Esclaves en Birmanie après avoir été kidnappés en Thaïlande
Ce reportage de Reuters met en lumière un réseau criminel international d’escroqueries en ligne, dont les ramifications s’étendent jusqu’en Thaïlande et qui opère principalement dans des zones reculées de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie (Myanmar).
Des milliers de personnes, souvent elles-mêmes victimes de trafic, sont contraintes de travailler dans des centres d’arnaque, sous peine de violences brutales. La Thaïlande joue un rôle clé de plaque tournante pour le trafic de ces victimes.
Ces centres d’arnaque, souvent situés dans des zones reculées ou hors de portée des autorités, exploitent les victimes pour mener des activités frauduleuses en ligne, telles que des escroqueries financières ou des cyberattaques. Les réseaux criminels organisés profitent de la vulnérabilité des personnes trafiquées, les privant de leurs droits fondamentaux et les maintenant dans des conditions inhumaines. Les efforts internationaux pour démanteler ces réseaux et protéger les victimes restent insuffisants face à l’ampleur du problème.
Les témoignages recueillis auprès de neuf personnes originaires d’Afrique, d’Asie du Sud et d’Asie du Sud-Est, victimes de ce trafic entre 2022 et 2025, révèlent des récits cohérents de manipulation et d’exploitation.
L’enquête de Reuters met en lumière non seulement l’existence des centres d’arnaque, mais aussi le rôle déterminant de certains fonctionnaires prétendus de l’immigration thaïlandaise dans le transfert des victimes vers la Birmanie. Elle révèle également la dureté des conditions de vie dans ces complexes d’escroquerie qui continuent de prospérer malgré les efforts intensifiés de répression.
- Le Mode Opératoire :
- Des individus sont attirés en Thaïlande, souvent par des promesses d’emplois lucratifs.
- À l’aéroport de Bangkok, ils sont interceptés par des personnes se présentant comme des agents d’immigration ou des représentants de leur hôtel.
- Ils sont ensuite acheminés vers des provinces éloignées en Thaïlande, souvent sous prétexte de détours ou d’autres raisons.
- Leur destination finale est un complexe en Birmanie, tel que le tristement célèbre « KK Park ».
- La Vie dans les Centres d’Arnaque :
- Ces centres, gérés par des gangs criminels chinois, sont gardés par des milices locales affiliées à l’armée birmane.
- Les victimes sont forcées de travailler de longues heures (jusqu’à 17-20 heures par jour).
- Leur tâche consiste à contacter des personnes en ligne, à simuler des identités (par exemple, « Alicia », une créatrice de mode) et à les escroquer par le biais de faux schémas d’investissement.
- Des « modèles » sont parfois utilisées pour des appels vidéo afin de tromper davantage les victimes.
- Les conditions de vie sont extrêmement difficiles : dortoirs surpeuplés, sanitaires insuffisants, manque de nourriture.
- Les Punitions et la Cruauté :
- Le non-respect des objectifs financiers entraîne des punitions sévères.
- Celles-ci incluent des passages à tabac avec des matraques électriques, l’isolement dans des pièces sombres, des privations de nourriture et d’eau, et des décharges électriques sur tout le corps.
- Certains récits font état de coups avec des tiges de bambou et de traitement médicaux inadéquats en cas de blessures graves.
- Le Rôle des Autorités et des Milices :
- Des allégations suggèrent la complicité de certains fonctionnaires de l’immigration thaïlandais et d’employés d’aéroport dans le trafic des victimes.
- Les milices birmanes (Karen National Army, Democratic Karen Buddhist Army) exploitent ou louent des terrains à ces centres, bien que certaines affirment ne pas avoir été au courant de leur nature criminelle.
- L’armée birmane nie son implication, mais son influence dans les zones frontalières est reconnue.
- La Chine coopère activement avec la Birmanie et la Thaïlande pour démanteler ces opérations.
- Les Évasions et les Campements de Secours :
- Certains détenus parviennent à s’échapper, affrontant des conditions dangereuses et la poursuite par des hommes armés.
- Après des opérations de répression, des milliers de victimes ont été libérées, mais certaines ont été placées dans des camps de secours aux conditions précaires, surveillés par des milices.
- La repatriation des personnes libérées est ralentie par des contraintes administratives et logistiques.
- Les Conséquences pour les Victimes :
- Les survivants ont souvent perdu leur emploi et se retrouvent dans des situations financières précaires, luttant pour payer leurs dettes et leurs frais médicaux.
- Ils sont marqués psychologiquement par l’expérience traumatisante.
Ce reportage met en lumière l’ampleur et la brutalité d’une industrie du crime en ligne qui exploite la vulnérabilité des individus, avec des complicités et des failles systémiques qui permettent sa perpétuation. Il révèle également les mécanismes complexes qui sous-tendent ces activités illicites, allant des réseaux de hackers organisés aux plateformes numériques qui facilitent le blanchiment d’argent et la diffusion de données volées. Ce système, alimenté par une demande croissante et une régulation souvent insuffisante, met en péril la sécurité numérique mondiale et la vie privée de millions de personnes.
Thailande-fr.com avec Reuters – 19 septembre 2025
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