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Dans les forêts du Laos, la survie de l’un des mammifères les plus rares au monde ne tient qu’à un fil

Dans l’ombre des forêts du Laos, un animal discret concentre désormais l’attention d’une coalition internationale. Grâce à des technologies de pointe et à l’expertise de pisteurs locaux, les scientifiques espèrent identifier ce mammifère rare et enclencher un plan de reproduction conservatoire inédit.

Les forêts tropicales abritent encore des formes de vie que nul humain n’a réellement croisées. À mesure que l’empreinte humaine s’étend, certaines espèces glissent dans l’oubli avant même d’avoir été pleinement étudiées. Le saola, discret bovidé tapi dans les reliefs du Laos, fait partie de ces fantômes biologiques dont la survie ne tient plus qu’à un fil.

Le saola, témoin muet de la disparition des grands mammifères d’Asie

Découvert officiellement en 1992, le saola reste l’un des derniers grands mammifères terrestres à avoir été identifié par la science au XXe siècle. Ce laps de temps tardif, combiné à son extrême discrétion, souligne à quel point certains milieux tropicaux recèlent encore des trésors ignorés. Depuis cette date, seuls quelques individus ont pu être capturés ou photographiés, souvent de manière accidentelle. Cette rareté n’est pas qu’un trait biologique, elle reflète surtout la vitesse à laquelle les écosystèmes asiatiques s’effondrent.

Alors que les grandes espèces emblématiques comme le tigre ou l’éléphant font l’objet de vastes campagnes de protection, le saola demeure absent des priorités internationales. Pourtant, son territoire, grignoté par la déforestation, les routes et le braconnage, se réduit à peau de chagrin. Dans les zones les plus reculées du Laos, il devient le dernier représentant d’une faune qui s’éteint sans témoin. Ce silence autour de sa disparition probable révèle un déséquilibre majeur dans la perception et la gestion des espèces en danger.

Ce que la disparition du saola révèle de notre emprise sur les forêts

L’extinction du saola ne relève pas d’un cas isolé. En réalité, elle reflète un effondrement plus global des chaînes trophiques en Asie du Sud-Est. Dans ces forêts, les habitats se fragmentent peu à peu, ce qui provoque une rupture des continuités écologiques. De ce fait, des groupes autrefois connectés deviennent isolés, souvent piégés dans de petites zones boisées. Or, ces fragments sont trop étroits pour garantir leur survie à long terme. Peu à peu, cette rupture invisible provoque une série d’impacts sur l’ensemble de l’écosystème.

Le cas du saola met aussi en lumière la place des pièges métalliques dans cette crise. Non ciblants, peu coûteux et massivement utilisés, ces dispositifs artisanaux n’épargnent aucune espèce. En 2021, des images captées par piégeage photographique ont montré une absence quasi totale de grands mammifères dans certaines zones protégées du Laos, signal d’alerte lancé notamment par les équipes du Saola Working Group, actif sur le terrain depuis 2006. Le fait que les chasseurs ne ciblent pas le saola directement mais le condamnent malgré eux avec des techniques de chasse aveugles accentue encore l’absurdité de sa disparition.

Un avenir suspendu aux choix des prochaines années

Face à l’absence prolongée de toute preuve directe de sa présence, les scientifiques explorent de nouvelles voies. Une étude publiée dans Cell en septembre 2025 a permis de décrypter le génome complet du saola à partir d’échantillons anciens. Les chercheurs y révèlent que malgré sa raréfaction, l’espèce conserve une diversité génétique étonnamment élevée. Ce constat inverse les prédictions pessimistes et relance les espoirs d’une réintroduction viable, à condition de retrouver des individus vivants dans la nature.

Pour augmenter les chances de détection, les équipes mobilisent aujourd’hui des technologies de pointe dans les montagnes du Laos. Elles déploient des chiens pisteurs, collectent de l’ADN environnemental, analysent les sons grâce à des algorithmes acoustiques et réalisent des relevés thermiques pour repérer le moindre indice biologique. Il ne s’agit plus seulement de sauver une espèce, mais de démontrer qu’une stratégie de conservation peut réussir sans contact visuel prolongé avec l’animal cible. Le saola oblige la communauté scientifique à repenser ses modèles et à considérer l’invisible comme un territoire d’action à part entière.

Par Auriane Polge – Science et Vie – 5 octobre 2025

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