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En Birmanie, les funérailles de la première victime de la répression militaire, au lendemain de violences meurtrières

Mya Thwate Thwate Khaing, blessée par balle le 9 février, est morte vendredi. Deux personnes, dont un mineur, ont également été tuées samedi par les forces de l’ordre lors de manifestations contre le coup d’Etat militaire qui se poursuivent ce dimanche.

La répression et la violence meurtrière n’en finissent plus de sévir en Birmanie, près de trois semaines après le coup d’Etat qui a porté l’armée au pouvoir.Symboliquement, le pays a rendu hommage, dimanche 21 février, à la première victime de la résistance à la junte, au lendemain des violences les plus meurtrières depuis le coup d’Etat.

Mya Thwate Thwate Khaing, une épicière de 20 ans blessée par balle le 9 février et morte vendredi, est devenue le symbole de la lutte contre le pouvoir militaire. Ses funérailles ont eu lieu dans la périphérie de la capitale, Naypyidaw, en présence de plusieurs milliers de personnes. Trois doigts levés en signe de résistance au passage du cercueil, la foule a scandé : « A bas la dictature ! »« Nous nous battrons jusqu’à la victoire ! », avant de se disperser en silence.

Des hommages avaient débuté samedi à Rangoun, la capitale économique, réunissant plusieurs milliers de manifestants, qui déposaient des roses blanches et rouges devant son portrait avec de petits messages : « Tu es notre martyre »« Nous ne t’oublierons pas ».

Malgré les violences et les risques, la mobilisation en faveur de la démocratie ne faiblit pas : des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau dans les rues dimanche, dans les grandes villes du pays comme dans les villages reculés. « Nous sommes prêts à perdre la vie. Nous nous battrons jusqu’au bout », a assuré un manifestant de 26 ans à Rangoun. « Si nous avons peur, nous ne réussirons pas » à renverser la junte.

Des protestataires se sont aussi réunis à Mandalay, deuxième ville du pays et théâtre, samedi, des violences les plus meurtrières depuis le coup d’Etat. Dans cette ville du centre du pays, la police a tiré sur des manifestants venus soutenir des ouvriers en grève sur un chantier naval pour protester contre le putsch. Deux manifestants ont été tués et une trentaine d’autres ont été blessés. Le bilan pourrait être provisoire.

Les secouristes ont rapporté que l’une des deux personnes tuées était un mineur qui a reçu une balle dans la tête, ajoutant que « la moitié des victimes ont été visées par des tirs à balles réelles, les autres ont été blessées par des munitions en caoutchouc et des tirs de lance-pierres ».

Aucune mention des deux victimes n’a été faite dans le journal Global New Light of Myanmar, contrôlé par l’Etat, qui a en revanche blâmé les manifestants pour leur comportement « agressif » et précisé que trois militaires et huit policiers avaient été blessés.

Par ailleurs, un homme de 30 ans est mort samedi à Rangoun alors qu’il patrouillait près de chez lui dans le cadre d’une initiative citoyenne visant à empêcher les arrestations nocturnes d’opposants au régime. Sa belle-sœur a affirmé qu’il avait été « tué par la police ». La télévision d’Etat a confirmé son décès, assurant que 20 personnes avaient attaqué un véhicule de police qui avait effectué des tirs de sommation pour les disperser.

Condamnations internationales

Cette escalade de la violence a provoqué de nouvelles condamnations internationales. « L’usage de la force meurtrière, de l’intimidation et du harcèlement contre des manifestants pacifiques est inacceptable », a tweeté dans la nuit de samedi à dimanche le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres. « Chacun a le droit de se rassembler pacifiquement. J’appelle toutes les parties à respecter les résultats de l’élection et à revenir à un gouvernement civil », a ajouté M. Guterres.

I condemn the use of deadly violence in Myanmar. The use of lethal force, intimidation & harassment against peacef… https://t.co/b498S8kb4O— antonioguterres (@António Guterres)

Plus tôt dans la journée de samedi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a appelé « l’armée et les forces de l’ordre à mettre immédiatement fin aux violences contre les civils », précisant que l’Union européenne (UE) allait « prendre les décisions appropriées ». Les ministres des affaires étrangères de l’UE doivent se réunir lundi pour discuter d’éventuelles sanctions.

Des mesures coercitives visant uniquement certains généraux – comme c’est le cas de celles annoncées par les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni – ne suffiront pas, ont averti plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), exhortant à cibler aussi les puissants conglomérats contrôlés par les militaires. Pékin et Moscou, alliés traditionnels de l’armée birmane aux Nations unies, considèrent, eux, la crise comme « une affaire intérieure » au pays.

Arrestations de responsables politiques

La junte fait fi des condamnations. Les vagues d’arrestations de responsables politiques, d’activistes ou de grévistes se poursuivent. Près de 570 personnes ont été interpellées depuis le 1er février, et seules une quarantaine ont été relâchées, d’après une ONG d’assistance aux prisonniers politiques.

L’acteur Lu Min, tête d’affiche des manifestations à Rangoun, a été interpellé dans la nuit de samedi à dimanche, a annoncé sa femme, en pleurs sur les réseaux sociaux. Les connexions Internet ont été coupées pour la septième nuit de suite, avant d’être restaurées dans la matinée.

Facebook a de son côté annoncé avoir bloqué la page « Tatmadaw True News Information Team » de l’armée pour incitation à la violence. Les généraux l’ont utilisé pour justifier leur putsch et alléguer des fraudes lors des élections de novembre, remportées massivement par le parti de la Prix Nobel de la paix, la Ligue nationale pour la démocratie. Ils ont promis de nouvelles élections.

La peur des représailles est très forte en Birmanie où les derniers soulèvements populaires de 1988 et 2007 ont été réprimés dans le sang par l’armée. Malgré cela, parallèlement aux manifestations de rues, les appels à la désobéissance civile se poursuivent avec des médecins, des enseignants, des contrôleurs aériens ou des cheminots toujours en grève. Les protestataires réclament l’abolition de la Constitution très favorable aux militaires, le retour du gouvernement civil et la libération des détenus, dont Aung San Suu Kyi, 75 ans.

L’ex-dirigeante, tenue au secret depuis son arrestation, est inculpée pour des motifs non politiques, accusée d’avoir importé « illégalement » des talkies-walkies et d’avoir violé une loi sur la gestion des catastrophes naturelles. Une audience est prévue le 1er mars.

Le Monde avec Agence France Presse – 21 février 2021

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