la bombe Des rescapés d’une attaque meurtrière fouillent les décombres de leurs habitations en bambou et en tôle, tentant de retrouver leurs possessions, dans le camp de Mong Lai Hkyet, en Birmanie, près de la frontière avec la Chine....
- Affrontements en Birmanie : un groupe armé ethnique revendique le contrôle d’une ville du nord Les combattants d’un groupe armé ethnique ont revendiqué mercredi 10 juillet le contrôle d’une ville de Birmanie située sur un axe majeur pour le commerce avec la Chine, après des jours d’affrontements avec la junte....
- « L’humanitaire est de plus en plus instrumentalisé et politisé », déclare Mirjana Spoljaric Depuis le coup d’Etat militaire de février 2021, la Birmanie est en proie au chaos et à la guerre civile, venus s’ajouter aux tensions interethniques qui minent le pays depuis des décennies. De retour de Birmanie, Mirjana Spoljaric, présidente du CICR, a appelé à une action urgente face à l’augmentation des besoins humanitaires....