La culture des armes à feu en Thaïlande pose question
Alors que la Thaïlande est encore sous le choc après une fusillade de masse dans la ville de Nakhon Ratchasima au début du mois, le débat autour de la culture des armes à feu propre au royaume semble refaire surface.
La virée meurtrière d’un soldat dans la ville de Nakhon Ratchasima, les 8 et 9 février derniers, a duré 19 heures, faisant 29 morts et 57 blessés et terrorisant tout un pays. Dix jours plus tard, mardi, un homme est entré dans un centre commercial du centre de Bangkok pour abattre de sang-froid son ex-femme avant de prendre la fuite. Il a été arrêté le lendemain.
Même si le nombre et la fréquence des crimes par armes à feu ont baissé ces dernières années, le taux élevé d’armes à feu par habitant reste un sujet qui préoccupe.
Il y avait en 2016 environ 10 millions d’armes à feu détenues par des particuliers dans le pays -dont 4 millions illégalement-, soit à peu près une pour sept personnes, selon Gunpolicy.org.
Les Thaïlandais se plaingnent sur Twitter du fait que leur sentiment de sécurité était moins évident aujourd’hui. Un utilisateur du réseau social, @KMoungdee, a même publié des conseils pour faire face à une fusillade.
« Je ne peux pas dire si la Thaïlande a un problème avec les armes à feu, mais elle a sans aucun doute une culture des armes à feu », souligne Michael Picard, directeur de recherche de GunPolicy.org de l’Université de Sydney.
« Les armes à feu sont idolâtrées comme symboles de pouvoir et de privilège, car elles sont chères et difficiles à obtenir légalement », dit-il.
Néanmoins, si le niveau de violences par arme à feu reste élevé par rapport à certains des voisins de l’Asie du Sud-Est de la Thaïlande, il est en diminution depuis plusieurs années. La Thaïlande a enregistré 1.034 homicides par arme à feu en 2016, contre 2.234 en 2012. La Malaisie en dénombrait quatre en 2016, tandis que les Philippines en ont enregistré plus de 7.000 en 2011, selon les dernières données de GunPolicy.org.
Mais cela n’empêche pas le sentiment d’insécurité d’augmenter à Bangkok.
Quelques jours après la fusillade de masse dans la ville de Nakhon Ratchasima, connue aussi sous le nom de Korat, à 250 kilomètres de Bangkok, un homme de Bangkok a semé la panique dans le quartier de Pathumwan, en plein cœur de la capitale près de l’université Chulalongkorn, en tirant plusieurs dizaines de balles en l’air. Même si personne n’a été blessé, l’homme a été arrêté.
En janvier, un enseignant d’une école élémentaire avait fait un casse qui a mal tourné dans une boutique d’or de la province de Lopburi, à environ deux heures au nord de Bangkok, tuant trois personnes, dont un garçon de deux ans.
En novembre, un officier policier retraité avait tué deux personnes en plein tribunal, avant d’être abattu par la police.
Des armes accessibles en ligne
« De nombreux commentateurs ont déploré l’augmentation de la violence urbaine à mesure que les villes de Thaïlande se développent, » estime Michael Picard. « Il est possible que la criminalité urbaine augmente tandis que les autres causes d’homicides liés aux armes à feu diminuent », souligne-t-il.
Les lois sur les armes à feu sont considérées comme strictes en Thaïlande, la possession illégale d’arme à feu étant passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans et d’une amende pouvant aller jusqu’à 20.000 bahts (environ 600 €).
Cependant, l’application de la loi reste un défi de taille compte tenu du nombre d’armes à feu illégales en circulation, de la corruption dans le domaine de la sécurité et des nouvelles filières pour se procurer des armes à feu en ligne.
« Un nouveau moyen d’acquérir des armes à feu illégales en Thaïlande consiste à passer par les réseaux sociaux », indique Michael Picard.
« Cela a rendu encore plus facile l’acquisition illégale d’une arme à feu, car pratiquement n’importe qui peut le faire du moment qu’il dispose d’une connexion Internet et d’un compte bancaire. »
Un .38 Smith & Wesson d’occasion peut s’acquérir en ligne à partir de 20.000 bahts.
L’obtention légale d’une arme à feu en Thaïlande nécessite une procédure de trois mois auprès des autorités provinciales avec des frais autour de 1.500 bahts, selon un responsable du ministère de l’Intérieur.
La plupart des crimes liés aux armes à feu ces deux derniers mois, dont la tuerie de Korat, ont été commis avec des armes à feu sous licence.
Cependant, les autorités affirment que les crimes par armes à feu ont retenu l’attention surtout parce qu’ils se sont produits en une série de cas très rapprochés.
« Les crimes liés aux armes à feu n’ont pas augmenté », a déclaré à Reuters le porte-parole adjoint de la police, Kissana Phathanacharoen.
« Il y a des crimes sans arme et des crimes impliquant des couteaux, des armes à feu et des matraques et tous peuvent tuer des gens. C’est simplement que les incidents (liés aux armes à feu) se sont produits à peu près au même moment. »
Lepetitjournal.com avec Reuters – 20 février 2020
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