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La Thaïlande et le Cambodge vont discuter en Malaisie de leur conflit frontalier

Alors que les affrontements continuent depuis plusieurs jours à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, les dirigeants des deux pays participeront, lundi 28 juillet, à une réunion de crise en Malaisie, à Kuala Lumpur. Une tentative diplomatique pour enrayer l’escalade meurtrière du conflit frontalier, dont le bilan dépasse désormais 30 morts, dont 13 civils en Thaïlande et huit au Cambodge. À Bangkok, une rare manifestation anti-guerre a réuni quelques dizaines de personnes, reflet d’un climat dans lequel les voix pacifiques peinent à se faire entendre.

Les pourparlers doivent s’ouvrir lundi 28 juillet à 07h00 GMT – avec, côté thaïlandais, une délégation menée par le Premier ministre par intérim Phumtham Wechayachai, et la participation confirmée du Premier ministre cambodgien Hun Manet –, la rue, elle aussi, fait entendre sa voix. 

Le Premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, a déclaré que les pourparlers prévus devaient porter sur un cessez-le-feu immédiat entre les deux pays en conflit. Les représentants des gouvernements cambodgien et thaïlandais « m’ont demandé d’essayer de négocier un accord de paix », a-t-il dit dimanche soir, selon l’agence de presse nationale Bernama.  « Je discute des paramètres, des conditions, mais ce qui est important, c’est (un) cessez-le-feu immédiat », a déclaré le Premier ministre malaisien.

« Non à la guerre ! »

Devant le parc de la Paix, en plein cœur de Bangkok, les slogans résonnent faiblement : « Cessez-le-feu immédiat ! Cessez-le-feu immédiat ! Non à la guerre ! Non à la guerre ! », rapporte notre correspondant à Bangkok, Valentin Cebron. Une poignée de manifestants brandissent des pancartes, sous la surveillance de quelques policiers en uniforme ou en civil, à peine plus nombreux que les journalistes venus couvrir le rassemblement.

Une militante prend le mégaphone pour adresser un message. « Au peuple cambodgien : nous sommes solidaires, unis, et nous disons non à ce conflit. Nous voulons protéger chaque vie, en Thaïlande comme au Cambodge ». À l’heure où les voix pacifiques se font rares, un autre manifestant dénonce un climat ultra-nationaliste, nourri selon lui par les médias locaux. « Tout ça alimente la haine de l’autre et contribue à déshumaniser. Et ce sont les travailleurs migrants cambodgiens en Thaïlande qui en paient le prix ».

Pour Nai, une vingtaine d’années, ce conflit n’est qu’une lutte de pouvoir, menée au détriment du peuple. « Dans chaque conflit, les élites instrumentalisent le nationalisme pour détourner l’attention des vraies crises. Elles désignent un ennemi extérieur pour rassembler la population. Or, en Thaïlande, l’armée traversait une grave crise de légitimité, liée au dernier coup d’État et à l’échec de la junte. Avec ce conflit, les militaires sont vus aujourd’hui comme des héros ». Mal-aimée il y a encore quelques mois, dit-il, l’armée redore ainsi son blason.

L’espoir d’un cessez-le-feu

Alors que les affrontements à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge se poursuivent, sur le terrain, « la situation reste tendue et les troupes cambodgiennes pourraient être en train de préparer des opérations militaires intensifiées pour infliger un maximum de dégâts dans les dernières étapes avant les négociations », a déclaré l’armée. Dans la province thaïlandaise de Sisaket, des journalistes de Reuters ont entendu des tirs d’artillerie tout au long de la journée de dimanche, sans pouvoir déterminer de quel côté de la frontière, ils provenaient.

Une clinique publique située à une dizaine de kilomètres de la frontière a été endommagée, avec des fenêtres brisées, des murs effondrés et des fils électriques à nu. Selon les médias locaux, l’établissement a été touché par des tirs d’artillerie samedi, deux jours après l’évacuation du bâtiment et du quartier environnant. De son côté, l’armée thaïlandaise accuse le Cambodge d’avoir tiré à l’artillerie lourde près de zones résidentielles et de mobiliser des lance-roquettes à longue portée.

Quatre jours de violences meurtrières

Les tensions entre les deux pays ont éclaté fin mai, après la mort d’un soldat cambodgien lors d’un accrochage frontalier. Depuis jeudi, les hostilités ont repris avec une intensité inédite : bombardements, tirs d’artillerie, assauts terrestres… Le conflit a déjà fait 33 morts, dont 13 civils thaïlandais et huit Cambodgiens. Plus de 200 000 personnes ont été évacuées de part et d’autre de la frontière.

Le bilan humain dépasse désormais celui du dernier conflit frontalier majeur entre les deux pays, entre 2008 et 2011. Le Cambodge fait état de 13 morts, dont cinq militaires. La Thaïlande annonce 21 morts, dont huit soldats.

Plus de 138 000 Thaïlandais et 80 000 Cambodgiens ont fui les zones frontalières. Les combats se sont étendus sur plusieurs fronts, parfois distants de plusieurs centaines de kilomètres, depuis la province thaïlandaise de Trat jusqu’au nord-ouest du Cambodge, autour de temples disputés depuis l’époque coloniale.

La veille, Donald Trump s’était positionné en médiateur : il a menacé samedi 26 juillet de suspendre les négociations sur les tarifs douaniers en cours avec les deux pays, en mauvaise posture économique, si les violences ne cessaient pas. 

Au-delà enjeux sécuritaires, c’est toute l’économie régionale qui pourrait vaciller. Car la Thaïlande et le Cambodge sont deux pays sont interdépendants.

Chaque année, plus de 6 milliards de dollars de biens circulent entre les deux pays. En 2024, la Thaïlande a importé pour 1,2 milliard de dollars en provenance du Cambodge, essentiellement des produits agricoles (légumes, tubercules), mais aussi des textiles, équipements électroniques, ainsi que de l’aluminium et du fer. À l’inverse, le Cambodge dépend fortement de son voisin pour ses approvisionnements en essence, matériaux de construction, machines agricoles et fertilisants.

Mais tout est aujourd’hui à l’arrêt : les postes-frontières sont fermés depuis plus d’un mois. Une situation critique pour près de 500 000 travailleurs cambodgiens employés en Thaïlande, notamment dans l’agriculture, la pêche et le bâtiment.

Le tourisme, pilier économique des deux pays, est également en danger. Il représente 18 % du PIB thaïlandais et 12 % de celui du Cambodge. Or, les tensions régionales freinent une reprise déjà fragile depuis la pandémie de Covid-19.

Autre aspect : le trafic Internet. Une part importante de la bande passante cambodgienne transite traditionnellement par la Thaïlande. Face à la menace d’une coupure, Phnom Penh a annoncé en juin la fin de ses achats de bande passante auprès de son voisin.

Radio France Internationale avec agences – 27 juillet 2025

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