Birmanie : l’armée dénonce des irrégularités lors des élections et n’exclut pas un coup d’État
L’armée birmane a de nouveau dénoncé mardi des irrégularités lors des législatives de novembre, remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, n’excluant pas la possibilité d’un coup d’État si le gouvernement ne lui permettait pas de procéder à des vérifications.
Sous prétexte de la pandémie de coronavirus, les élections «n’ont pas été libres, ni justes», a assuré lors d’une conférence de presse le porte-parole de l’armée, le major général Zaw Min Tun. Les militaires affirment avoir recensé au moins 8,6 millions de cas de fraude, dont des milliers d’électeurs centenaires ou mineurs. Le Parlement, où le parti d’Aung San (LND) Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie a remporté 396 sièges sur 476, a refusé de convoquer une session extraordinaire sur ces allégations mises en avant depuis un mois par les militaires. «L’armée défendra la Constitution contre les organisations, nationales ou internationales, qui ne la respectent pas», a averti Zaw Min Tun.
«On ne dit pas que l’armée prendra le pouvoir, mais on ne dit pas qu’elle ne le prendra pas» si la commission électorale ne fournit pas les listes électorales définitives afin de procéder à des vérifications nécessaires, a mis en garde le militaire, interrogé sur la possibilité d’un coup d’État.
Le parti d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, très critiquée à l’international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas mais toujours adulée par une majorité de la population, a remporté une victoire écrasante en novembre. Il s’agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte qui a régné pendant un demi-siècle sur le pays.
L’armée conserve toutefois un pouvoir très important, ayant la main sur trois ministères clés (l’Intérieur, la Défense et les Frontières). En lançant ses accusations de fraude, «elle veut montrer qu’elle joue toujours un rôle de premier plan» en politique, estime Myo Nyunt, porte-parole de la LND, assurant que cette période post-électorale se fera «dans le respect des lois». Plusieurs organisations des droits humains ont remis en cause la légitimité du scrutin de novembre: l’élection a été annulée pour des «raisons de sécurité» dans plusieurs régions où les partis ethniques auraient eu de bonnes chances de l’emporter et les 600.000 Rohingyas restés dans le pays, à qui l’on refuse la citoyenneté birmane, n’avaient pas pu se rendre aux urnes.
Le Figaro avec Agence France Presse – 26 janvier 2021
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