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Qui compose la Commission de la sécurité et de la paix de l’État ?

Un nouveau gouvernement militaire pour la Birmanie

En mettant fin à quatre années et demie d’état d’urgence le 31 juillet, le Conseil de défense et de sécurité nationale (NDSC) a ouvert constitutionnellement la voie à de nouvelles élections générales.

Selon la loi fondamentale établie par les militaires en 2008, les votations nationales et provinciales devront se tenir avant le 31 janvier 2026. À quelle date précisément ? Rien n’est encore définitivement arrêté. Selon toute vraisemblance, les électeurs iront aux urnes à tour de rôle entre la troisième semaine du mois de décembre et la première moitié du mois de janvier. Mais pour donner du crédit à cette consultation citoyenne dans un pays en guerre civile, le régime militaire vient de se doter de nouvelles institutions.

Signe que la nation n’est pas en paix, leurs dénominations s’avèrent très sécuritaires (cf. Commission de la sécurité et de la paix de l’État (SSPC), Organe consultatif central du Conseil de défense et de sécurité nationale (NDSC/CAB), Comité central de surveillance de la sécurité (CSSC)). À vrai dire, en actant la dissolution du Conseil de l’administration de l’État (SAC), les putschistes ouvrent formellement le deuxième chapitre politico-institutionnel de leur coup d’État.

La Birmanie est désormais dirigée par la Commission de la sécurité et de la paix de l’État

Composée de 10 membres sous la présidence du chef de la junte qui s’est emparé du pouvoir par la force le 1er février 2021, elle est chargée tout particulièrement de superviser le processus électoral qui s’annonce. Sa composition illustre la continuité de la mainmise de l’armée sur les institutions. 70 % de ses constituants appartenaient déjà au SAC. À bien des égards, la SSPC n’est pas sans rappeler le Conseil d’État pour la paix et le développement (SPDC) qui a régi, avec 11 membres sous la férule du général Than Shwe, les affaires de l’État – de 1997 à 2011.

Hier comme aujourd’hui, ce sont des généraux putschistes qui s’octroient le droit d’organiser des scrutins à leurs mains et à celles de leurs intérêts personnels. Au passage, la mise sur pied de la SSPC souligne ô combien la Commission électorale de l’Union (UEC), qui vient au passage de changer d’attributaires (36 % de nouveaux membres) et de président, n’est qu’un organe subsidiaire dévolu aux bons vouloirs du commandant en chef des services de défense.

Au fond, la SSPC et sa centralité dans les processus de décision gouvernementaux dénotent la détermination des généraux à ne céder le pouvoir à un gouvernement « civil » issu des rangs du parti vainqueur dans les urnes que, si et seulement si, celui-ci s’avérera l’année prochaine entre les mains d’hommes portant ou ayant porté des uniformes des forces armées.

Cette prédominance militaire sur les organes d’État ne saurait être remise en cause en quoi que ce soit. C’est si vrai que 100 % des membres de la SSPC sont des hommes et des officiers supérieurs de la Tatmadaw. Ils ont également tous dépassé la soixantaine, à l’exception du général Kyaw Swar Lin, le chef d’état-major général (54 ans), et du général Ye Win Oo, le secrétaire de la SSPC (59 ans). Une masculinisation du pouvoir qui se renforce aussi, atteignant même des sommets : 100 % à l’UEC et au NDSC, 93,5 % au gouvernement et 93,3 % au NDSC/CAB.

Le général Min Aung Hlaing demeure le détenteur de tous les pouvoirs

Bien que le commandant en chef des services de défense ait rétrocédé les pouvoirs transférés en février 2021 par la NDSC au titre de l’état d’urgence, il n’a pas perdu une once d’influence. Président de la République par intérim, de la NDSC et de la SSPC, le numéro un de la Tatmadaw concentre de facto entre ses mains tous les leviers de décision exécutifs, législatifs et judiciaires. S’il vient facialement de renoncer aux fonctions de Premier ministre au profit de l’un de ses hommes liges, le général Nyo Saw, c’est parce que la bicéphalie de la gouvernance ré-énoncée est de pure fiction.

Aucune photo du nouveau gouvernement autour de son chef n’a d’ailleurs été publiée. Les ministres seront aux ordres de la SSPC comme ils l’ont été à ceux du SAC depuis 1642 jours. En outre, ils ne se montreront pas plus « décideurs » que leurs devanciers. Ironie de l’histoire, dans la première mouture du gouvernement de l’Union rendue publique, aucun ministre en charge de l’Éducation n’apparaissait même. Tout un symbole ! Tout comme celui de la disparition du portefeuille des Affaires ethniques. Plus généralement, la dissolution du SAC ne donne pas place à un gouvernement civil et plus ouvert à la société civile, notamment non-bamar.

Le gouvernement de transition est dirigé par un officier général

Certes, son leader est un soldat soi-disant retiré des cadres de l’armée d’active, mais son inféodation à l’armée et à son chef est totale. Sa patte n’a pas marqué la formation de son gouvernement. Seuls 4 des 31 portefeuilles ont été dévolus à des nouveaux venus (Éducation, Investissement, Travail, Secrétariat général), 3 ont changé d’attributions (Commerce, Finances, ministre de l’Union 1) et 22,5 % sont directement rattachés au général Min Aung Hlaing. Comme son aîné, il est diplômé de l’académie de défense (promotion 23). Oui, il a officiellement pris sa retraite en 2020, mais en 2023 le lieutenant-général a été promu major-général. Une élévation de rang peu commune pour un personnel sorti statutairement des cadres. En fait, cette décision a rappelé, urbi et orbi, que le nouveau « chef » du gouvernement n’est pas un cadre militaire tout à fait comme les autres.

