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Un député USDP condamné à six mois de prison pour « diffamation »

D’une certaine manière, il s’agit un peu d’une histoire d’arroseur arrosé… Un député appartenant au Parti de l’Union et de la Solidarité (USDP, le bras politique des dirigeants militaires) vient d’être condamné à 6 mois de prison pour « diffamation » en accord avec l’article 505(B) du code pénal birman.

Or, de nombreuses instances de défenses des droits humains et de la liberté d’expression se battent pour faire abolir cet article auquel elles reprochent à la fois son texte flou qui ouvre la porte à toutes les interprétations, les lourdes sanctions possibles jugées disproportionnées et l’incarcération préventive systématique avant même le procès qui permet d’utiliser le 505(B) de manière dissuasive, comme menace car chacun peut ainsi envoyer quelqu’un en prison même sachant qu’il n’y a pas diffamation ; la plainte suffit pour un séjour en cellule dont personne n’a envie…

Le 505(B) du code pénal stipule l’interdiction de « créer, publier ou faire circuler une affirmation, une rumeur ou un document (y compris un rapport) qui a pour intention de susciter, ou qui pourrait probablement susciter, de la peur ou de l’inquiétude dans la population ou dans un groupe particulier de la population et perturber ainsi l’Etat ou la tranquillité publique ». La peine maximum encourue se monte à deux ans de prison ferme. On peut noter au passage que les informations diffusées sur le coronavirus peuvent être interprétées comme violant cette loi, ce qui prouve à quel point ce texte est flou et a en effet besoin d’être au moins modifié.

« La LND construit des maisons pour les musulmans »

Mais l’USDP comme la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) – pour le moment les deux principaux partis politiques de Birmanie par leur nombre d’élus – se sont toujours abstenus de toucher à cet article, et en ont même fait un ample usage qualifié d’abusif par la plupart des organisations de défense de la liberté d’expression en Birmanie. Pour l’USDP, un argument revenant souvent pour défendre le 505(B) est la nécessité de punir sévèrement la diffamation car c’est une infraction grave… Derrière ce discours, l’idée de limiter la capacité des journalistes ou ONG à critiquer les exactions de certains militaires sur le terrain des divers conflits civils qui aujourd’hui empoisonnent la Birmanie.

Malheureusement pour Tin Soe, élu USDP au parlement de la région de Mandalay pour la circonscription de Pyaw Bwe, l’article 505(B) s’applique aussi parfois à des situations de diffamation réelle… Alors qu’il menait campagne en 2018 dans un village de sa circonscription, le député a affirmé que « les coûts de réalisation des routes étaient aujourd’hui bien plus élevés sous la LND que sous l’ancien régime du général Than Shwe et que d’ailleurs la LND utilisait le budget fédéral de manière illégale afin de construire des maisons pour les musulmans ». Un discours qui a fait bondir le vice-président local de la LND qui s’est empressé de porter plainte pour diffamation suivant le 505(B) car tout cela est faux.

Maladie fort à propos

L’égalité de tous devant la loi n’est cependant bien souvent qu’une illusion dans la plupart des pays du monde, et alors que la plupart du temps la liberté sous caution n’est pas acceptée pour le 505(B), Tin Soe et ses défenseurs sont parvenus à convaincre le juge de la lui octroyer. A noter que sa députation ne lui confère pas d’immunité particulière dans cette situation. Et maintenant que la sentence a été prononcée, le prévenu dont le parti est pour une application stricte de la loi s’est débrouillé… pour éviter la prison ! Le tribunal a prononcé sa décision le 13 mars dernier, et Tin Soe devait être incarcéré de manière immédiate. Mais il a demandé et obtenu un sursis d’une journée pour voir son médecin le lendemain, « pour un rendez-vous déjà pris relatif à une maladie de cœur, de l’hypertension et du diabète ». Et le 14, le médecin personnel du député a estimé que « sa condition médicale ne lui permettait pas de séjourner en prison car celle-ci n’est pas équipée pour prendre en charge des patients comme lui » (précisons que tout cela se passe dans la ville de Yemeithin, et pas de celle de Levallois-Perret…).

Ko Tin Soe a donc été interné à l’hôpital de district, sous la surveillance d’un garde. Le problème est que le Dr. Soe Htut, le médecin-chef de cet hôpital, a tout de suite déclaré que « au vu de son dossier médical, ces divers maux sont depuis longtemps sous contrôle et qu’il n’est pas aujourd’hui dans un mauvais état de santé particulier. Lui, son médecin et d’autres personnes sont arrivés à l’hôpital en réclamant des analyses et un traitement spécifique. Par souci médical, nous avons bien sûr fait les examens car il est exact que la prison n’est pas équipée pour ces problèmes. Mais les résultats sont bons et nous n’avons pas de raisons de le garder. Pour moi il doit partir ». Ce que pour l’instant le « malade » ne veut pas faire…

Lepetitjournal.com – 19 mars 2020

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