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En Birmanie, l’audience d’Aung San Suu Kyi reportée

Faute de connexion Internet, l’ex-dirigeante accusée de corruption par la junte ne sera finalement entendue par la justice que le 1er avril, selon son avocat.

L’ex-dirigeante Aung San Suu Kyi devait comparaître, mercredi 24 mars, devant la justice birmane, accusée notamment de corruption par la junte, qui poursuit sa répression des manifestations.

L’audience concernant Aung San Suu Kyi devait se tenir en visioconférence devant un tribunal de Naypyidaw, la capitale administrative, autour duquel les forces de l’ordre ont été déployées en nombre. Mais, faute de connexion Internet, elle « a été reportée au 1er avril », a rapporté Khin Maung Zaw, l’avocat de l’ancienne chef du gouvernement, qui n’a toujours pas été autorisée à rencontrer sa cliente. L’accès à Internet reste effectivement très restreint en Birmanie, l’armée ayant ordonné la coupure des connexions mobiles et de plusieurs réseaux Wi-Fi.

275 civils ont été tués, selon l’AAPP

Pour tenter d’éteindre le vent de fronde démocratique qui souffle sur le pays depuis le coup d’Etat du 1er février, les militaires intensifient chaque jour leur riposte. De plus en plus de civils qui ne participent pas à la contestation, dont des femmes et des enfants, sont visés.

Mardi, Khin Myo Chit, une fillette de 7 ans, a été tuée « par un tir mortel à l’estomac alors qu’elle était dans sa maison » à Mandalay (centre), selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Sa mort n’a pas été confirmée à ce stade de source indépendante à l’Agence France-Presse (AFP).

L’ONG Save the Children s’est dite « horrifiée que des enfants continuent de figurer parmi les cibles », recensant une vingtaine de mineurs abattus ces sept dernières semaines. Au total, 275 civils ont été tués, selon l’AAPP. Le bilan pourrait être beaucoup plus lourd : des centaines de personnes arrêtées sont portées disparues.

Le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun, a fait pour sa part état, mardi, de 164 victimes dans les rangs des protestataires, qualifiés de « violents terroristes ». Il s’est dit déterminé à « réprimer l’anarchie », faisant fi des nouvelles sanctions imposées par les Etats-Unis et l’Union européenne.

Mercredi, plus de 600 Birmans détenus par les forces de sécurité depuis le coup d’Etat militaire ont tout de même été relâchés, a appris l’AFP de source pénitentiaire. « Nous avons libéré aujourd’hui 360 hommes et 268 femmes de la prison d’Insein » à Rangoun, a déclaré un haut responsable de l’établissement pénitentiaire sous couvert d’anonymat.

Les violences restent très vives à Mandalay (centre) où 21 civils sont morts depuis dimanche. Dans la nuit de mardi à mercredi, des barricades érigées par les manifestants ont été incendiées, des maisons ont été pillées, des tirs résonnant dans plusieurs quartiers de la ville, d’après les médias locaux.

L’ex-dirigeante accusée de corruption

Les généraux accusent Aung San Suu Kyi de corruption. Deux hommes se sont confessés dans des vidéos diffusées par les médias d’Etat, assurant lui avoir versé à eux deux plus d’un million de dollars et onze kilos d’or. Des observateurs s’interrogent sur l’authenticité de ces témoignages : l’un des témoins est emprisonné, l’autre a un passé trouble.

L’ancienne chef de facto du gouvernement civil est poursuivie pour quatre autres chefs d’accusation, dont l’incitation aux troubles publics. Si elle est reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés, elle pourrait être condamnée à de longues années de prison et se voir bannie de la vie politique.

La junte a justifié son putsch en alléguant d’« énormes » fraudes lors des législatives de novembre, remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Mardi, le porte-parole de la junte a assuré que de nombreux faux bulletins avaient circulé lors de ce scrutin. Il a fait diffuser des vidéos d’électeurs affirmant avoir été payés par des représentants de la LND.

Membres du parti, responsables locaux, grévistes, activistes : plus de 2 800 personnes ont été arrêtées depuis le coup d’Etat, d’après l’AAPP. Beaucoup sont détenues au secret et n’ont pas de représentant légal. Des centaines sont « portées disparues » a déploré l’ONU, un expert des Nations unies évoquant de probables « crimes contre l’humanité ».

La junte cible également les médias. Thein Zaw, un photographe d’Associated Press accusé d’avoir « semé la peur et répandu de fausses nouvelles », est convoqué ce mercredi devant un tribunal de Rangoun.

Le Monde avec Agence France Presse – 24 mars 2021

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