Birmanie : vives condamnations de Biden et l’UE au lendemain du jour le plus sanglant depuis le putsch
La journée de répression la plus sanglante depuis le coup d’Etat du 1er février en Birmanie, avec au moins 107 personnes tuées samedi dont sept enfants, a soulevé dimanche un tollé dans le monde, notamment de l’Union européenne et du président des Etats-Unis, qui ont vigoureusement condamné ces violences.
« C’est terrible », a déclaré dimanche le président américain Joe Biden à des journalistes. « C’est absolument scandaleux et d’après les informations que j’ai reçues, beaucoup de personnes ont été tuées de manière complètement inutile ».
L’Union européenne, par la voix de son chef de la diplomatie, a de son côté condamné dimanche soir « une escalade de la violence inacceptable », « une voie insensée » choisie par la junte militaire birmane. Dans un communiqué, le Haut représentant de l’UE Josep Borrell a qualifié cette journée de samedi de « jour d’horreur et de honte ».
Les militants pour le rétablissement de la démocratie avaient appelé à de nouvelles manifestations samedi, jour où l’armée organise tous les ans un gigantesque défilé devant le chef de l’armée, désormais à la tête de la junte, le général Min Aung Hlaing.
Samedi soir, Min Aung Hlaing et sa femme ont reçu des dignitaires, dont le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine, lors d’un somptueux dîner en plein air à Naypyidaw. Le journal officiel The Mirror a rapporté qu’un concert avait été donné ainsi qu’un spectacle de drones représentant Min Aung Hlaing en train de saluer.
Les Nations unies ont estimé le nombre de morts de samedi à 107 personnes – dont sept enfants – mais s’attendent à ce que ce bilan augmente encore. Les médias locaux font état de 114 morts.
Un précédent bilan faisait état d’au moins 90 morts.
« Les actions honteuses, lâches et brutales de l’armée et de la police – qui ont été filmées en train de tirer sur des manifestants alors qu’ils fuyaient et qui n’ont même pas épargné les jeunes enfants – doivent être immédiatement stoppées », ont déclaré deux hautes responsables de l’ONU, Michelle Bachelet et Alice Wairimu Nderitu, dans une déclaration commune.
Mais selon la chaîne Myawaddy TV, gérée par l’armée, le bilan de la journée de samedi est de 45 morts et de 552 arrestations. La télévision a justifié la répression en affirmant que les manifestants avaient fait usage d’armes à feu et de bombes contre les forces de sécurité.
Le nombre de morts est passé à au moins 423, selon l’AAPP, une ONG locale qui recense le nombre des morts depuis le putsch.
Dimanche, les Birmans sont une nouvelle fois descendus dans les rues de Rangoun et d’autres villes pour réclamer le retour à la démocratie, et de nombreuses funérailles devaient avoir lieu à travers le pays, qui se remet de sa journée la plus sanglante depuis le putsch.
« Une fille a reçu une balle dans la tête et est décédée à l’hôpital, tandis que deux hommes ont été abattus sur place », a ainsi déclaré à l’AFP un secouriste de la ville de Monywa.
À Hlaing, un quartier de Rangoun, un garçon de 16 ans a perdu la main dans une explosion, en essayant de renvoyer une grenade lancée par les forces de sécurité sur les manifestants, a déclaré un secouriste.
À Mandalay, la famille d’Aye Ko, un père de quatre enfants, tué dans la nuit de samedi à dimanche, lui a rendu hommage lors d’une cérémonie. « Il était le seul à nourrir la famille, le perdre est une grande perte pour nous », a déclaré un proche à l’AFP.
Message de militaires occidentaux
Les chefs des forces de défense de 12 pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et l’Allemagne, ont condamné dans la nuit de samedi à dimanche l’utilisation de la force par l’armée birmane contre des civils « non armés ».
« Une armée professionnelle suit les normes internationales de conduite et a la responsabilité de protéger le peuple qu’elle sert, non de lui nuire », indiquent-ils dans un rare communiqué conjoint.
Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est dit « horrifié » par la « terreur » que font régner les militaires birmans. Son homologue britannique Dominic Raab a estimé que la junte avait franchi un « nouveau palier » dans la répression.
L’ambassade américaine à Rangoun a demandé à ses citoyens de limiter leurs mouvements dimanche, les appelant à la « prudence » s’ils devaient voyager. Le centre culturel américain de Rangoun a été la cible de coups de feu samedi.
L’armée a utilisé des balles réelles dans plus de 40 cantons de neuf régions, y compris à Rangoun, la plus grande ville du pays, selon l’AAPP.
Tirs à l’arme automatique
« Les forces de la junte ont tiré à l’arme automatique sur les zones résidentielles, tuant de nombreux civils, dont six enfants entre dix et seize ans », a déclaré l’ONG. « Le fait que le régime militaire illégitime vise les enfants est un acte d’inhumanité grave ».
Parallèlement, un groupe de rebelles armés de la minorité ethnique des Karens, l’Union nationale karen, a affirmé avoir été bombardé par des chasseurs de la junte dans l’est samedi, quelques heures après que le groupe rebelle s’est emparé d’une base militaire.
Hsa Moo, de l’ethnie karen et militante des droits de l’homme, a déclaré à l’AFP que trois personnes avaient été tuées et au moins huit blessées.
Il s’agit de la première attaque aérienne dans cet Etat depuis 20 ans. La cible, la cinquième brigade de l’Union nationale karen (KNU), est l’un des plus grands groupes armés du pays et affirme représenter le peuple karen.
De nouvelles frappes aériennes dimanche ont poussé 2.000 personnes de deux villages de l’État de Karen à traverser la frontière thaïlandaise pour se mettre à l’abri, selon Hsa Moo.
Le Point avec Agence France Presse – 29 mars 2021
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