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Au Cambodge, des milliers d’esclaves détenus par des mafias chinoises

De jeunes asiatiques venus du Vietnam, de Malaisie, de Taïwan, de Chine ou de Hong Kong, sont aux mains de cybercriminel chinois, raconte le « Los Angeles Times ». Son enquête dévoile un vaste réseau de trafic d’êtres humains destiné à arnaquer des clients sur internet.

« C’est là que j’ai réalisé que j’étais un esclave », témoigne un jeune Thaïlandais de 20 ans au « Los Angeles Times » . Soraton, comme des milliers d’autres jeunes asiatiques (ils seraient environ 100.000 selon le quotidien américain) s’est fait piéger sur Facebook : une petite annonce publiée sur le réseau social lui promettait un travail bien rémunéré au Cambodge, un poste de conseiller au sein d’une entreprise de services client, aucune expérience nécessaire.

Il n’hésite pas longtemps, démissionne du restaurant à Bangkok où il travaillait, et postule à cette offre d’emploi. Quelques heures plus tard, un homme se présente à sa porte et l’emmène à la frontière cambodgienne. Arrivé là-bas, Soraton est enfermé dans un immense gratte-ciel, juste au-dessus d’un casino. Dans les locaux, on lui confisque son passeport, « Le chef m’a dit à ce moment-là que si j’essayais de fuir, ils me vendraient à un autre gang ».

Vendu sur Telegram

Ces dizaines de milliers d’esclaves doivent arnaquer, pour le compte de mafias chinoises, des clients, par téléphone ou sur Internet : chaque jour ils sont forcés de se faire passer, par exemple, pour une jeune femme à la recherche du grand amour, un agent immobilier, un revendeur de billets pour la Coupe du monde de football, un commercial ou un investisseur à la recherche de financements.

Celles et ceux qui parviennent à remplir les objectifs fixés sont récompensés, on leur donne de la nourriture, de l’argent ou un peu de liberté. Celles et ceux qui n’y arrivent pas en revanche, sont battus, torturés ou vendus à d’autres gangs via la messagerie sécurisée Telegram par exemple.

C’est ce qui est arrivé à un jeune Indonésien qui avait essayé d’alerter les autorités et son ambassade au Cambodge: ses chefs l’ont alors puni en le vendant sur une plateforme où il s’est rendu compte qu’il était loin d’être le seul dans cette situation. Rezky Rizaldi affirme au « Los Angeles Times » avoir vu d’autres photos d’hommes « en vente » comme lui, sur l’une d’elles, un homme avait les doigts coupés.

Cambodge, Syrie et Corée du Nord

Rezky Rizaldi et Soraton ont réussi à s’échapper du Cambodge, grâce à l’appui de leur ambassade, de militants ou de leur famille. Les autorités cambodgiennes, de leur côté, reconnaissent effectivement que 100.000 personnes pourraient être impliquées dans cette « industrie », mais elles réfutent totalement le terme de trafic d’être humains.

Le pouvoir cambodgien affirme que la plupart des étrangers dans le pays sont là de leur plein gré et que la plupart des conflits qui existent entre les patrons et leurs employés concernent des différends quant à leur contrat de travail. Cet été, les autorités américaines ont classé le Cambodge comme l’un des pires pays concernant le trafic d’êtres humains, au même titre que la Syrie, l’Afghanistan et la Corée du Nord.

Par Pauline Jacot – Les Echos – 6 novembre 2022

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