Les riverains furieux après l’accident d’Amarapura
Même si le flot des eaux de l’Ayeyarwady se déversant par la porte et la digue brisées de la station de pompage de Shwege, à côté d’Amarapura, sont maintenant sous contrôles après des réparations de fortune, le nombre de déplacés par les inondations est rapidement monté en flèche pour dépasser désormais les 13 500 personnes.
S’il va falloir passer à des réparations plus solides une fois le niveau de l’eau plus bas, les riverains victimes des flots sont bien entendu très en colère, et la visite des officiels, vice-président Henri Van Tho et ministre de l’Intérieur Soe Htut en tête, n’a en rien diminuer leur ire. « Nous avons entendu parler de ce projet de station de pompage dès 2017 et nous étions inquiets. Depuis nous l’avons fait savoir plusieurs fois mais personne ne nous a écouté ou a même fait attention à nous. Ils ont commencé les levées de terre et voilà le résultat ! » proteste avec aigreur l’un des riverains interroges par des médias locaux. Un autre constate les faits : « Nous avons bien vu qu’il y avait des fuites au niveau des tuyaux que l’entreprise était en train de poser. Mais ils ont continué et voilà, tout s’est écroulé, des milliers de personnes ont tout perdu et sont dans des camps », reprend un autre habitant, toujours dans ces médias. Et un troisième d’enfoncer le clou de rage : « La rupture de la digue est entièrement de la faute de la compagnie de travaux publics, c’est dû à son imprudence. Alors ils peuvent bien réparer, ce n’est pas cela qui nous apportera quelque chose à nous, ceux qui sont ruinés maintenant ».
Ce projet de station de pompage est réalisé par une entreprise chinoise qui assure la maîtrise d’œuvre pour le Comité de développement de la ville de Mandalay (l’équivalent d’un conseil municipal en France), qui en est maître d’ouvrage. Les fonds proviennent d’un prêt de la Banque asiatique de développement. L’entreprise chinoise a gagné l’appel d’offre d’environ 5 millions d’euros en 2018. La station était en cours de construction au moment de l’accident. Selon un membre du Comité de développement de la ville de Mandalay, cité par les médias nationaux, l’entreprise aurait d’ailleurs reconnu sa faute et sa responsabilité. Reste que chaque année en juillet et août, le débit de l’Ayeyarwady augmente avec la saison des pluies et que procéder à des travaux à une telle époque est pour le moins curieux. Le Comité aurait quand même pu s’en rendre compte… De même que l’étude d’impact environnementale si elle a été conduite, et conduite correctement.
C’est malheureusement devenu une habitude en Birmanie d’avoir de grandes institutions publiques (comme les Nations Unies) ou privée (comme l’International Finance Corporation (IFC), qui dépend de la Banque Mondiale), ou gouvernementale (comme le Comité de développement de la ville de Mandalay) qui se lancent dans des projets sans consulter correctement les populations, parfois même aux détriments de l’intérêt de celle-ci, et presque toujours sans écouter leurs avis. Les simulacres de réunions publiques et d’études d’impacts environnemental et social comme celles conduites par l’IFC sur ses projets ultra décriés dans l’état de Shan autour des rivières Namtu et Salween étant un cas d’école de ce type de mépris condescendant des populations. En conséquence, les constructions mal menées, mal planifiées, mal réalisées comme celle de cette station de pompage de Shwege se multiplient, avec trois constantes : des millions d’euros circulent, les populations locales en profitent au final très peu et les accidents ne sont pas rares…
Lepetitjournal.com – 22 juillet 2020
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