La ville des passionnés de « gratte »
Certains l’aiment électrique, d’autres la préfèrent acoustique. À Hô Chi Minh-Ville, on fabrique des guitares, on en joue dans les bars, on les collectionne. La mégapole est décidément la capitale nationale des guitaristes.
Le 4e arrondissement de Hô Chi Minh-Ville compte des dizaines de familles fabricantes de guitares depuis l’époque coloniale française. « Le savoir-faire se transmet dans ma famille depuis des générations. Les gens préfèrent les instruments importés mais peu savent que beaucoup de guitares fabriquées au Vietnam sont aussi exportées, y compris au Japon », informe Chí, luthier.
Sa famille possède un atelier de lutherie pour l’exportation à Binh Duong, province voisine de Hô Chi Minh-Ville. Les matières premières sont toutes importées des États-Unis.
« Made in Vietnam » et exportation au Japon
Thuc est un fabricant de guitares expérimenté. Son père, originaire du Nord, avait travaillé comme luthier pour un patron français avant 1945. Sa famille s’est installée à Saïgon (ancien nom de Hô Chi Minh-Ville) et perpétue ce métier depuis. « J’ai confectionné une guitare pour le grand musicien Trinh Công Son. Il s’est rendu chez nous en personne pour passer commande », confie-t-il avec fierté.
Les prix des guitares sont variés, d’un million à plusieurs centaines de millions de dôngs, selon la matière, la qualité du son… Outre les guitares acoustiques, beaucoup de luthiers fabriquent aussi des guitares électriques. C’est le cas de Nguyên Hoàn, qui vend ses instruments à 3-4 millions de dôngs (soit environ 130 – 170 USD).
Dans la mégapole du Sud, on peut facilement trouver des ateliers dans les 4e, 7e, 12e arrondissements, à Thu Duc ou dans le district de Nhà Bè, entre autres. Le long du canal de Nhiêu Lôc – Thi Nghè, de nombreux cafés permettent à ceux qui le souhaitent de jouer de la guitare, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Des passionnés viennent se produire gracieusement, dont certains guitaristes connus comme Công Danh Sinco ou Thành Sago.
Quand des amateurs deviennent des stars
De nombreux cafés, notamment le Yoko bar, organisent des open mic le soir ; il suffit de s’inscrire et puis de faire de son mieux avec son instrument. Les artistes bénéficient alors d’une réduction de 20% sur le prix des boissons. Parfois le monde se bouscule au portillon, et il faut attendre jusqu’à presque minuit pour enfin monter sur scène.
« Nul part ailleurs, on adore autant la guitare qu’à Hô Chi Minh-Ville !”, assure David Trân, qui anime des rencontres autour de la guitare dans des bars et cafés. Les collectionneurs de belles « grattes » sont aussi légion. Le compositeur Lê Quang est l’un d’eux. Il en possède des dizaines, certaines valant jusqu’à 3.000 USD.
Hà Phái Ngoc, un guitariste, dispose d’une vingtaine d’instruments. Mais il ne se prend pas pour collectionneur, car selon lui « les vrais collectionneurs ont des guitares autrement plus chères que les miennes ». L’artiste Phuong Yoko, quant à lui, en a des dizaines : des Gibson, des Fender…, toutes très rares. Un collectionneur anonyme est propriétaire de basses valant des centaines de millions de dôngs. Selon Nguyên Hoàn, qui en fait l’entretien, elles sont rares à l’échelle mondiale.
Dung Classic, vendeur de guitares : « Il n’y a pas que les artistes qui collectionnent cet instrument. Je connais un journaliste qui en a une dizaine, chacun valant plus de 1.000 USD ». Il est difficile de savoir combien de guitaristes étrangers viennent jouer à Hô Chi Minh-Ville chaque année. Fin 2019, la ville a accueilli trois professionnels dont le Viêt kiêu (Vietnamien de la diaspora) Nguyên Lê et l’Américain Bumblefoot, membre des Guns N’ Roses de 2006 à 2014 et qui joue actuellement dans le groupe Sons of Apollo.
Et récemment, le guitariste russe Dmitry Maloletov s’est produit dans la mégapole du Sud. Peu de temps auparavant, le Thaïlandais Jack Thammarat, vainqueur du concours mondial « Guitar Idol » en 2019, y avait joué avec son groupe.
Par Nguyên Anh & Mai Quynh – Le courrier du Vietnam – 5 juillet 2020
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