L’homme, déjà pressenti pour devenir ministre de l’Intérieur en 2018, a été un soutien indéfectible au général Min Aung Hlaing depuis les premières heures du pronunciamento mais il est également un soldat au cœur de la stratégie prédatrice de l’armée et de son chef. Il est associé étroitement aux deux conglomérats d’affaires de la Tatmadaw depuis, au minimum, le début de la décennie.

En août 2022, l’officier de lignée militaire a pris la présidence de la Myanmar Economic Corporation (MEC), instance qu’il va continuer de piloter personnellement tout en étant Premier ministre. Il a également été un des directeurs de la Myanma Economic Holdings Limited (MEHL), et un acteur de l’Innwa Bank. Son poids « économique » lui a valu d’être en charge depuis août 2022 des importations énergétiques en provenance de Russie, de présider le Comité de surveillance des changes (FESC) et, à partir de septembre 2023, d’être membre du SAC et de devenir le conseiller économique du généralissime. Une centralité affairiste qui lui a permis de bâtir une certaine fortune, mais aussi un relationnel très étroit avec le couple présidentiel. Son épouse Daw San San Aye a ainsi accompagné la conjointe du général Min Aung Hlaing, Daw Kyu Kyu Hla, lors de son voyage en Russie en juillet 2025.

Le général Nyo Saw est avant tout un facilitateur d’affaires

Sa complicité ancienne avec le numéro un du SAC et ses responsabilités entretenues dans l’appareil économique de la junte l’ont mené à être inscrit sur la liste des personnalités sous sanctions occidentales. En le ciblant en décembre 2023, l’Union européenne le qualifiait de « personne qui porte atteinte à la démocratie et à l’État de droit ».

Son ascension à la tête du gouvernement aujourd’hui met en lumière combien le putsch de 2021 a eu bien plus à voir avec la pérennité des intérêts patrimoniaux de l’armée qu’à la défense d’une démocratie multipartite menacée par les soi-disant appétits de pouvoir sans mesure de la Ligue nationale pour la démocratie. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, le général Nyo Saw détient de surcroît le portefeuille de la Planification nationale, ce qui lui permettra de peser encore plus que par le passé dans l’attribution des marchés publics à des proches et des hommes d’affaires ayant fait allégeance à la junte.

Les observateurs de la recomposition politico-institutionnelle en cours auront aussi noté la promotion du général Aung Lin Dwe (n°4 du SSPC), un autre ex-directeur de la MEHL, appelé aux fonctions de directeur exécutif de la NDSC. L’officier est censé avoir quitté l’uniforme en janvier 2022, mais il est, lui aussi, un point de jonction entre l’armée et les milieux d’affaires pro-militaires, au plus grand avantage des intérêts entrepreneuriaux de ses enfants, qui n’ont eu de cesse depuis son accession au SAC le 2 février 2021 de bénéficier de contrats publics.

Le réordonnancement actuel du pouvoir n’est que de pure façade

Il est une étape de communication sur la route des élections de fin d’année. Un habillage qui n’apporte que des correctifs à la marge (ex. : disparition des six titres de vice-premiers ministres, dissolution de l’organe consultatif central du SAC). Au final, dans cette manœuvre institutionnelle, très peu de sang neuf et de responsables ont été écartés des organes du pouvoir central. Parmi les 9 dirigeants du SAC qui n’ont pas glissé vers la SSPC, un seul n’a pas retrouvé de poste (Dr Ba Shwe), 6 ont rejoint le NDSC/CAB et 2 le gouvernement. Quant aux sortants de l’organe consultatif central du SAC, seul U Moung Har n’a pas trouvé de point de chute jusqu’ici. Le général Nyo Saw est devenu Premier ministre et les 9 autres ont glissé au NDSC/CAB où ils constituent 60 % de la nouvelle architecture.

Conclusion

Pour résumer, dans le périmètre du SAC, seuls 7,4 % des cadres ont perdu tout rôle. C’est dire l’ampleur très limitée des ajustements apportés le 31 juillet. On relèvera toutefois, au cœur du pouvoir, la place ultradominante des Bamars, les représentants de groupes ethniques (ex. : Kachin, Rakhine) étant cantonnés au NDSC/CAB ou à des portefeuilles ministériels de second rang (ex. : Jeunesse et Sports), mais aussi des officiers de l’armée de terre. Ni les forces aériennes, ni la marine n’ont placé des officiers d’active dans le premier cercle du pouvoir. Ces deux corps d’armée jouent pourtant des rôles importants dans la contre-insurrection et les contre-offensives préélectorales.

Ne nous y trompons pas, la levée de l’état d’urgence qui vient d’intervenir ne signifie en rien que la situation sécuritaire se soit améliorée depuis six mois. C’est un artifice pour annoncer les élections, rechercher quelques soutiens (inter)nationaux, mais celles-ci ne pourront cependant pas se tenir au minimum sur un cinquième du territoire, 63 townships relevant aujourd’hui de la loi martiale.

Par François Guilbert – Gavroche-thailande.com – 4 août 2025

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