Vietnam : les réseaux sociaux, terrain de chasse du Parti Communiste
Google et Facebook peuvent devenir les bras armés d’un régime autoritaire qui censure et harcèle. Exemple au Vietnam.
Vous allez me dire, le Vietnam c’est lointain. Certes. Mais le Vietnam constitue un gigantesque marché pour les géants du web en Asie, il s’agit même de leur premier bassin de revenus sur le continent. Vous verrez donc que là où l’appât du gain s’avère faramineux, point de principes qui tiennent.
Amnesty International s’intéresse de près au Vietnam. Pourquoi ? Parce que, loin de la carte postale touristique, le régime communiste se révèle de plus en plus répressif, terrassant toute opposition. Dans ce pays où la presse libre n’existe tout simplement pas, a été votée l’année dernière une loi permettant de contrôler l’activité des défenseurs des droits en ligne. Au nom de la lutte contre la cybercriminalité, les plateformes sont désormais obliger de stocker les données des utilisateurs sur le sol vietnamien pour les remettre aux autorités si elles l’exigent. En outre, le gouvernement a mis sur pied la Force 47, une unité composée de 10 000 cyber-soldats chargés de défendre le Parti et d’attaquer les blogueurs qui porteraient des voix dissidentes sur internet.
Ce qui devait arriver est donc arrivé. Dans l’épais rapport d’Amnesty, on découvre que 40% des prisonniers d’opinion ont été poursuivis au nom de leurs agissements sur les réseaux sociaux. Et avec la complicité de qui ? Des réseaux sociaux eux-mêmes devenus, selon Amnesty, le terrain de chasse des autorités. Celles-ci y livrent tantôt des guerres psychologiques, tantôt une censure pure et simple. Que des dizaines d’opposants politiques ont confié aux enquêteurs d’Amnesty.
Facebook et Google acquiescent ainsi à 90% des demandes de retrait formulées par l’Etat. Or, qu’est-ce que ces grandes entreprises américaines « retirent » ? Des contenus dissidents ciblés par le régime.
Dans son dernier rapport de transparence, Facebook reconnait en effet qu’au Vietnam, les contenus bloqués car jugés illégaux ont bondi de 1000% en six mois. Pourquoi Facebook obtempère-t-il ? Parce que Hanoï aurait fermé les vannes du haut débit et ralentit délibérément son trafic en guise d’avertissement. Le message est très bien passé.
Par Sonia Devillers – Radio France Inter – 2 décembre 2020
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