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A Mandalay, la statue dorée du Bouddha de Mahamuni est en danger

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Il s’agit à la fois d’une des images du Bouddha les plus sacrées de Birmanie, d’un site touristique majeure de Mandalay et même du pays et d’un secret bien conservé durant plusieurs mois que la nécessité rend d’un seul coup public :

la célèbre statue de Siddhârta Gautama, l’une des cinq dont la légende dit qu’elle fut réalisée de son vivant en copiant son apparence réelle (c’est bien une légende…), qui trône au saint de la pagode de Mahamuni… est en danger ! Son autel s’affaisse, ce que personne ne souhaitait dire, et cela entraîne des craquellements et des fissures de la structure et même au niveau de la statue. Une situation suffisamment alarmante pour que le conseil d’administration de la pagode décide de rompre le silence discret qui couvrait l’affaire afin d’avoir recours à des experts aptes à suggérer des solutions. Que les dévots se rassurent, U Soe Linn, le président du conseil d’administration, a bien précisé que « toute réparation se ferait sous le contrôle des moines les plus âgés »… sans préciser leurs compétences particulières en matière de métallurgie, architecture, sculpture ou restauration…

Le conseil d’administration est officiellement au courant de ces fissures depuis mi-décembre. En réalité, et très officieusement, l’affaissement de l’autel a été noté bien avant mais les administrateurs ne savaient pas très bien quoi faire et ont donc préféré garder le silence et prévenir les autorités régionales et nationales. C’est d’ailleurs désormais un groupe de représentants de diverses administrations qui supervise la mission de restauration, un groupe qui comprend la région de Mandalay, le ministère des Affaires religieuses et de la Culture, la Direction nationale de l’archéologie et des musées et bibliothèques nationales et auquel ont aussi été appelés la Société des ingénieurs de Birmanie et l’Association des architectes de Birmanie. Tout ce beau monde a immédiatement expliqué, après une réunion le 4 mars dernier, qu’il n’y avait pas à s’inquiéter, qu’une intervention serait conduite dans la soirée entre 16 et 18h et qu’ensuite tout allait rentrer dans l’ordre. Avant de devoir revenir sur ces déclarations officielles pour admettre aujourd’hui que ce sera un processus de long terme afin de faire en sorte que l’autel comme la statue soient stabilisés pour une longue durée.

Plus de 650 kilos d’or collés sur la statue

Le problème du sauvetage est double. D’abord, la statue est l’objet d’une dévotion et d’une superstition intenses qui amènent des milliers de pèlerins sur le site où ils achètent de très, très fines feuilles d’or qu’ils collent ensuite sur la sculpture en émettant un vœu qui doit se réaliser grâce à l’intersession du Bouddha. Dans un pays comme la Birmanie où la religion bouddhiste imprègne en profondeur la société et la culture, cette pratique a abouti à quelque 650 kilos d’or déposé au long des années sur la structure. Or, et c’est là le second souci, les connaissances sur cette sculpture sont extrêmement limitées, une fois sorti du folklore et de la légende. Il est certain qu’elle a été amenée en 1784 à Mandalay par le roi Bodawphaya après une guerre contre le royaume d’Arakan qui a vu le souverain birman s’emparer de Mrauk U, alors capitale de l’Arakan, où il a saisi la statue. Mais il n’est pas clairement établi en quel état matériel elle a été trouvée, de quelle manière elle a été transportée et même à quoi elle ressemblait à l’époque. La nature de l’autel, de son socle et de ses fondations ne sont pas mieux connues… Car les premières documentations écrites et photographiques exploitables n’interviennent qu’après que la statue a été installée dans la pagode de Mahamuni et que les feuilles d’or ont commencé à couvrir le métal d’origine. Les spécialistes ne connaissent même pas la nature exacte de l’alliage la composant, si ce n’est qu’il s’agit d’un bronze ; mais en quel teneur de cuivre ? Réalisé par quel procédé de fusion ? A partir de quel type de moule ?

Le plus simple en théorie serait de faire des prélèvements mais les parties de la statue encore accessible sans enlever l’or ne peuvent être approchées ou prélevées sans offenser le sentiment religieux, ce que personne ne souhaite bien sûr. De plus, la Birmanie ne dispose pas des appareils de mesures nécessaires à l’analyse d’alliage ancien. La quantité d’or a été elle estimée grâce à une méthode indirecte, des mesures de réflexion d’onde sonore, des ultrasons en l’occurrence. Cependant, ces techniques sont limitées. Le choix des autorités s’est donc porté sur un tunnel sous le socle pour accéder à la statue et à l’autel par les soubassements, évaluer l’ampleur des dégâts, opérer des prélèvements et créer un étayage temporaire en attendant de savoir quoi faire exactement. « Dans tous les cas, avoue un U Soe Linn embarrassé, la statue n’est pas conçue pour recevoir tout cet or et il y en a certainement de trop ».

Reste que les diverses pagodes du pays sont en concurrence pour la dévotion des fidèles, et les dons qui l’accompagne, et qu’à Mandalay, c’est justement l’aspect très particulier de cette accumulation de feuilles d’or polies rudimentairement à la main par les croyants qui rend cette statue et cette pagode si particulière pour les touristes. Avant que l’épidémie Covid-19 ne perturbe la planète, la pagode de Mahamuni recevait de l’ordre d’un millier visiteurs étrangers par jour, chacun devant s’acquitter de 5 000 kyats de droit d’entrée. Avec l’absence des touristes chinois, le nombre a baissé en février, passant de 500 à 700. Mais au final, cette activité représente des sommes respectables auxquelles s’ajoutent celles des ventes de feuilles d’or et de tous les « à côté » dans la pagode. Un pactole que les responsables de la pagode ne veulent pas perdre en modifiant la statue ou les règles afférentes à son usage mais que les fissures mettent clairement en danger si les solutions choisies ne sont pas les bonnes.

Lepetitjournal.com – 8 mars 2020

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