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Tenants et aboutissants du conflit frontalier entre le Cambodge et la Thaïlande (2ème partie)

Il y a deux semaines, au moment où paraissait la première de ces deux chroniques sur les relations troubles entre la Thaïlande et le Cambodge, et plus précisément sur le contentieux à l’égard d’une zone frontalière contestée, une entente venait d’être signée pour calmer le jeu après plusieurs mois de crise. Fort malencontreusement, les violences ont ressurgi peu après sa publication.

Après l’explosion d’une mine terrestre qui a mutilé un soldat thaïlandais, des tirs ont été échangés au cours de la semaine dernière. Une personne a perdu la vie et plusieurs autres ont été blessées. Le cessez-le-feu ayant été suspendu par la Thaïlande, le processus de réconciliation s’en trouve fragilisé et chargé d’incertitude.

Tout cela n’a rien pour plaire au président américain Donald Trump, qui comptait sur un succès diplomatique en Asie du Sud-Est pour lui faciliter la voie vers le prix Nobel de la paix. Mais là n’est pas l’essentiel, certes…

La première chronique s’efforçait de retracer les origines historiques de ce conflit. Alors que la région concernée abrite plusieurs sites religieux de renommée mondiale, le problème actuel des frontières est le fruit de décisions prises sous le régime colonial français. Ce problème a été exacerbé par des conflits qui ont fait rage depuis les années 1960.    

Et pourtant, il ne s’agit pas vraiment d’ennemis jurés. Les rapports entre ces pays s’avèrent bien plus complexes que la simple hostilité. Écoutons les explications fournies par l’historien thaïlandais Charnvit Kasetsiri.

«L’histoire de la Thaïlande et de ses voisins, en particulier le Cambodge, le Laos et la Birmanie, comporte à la fois des éléments positifs et négatifs», expliquait-il dans un article paru en 2003, peu après l’incendie de l’ambassade de Thaïlande à Phnom Penh, capitale du Cambodge, aux mains d’une foule outrée par les propos d’une actrice thaïlandaise revendiquant pour son pays le célèbre temple d’Angkor Vat, joyau de la civilisation khmère.

Kasetsiri poursuit: «Certains évènements ont engendré de la haine […] ; d’autres ont suscité du mépris et des sentiments de supériorité ou d’infériorité, comme dans le cas des relations entre la Thaïlande et le Cambodge et le Laos. Ces sentiments ont conduit à d’importants malentendus.»

Il en résulte un paradoxe des plus frappants: alors que le Cambodge et la Thaïlande «partagent des coutumes, des traditions, des croyances et des modes de vie similaires», les rapports entre ces deux nations sœurs se caractérisent par une «relation amour-haine» qui sous-tend tout effort de dialogue et d’apaisement des tensions.

Selon une interprétation trop simpliste, mais très courante, le contentieux servirait de guerre par procuration entre la Chine, alliée traditionnelle du Cambodge, et les États-Unis, qui soutiennent la Thaïlande. Mais la réalité ne se résume guère à un tel scénario.

Voici donc trois éléments clés pour comprendre ce dossier en pleine évolution.

Tout d’abord, il faut souligner que la paix est souhaitée par toutes les parties prenantes. C’est ce qui est ressorti très clairement du récent sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE ou ASEAN en anglais), tenu à Kuala Lumpur à la fin du mois dernier. L’ANASE, c’est une organisation de coopération et d’assistance mutuelle regroupant 11 pays. C’est en marge de cette rencontre qu’a été signé l’accord entre le Cambodge et la Thaïlande, sous la présidence malaisienne et avec la médiation des États-Unis.

La Chine fut présente, elle aussi, à ce sommet. Ce que le géant asiatique appelle de ses vœux, c’est la stabilité régionale afin de faire avancer ses intérêts économiques et son influence politique, en espérant que Washington tournera ses regards ailleurs.

Le deuxième point, d’ordre contextuel, c’est que les deux combattants appartiennent à deux catégories de poids différentes, pour emprunter une métaphore à la boxe. La Thaïlande compte une population plus de quatre fois plus grande que celle du Cambodge, tandis que son territoire fait presque le triple de la superficie de son voisin. Leurs économies respectives n’ont rien à voir l’une avec l’autre, la Thaïlande ayant un produit intérieur brut d’un tout autre ordre de grandeur que celui du Cambodge, où le niveau de vie demeure assez faible, malgré des progrès marqués. 

C’est pourtant en Thaïlande que les secousses du différend frontalier ont fait plus de ravages politiques. En juin dernier, la révélation d’un appel téléphonique secret entre Paetongtarn Shinawatra, alors première ministre, et Hun Sen, président du Sénat cambodgien, a déclenché un scandale qui a mené à la destitution de Shinawatra.

Dernier point, et non des moindres: la crise entraine des effets néfastes sur le plan économique, et ce, pour les deux royaumes. Actuellement, leur frontière terrestre est fermée et le commerce entre ces pays est au point mort. L’impact se fait surtout sentir dans la région de Poipet et les zones environnantes, d’où ont été évacués des centaines de milliers de résidents. Le tourisme international en souffre également. À tout cela s’ajoutent les menaces de tarifs douaniers accrus de la part du président Trump. 

Bien entendu, ce n’est pas pour le prix Nobel tant convoité par le locataire de la Maison-Blanche qu’il faut s’inquiéter, mais surtout pour les gens ordinaires dont l’existence a été bouleversée par ce conflit récurrent et très regrettable.

Par Clint Bruce – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse – 21 novembre 2025

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