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Les hommes dans l’eau noire

En me promenant dans la rue, je suis tombée par hasard sur un spectacle à la fois très étrange et familier. Un groupe d’égoutiers était en train de boire de l’eau à la hâte. Les pieds nus, les visages pleins de sueur et les regards optimistes ouverts sur la vie. Cela m’a beaucoup touchée.

J’ai arrêté de me plaindre au travail depuis que j’ai rencontré ces égoutiers. Je me suis demandée plusieurs fois : « À quoi ressemble l’assurance sociale réservée à ces travailleurs ? L’odeur est désagréable, mais quelle est leur motivation pour qu’ils s’habituent à tout ? Comment peuvent-ils faire un tel travail ?« 

Je me suis rapprochée d’eux pour satisfaire ma curiosité. Un autre monde apparaissait devant mes yeux. Contrairement au luxe de la ville, dans un petit coin de la rue, sous une plaque d’égout, j’ai trouvé des hommes qui travaillaient très dur. Ils plongeaient dans un environnement terrible pour collecter et déblayer les ordures. Je comprends alors que la valeur de la vie, c’est quand nous savons vivre pour les autres.

Un métier pénible

Le métier de « plongeur d’égouts » est peu connu du grand public. Et peu de personnes peuvent imaginer toutes les choses qui se passent là-dessous. C’était l’horreur. Une fois, au moment de sortir des égouts, j’ai vu une espèce de masse au niveau des bras des travailleurs. C’était une guirlande de rats et de blattes. Ils rongeaient leurs combinaisons. Ces hommes se déplacent dans un tas d’immondices. Si vous n’avez pas l’esprit solide et n’êtes pas en bonne santé, vous ne durerez pas longtemps dans ce travail.

Nguyên Chi H. raconte : « Je fais ce métier depuis 20 ans. C’est une des professions les plus pénibles. Le fait de se couper, se brûler, se blesser en travaillant est très courant. Parfois, nous baignons même dans des excréments humains« . « Quand une partie des canalisations est bouchée, ils font appel à nous pour tout nettoyer. Des clous, sacs plastiques, morceaux de verre, ou seringues circulent partout dans les eaux usées« , confie Nguyên Hoàng Tr.

« Nous nous apercevons nettement du niveau de danger. Avec seulement une goutte d’eau, il y a presque à coup sûr une source d’infection ». Il essuie la sueur de son visage en souriant légèrement. « Mais, maintenant, c’est devenu une habitude. J’ai suffisamment d’expérience pour exécuter ces missions et gagner ma vie. Ma compagne s’habitue aussi à cette odeur. Chaque fois que je rentre à la maison, s’il n’y a pas cette odeur typique, elle se tourmente et me questionne … !« , plaisante-t-il.

Après quelques minutes de repos, ils reprennent le travail. Je les regarde faire et je dois dire que je les admire énormément. Malgré les conditions de travail très difficiles, parfois au péril de leur vie, ils ne quittent pas leurs emplois. Ils sont fiers de l’utilité de leur métier. Ils ne veulent pas que ce travail disparaisse car il est très important.

Pour la santé publique

J’ai été plusieurs fois très troublée à propos de la sécurité de leur travail. Ils doivent souvent souffrir sous l’influence de produits toxiques et d’odeurs putrides. Mais pourtant, ils continuent de travailler pour la santé publique, pour le « poumon vert » de la ville. Il est cependant dommage qu’ils ne reçoivent pas la sympathie de beaucoup de personnes. « Parfois, c’est avec une profonde tristesse que de nombreuses personnes, en se bouchant le nez, nous croisent rapidement. Même parfois, elles nous disent quelques mauvaises paroles. Mais, elles ne s’aperçoivent pas que si nous faisons ce travail pénible, c’est pour elles, à cause d’elles et à cause du manque de sensibilisation dans les activités quotidiennes…« , fait savoir Nguyên Hoàng Tr.

Réfléchissant à ses paroles, je comprends mieux l’importance de la gestion des déchets chez les citoyens. Il ne faut pas les jeter devant les bouches d’égout pour éviter l’obstruction notamment lors de la saison des pluies. Les petites actions peuvent avoir de grandes conséquences. Nous nous serrons les coudes pour protéger l’environnement, notre santé et celle de notre entourage. Ne laissons pas les travailleurs pauvres mourir à cause de notre manque de conscience !

À la nuit tombée, j’ai dû dire « au revoir » à ces égoutiers et regagner ma maison, l’âme emplie d’émotions. Maintenant encore, leurs images et leurs sourires sont toujours dans un coin de ma tête. Pour quelques individus, il est possible que ce soit un sale boulot et que ces « plongeurs d’égouts » soient en bas de la société. Toutefois, moi, je les appelle par un nom admiratif – les nobles ou les héros de la ville. Du fond de mon cœur, je les respecte beaucoup. J’espère qu’une fois leur journée de travail finie, une fois leurs uniformes retirés et leur tête libérée, leur sourire illuminera leur visage et tous leurs ennuis disparaîtront.

Par Hiêu Tuyên – Le Courrier du Vietnam – 24 mai 2020

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